FR :
L’article relate l’histoire du Livre préliminaire du Code de Napoléon, lequel témoignait de la philosophie des codificateurs au sujet de la codification et de la fonction judiciaire. Avant son adoption, le projet du Code de Napoléon avait été distribué aux juges des tribunaux d’appel et du Tribunal de cassation pour commentaires, lesquels mettaient en relief les divergences fondamentales qui séparaient les juges et les codificateurs. Les juges idéalisaient l’effet du Code de Napoléon, alors que les codificateurs en mesuraient les limites et les insuffisances. Cependant, quand il s’agissait de l’expression de la loi, les juges demandaient l’élimination des principes abstraits et généraux proposés par les codificateurs et réclamaient des dispositions concrètes et précises. De plus, pour les codificateurs, la jurisprudence formait une science, alors que pour les tribunaux, elle constituait une véritable plaie. Résultat du débat : un Projet de Livre préliminaire de 39 dispositions réduit à un Titre préliminaire qui n’en compte plus que six.
Lors de l’adoption du nouveau Code civil du Québec, le législateur de 1991, à l’instar des codificateurs du Code de Napoléon, a opté pour un pouvoir discrétionnaire judiciaire accru. Dans le contexte contemporain, le débat presque bicentenaire entre les codificateurs et les juges français prend une signification actuelle et soulève la question de savoir quelles auraient été les réactions et les opinions de la magistrature québécoise si elle avait été consultée spécifiquement, comme le furent les juges français au début du 19ième siècle.
EN :
The article recounts the history of the Preliminary Book of the Napoleonic Code, which set out the philosophy animating the codifiers with regards to codification and the judicial function. Prior to its adoption, a draft of the projected Code Napoléon was circulated for comment amongst members of the French Courts of Appeal and the Tribunal de cassation. This revealed the fundamental philosophical differences between the judges and the codifiers. The judges tended to idealise the impact of the Code Napoléon while the codifiers were more aware of its shortcomings. However, on the question of how the law should be expressed, the magistracy demanded the elimination of general abstract principles and their replacement by more specific, concrete rules. Moreover, for the codifiers, jurisprudence constituted a science whereas for the judiciary, it was to be execrated. As a result, instead of a Preliminary Book including 39 provisions, the codification contained a mere six provisions set out in a Preliminary Title.
With the adoption of the new Québec Civil Code in 1991, the legislator clearly opted for increasing the discretionary powers of the judiciary. In the contemporary context, the nearly two hundred year ongoing debate between the codifiers and the French courts takes on a new significance and raises the question as to what indeed would have been the reactions and opinions of the Quebec judiciary if it had been specifically consulted prior to adoption of the Code, as had been the French judges at the beginning of the 19th century.