Résumés
Résumé
La notion de juridiction intervient dans la plupart des raisonnements sur le contrôle judiciaire. Bien que le mot lui-même serve parfois à désigner la façon de procéder d’un décideur, il signifie aussi, dans son acception la plus courante, la compétence d’attribution d’un tribunal administratif. Selon la théorie consacrée, un organisme de ce genre est libre de trancher comme bon lui semble les questions de son ressort, mais il s’expose à la censure d’un tribunal supérieur lorsqu’il détermine erronément que quelque chose est bien de son ressort. Dans ce dernier cas, sa « juridiction » est en cause. L’analyse de la notion fait ressortir trois thèses, ou conceptions du contrôle juridictionnel. À chacune correspond une description particulière et plus ou moins extensible de ce qui pourra constituer une erreur juridictionnelle. Il s’ensuit que le degré d’assujettissement des décisions administratives au pouvoir de surveillance des tribunaux supérieurs varie sensiblement de l’une à l’autre. La première prétend identifier en tant que telles et comme des a priori les questions dites juridictionnelles. Relativement prévisible dans ses applications, elle assure une grande autonomie aux tribunaux administratifs, mais place hors d’atteinte du contrôle juridictionnel des décisions qui juridiquement ne résistent pas à l’analyse. La seconde veut assurer la perfection juridique des décisions. Elle qualifie les choses a posteriori et, du moins du point de vue des plaideurs, permet de soutenir que toute « erreur » de droit comporte un excès de juridiction. Imprévisible dans ses applications, elle augmente considérablement la vulnérabilité des décisions administratives et transforme le contrôle juridictionnel en un appel discrétionnaire sur le droit. La troisième, que l’auteur voudrait voir se développer, opère une synthèse des deux premières tout en introduisant de nouvelles données dans l’analyse du problème. Elle se préoccupe davantage de la rationalité des décisions et postule qu’un litige sur l’interprétation d’une norme préexistante est généralement susceptible de plusieurs solutions également rationnelles. Dans cette optique, le contrôle juridictionnel sert a deux fins : réformer les décisions manifestement irrationnelles et prévenir ou corriger les contradictions entre des décisions rationnelles sur des questions identiques.
Abstract
Most arguments about judicial review involve the notion of jurisdiction. Although the word itself is sometimes used in a procedural context, its primary meaning in common usage is substantive and refers to a tribunal's authority to decide ratione materiae. According to received doctrine, an administrative tribunal can decide as it sees fit any question within its jurisdiction, but it becomes liable to judicial review whenever it determines erroneously whether a matter comes within its authority to decide. In the latter case, the decision "goes to jurisdiction". Three theses or understandings of jurisdictional review emerge from an analysis of this notion. To each of these corresponds a different and more or less extensible description of jurisdictional error. It follows that the extent to which administrative decisions are subject to the superintending power of superior courts varies noticeably between these three theses. The first purports to define a jurisdictional issue a priori, without reference to the resolution of the dispute at hand. Relatively foreseeable in its effects, this thesis guarantees to administrative tribunals a substantial measure of autonomy, but it also places beyond the reach of jurisdictional review many legally indefensible decisions. The second thesis tends to exalt legal perfection in decision-making. It favours ex post facto characterization and enables a party to argue that any alleged "error" of law is jurisdictional in nature. The effects of this thesis are somewhat erratic; it considerably increases the vulnerability of administrative decisions and it transforms jurisdictional review into a discretionary appeal on questions of law. The third thesis, which the author would like to see developed by the courts, attempts to combine the advantages of the first two and draws upon an original analysis of legal decision-making. It focusses on the rationality and reasonableness of decisions, and postulates that most disputes on the interpretation of a pre-existing norm are susceptible of several equally rational resolutions. Viewed in this light, the purpose of jurisdictional review is twofold: it is used to quash manifestly unreasonable decisions and to prevent or correct reasonable but contradictory decisions on identical questions.
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