Revue de droit de l'Université de Sherbrooke
Volume 47, numéro 1, 2017
Sommaire (5 articles)
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À QUOI SERT LE DROIT? UN COMPLÉMENT SOCIOLOGIQUE À L’ODYSSÉE PHILOSOPHIQUE DE FRANÇOIS OST
Jean-Guy Belley
p. 1–55
RésuméFR :
Ce texte propose un commentaire critique sur le plus récent livre de François OST : « À quoi sert le droit? Usages, fonctions, finalités ». La réflexion philosophique de François Ost l’a mené à la conclusion que l’importance sociale du droit réside essentiellement dans sa contribution à la poursuite de l’idéal humaniste. La tradition juridique occidentale a fait du droit une institution de second degré dont la fonction primordiale est de constituer symboliquement chaque être humain en sujet de droit et citoyen. Dans les rapports entre justiciables comme dans le fonctionnement des institutions politiques, le droit impose des exigences réflexives et procédurales qui traduisent l’aspiration de l’être humain à la liberté, à la rationalité et à l’engagement responsable au sein d’une communauté politique. L’autorité et la centralité du droit paraissent aujourd’hui décliner au profit de nouvelles normativités et techniques de régulation qui influencent les comportements sans faire appel à la conscience individuelle ni à la délibération démocratique. Dans ce contexte, la valeur morale et politique de l’humanisme juridique est indéniable. Il convient toutefois d’ajouter à la réflexion philosophique de François Ost une analyse foncièrement sociologique pour appréhender avec plus de réalisme la contribution du droit au fonctionnement des sociétés occidentales. Loin d’être incompatible avec les calculs pragmatiques, la mobilisation du droit contribue aujourd’hui à l’essor d’une régulation plus instrumentale que symbolique dans la plupart des sphères sociales, y compris dans les activités de l’État. Dans le contexte de la modernité avancée ou de la postmodernité, le droit se conçoit davantage comme une ressource pour l’action rationnelle en finalité qu’à titre de référence idéale pour l’action rationnelle en valeur. Certes, l’humanisme classique s’exprime encore en théorie du droit et dans certaines grandes décisions judiciaires fortement médiatisées. Mais, il ne faut pas se méprendre sur la portée sociologique de ces manifestations symboliques. Elles n’ont pas pour effet de soumettre l’action sociale ou politique au contrôle souverain du droit. Elles offrent plutôt aux élites et aux citoyens ordinaires un refuge psychosocial contre les vertiges moraux et existentiels qui vont de pair avec les avancées de la société technologique.
EN :
This paper proposes a critical commentary on François OST’s most recent book: “À quoi sert le droit? Usages, fonctions, finalités”. Ost’s philosophical inquiry has led him to conclude that the social importance of law essentially turns upon its contribution to the pursuit of a humanist ideal. The Western legal tradition has established the law as an autonomous institution whose primary function is to symbolically constitute every human being as a legal subject and a citizen. In private relations between social actors as well as in the functioning of state institutions, the law imposes reflexive and procedural requirements which express the aspiration of human being to freedom, to rational action and to responsible membership within a political community. Today, the authority and centrality of the law seem superseded by new normativities and regulatory techniques that tend to govern the behavior of social actors without appealing to individual conscience nor to democratic decision-making. Notwithstanding its obvious moral and political value in the present context, Ost’s idealist philosophy must be supplemented by a truly sociological analysis in order to appreciate more realistically the contemporary significance of law. Far from being incompatible with pragmatic considerations, the mobilization of law contributes today to the primacy of instrumental over symbolic regulation in most social spheres, including state institutions. In the context of advanced modernity or postmodernity, law is better apprehended as a technical resource for purposive action than as a reference model for value-rational conduct. Admittedly, the ideal of classical humanism is still present in jurisprudence and often plays a determinant role in highly publicized judicial decisions. However, the sociological significance of the current symbolic manifestations of law needs to be properly assessed. Those manifestations do not amount to subjecting social or political processes to the preponderant control of law. Rather, they provide elite members and ordinary citizens with a psychosocial refuge from the moral and existential vertigos which accompany the advancement of a technological society.
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LA VALSE-HÉSITATION DES COURS DE JUSTICE EN CE QUI TOUCHE À L’INTERPRÉTATION DES MODALITÉS DE MODIFICATION CONSTITUTIONNELLE AU CANADA
Benoît Pelletier
p. 57–108
RésuméFR :
Depuis de nombreuses années, les tribunaux rendent des décisions dans lesquelles ils se prononcent sur la portée des différentes modalités de modification constitutionnelle applicables à toute époque pertinente. Ils semblent toutefois tergiverser entre une approche purement technique et une approche plutôt téléologique de ces mêmes modalités. Le présent article a essentiellement pour objet de décortiquer toute cette jurisprudence et de mettre en relief la valse-hésitation des tribunaux en ce qui a trait à l’interprétation et à l’application des modalités de modification constitutionnelle au Canada.
EN :
Over the past several years, the courts have handed down decisions relating to the impact of various approaches to constitutional change. However, these same tribunals have tended to vacillate between a purely technical approach and one which is more teleological in nature. This article aims at analysing the pertinent jurisprudence while highlighting the ambivalent attitude of the courts when interpreting and applying procedures for amending the Canadian Constitution.
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LA CODIFICATION DE LA RESPONSABILITÉ CRIMINELLE DES ORGANISATIONS AU CANADA : ÉTUDE DE LA PORTÉE ET DE CERTAINES LACUNES DE L’INTERVENTION LÉGISLATIVE
Pierre-Christian Collins Hoffman
p. 109–179
RésuméFR :
En 2004, un nouveau régime de responsabilité criminelle des organisations a été instauré au Code criminel. Cette importante réforme a essentiellement fait en sorte de faciliter l’imputation de la responsabilité criminelle aux organisations par le remplacement de la théorie de l’identification auparavant élaborée par la common law, sans toutefois aller jusqu'à mettre en place un véritable régime de responsabilité du fait d’autrui. L’auteur étudie dans son article la portée et certaines lacunes de cette intervention du législateur. Il y aborde notamment le champ d’application du régime codifié, les divers paradigmes introduits par la codification et certains concepts appréciables concernant l’établissement de la responsabilité criminelle des organisations qui n’ont pas été traités à ce jour par le législateur, soit la responsabilité des filiales d’une organisation et la responsabilité de ses successeurs. L’auteur s’efforce alors de déterminer dans quelle mesure les tribunaux pourraient ou devraient compléter le régime codifié relativement à de tels concepts.
EN :
In 2004, a new corporate criminal liability regime was added to the Criminal Code. In essence, this important reform facilitates the imputation of criminal liability to organizations by replacing the “identification doctrine” developed by the courts, but without creating a true system of vicarious liability. This article examines the scope and certain consequences associated with this legislative reform. The extent of its application to various paradigms introduced by the legislation is examined. The author also discusses various significant concepts relating to the establishment of corporate criminal liability as well as certain concepts which have not been addressed by this legislation, more particularly the criminal liability of an organization’s subsidiaries and that of its successors. The author also explores to what extent the courts might or should complete the codified system with respect to these concepts.