Résumés
Résumé
De tous les domaines que le droit prétend réglementer, il s’en trouve peu qui posent autant d’embûches au réformateur que celui des garanties sur les biens meubles. La présente étude porte sur l’analyse de l’un des aspects fondamentaux de ce domaine : celui du financement commercial de biens meubles destinés à la fabrication et à la revente (à l’exclusion des achats de consommation). Notre raisonnement s’appuie sur une hypothèse qui soulève les points suivants : i) les rapports entre les garanties conventionnelles aux privilèges légaux; ii) l’usage de contrats de mise en gage; iii) les garanties de la créance du vendeur; iv) le rôle du financement par mode de comptes recevables; v) la nature juridique et les usages légaux du gage, d’après la Loi des pouvoirs spéciaux des corporations; vi) les effets de l’article 88 (le gage en vertu de la Loi sur les banques) au-delà des règles du droit civil. Nous devons nous rendre à l’évidence que le droit qui s’applique à ce domaine au Québec n’est généralement pas codifié. Il se fonde sur des présomptions périmées quant à la propriété mobilière. En outre, il semble ignorer l’importance d’une réglementation souple en matière de garanties sur les biens meubles, pourtant essentielle au maintien d’une saine économie commerciale. À notre avis, la structure juridique actuelle comporte plusieurs aspects négatifs : elle est trop complexe et trop technique; elle encourage le financement commercial par un prêteur unique; elle favorise le financement contre une seule garantie en ce qu'elle ne prévoit pas de mécanismes propres à faciliter l’établissement des priorités; elle défavorise nettement certaines catégories d’emprunteurs, en restreignant le financement des marchandises usagées, le refinancement des stocks existants et le financement manufacturier; elle incite à des artifices de contrats pour obtenir des garanties, rendant de ce fait difficiles et coûteuses la transformation et la distribution de biens grevés.
Nous en venons à la conclusion qu’il y aurait lieu d’adopter au Québec un système qui distingue des contrats les garanties sur les biens meubles, en les plaçant sur les mêmes assises juridiques, et qui normalise et réglemente les recours du créancier. Nous estimons néanmoins qu’avant d’entreprendre la réalisation d’un tel projet, il importe de satisfaire aux deux conditions suivantes : tout d’abord, mettre au point une méthode efficace d’enregistrement des garanties sur les biens meubles; ensuite, s’assurer que l’ensemble des juristes soit favorable à une telle innovation. L’expérience acquise dans les juridictions de common law s'avère pertinente à ces deux égards.
Il existe en Ontario un régime statutaire qui résout le problème posé en common law par l’existence de toutes ces garanties conventionnelles que sont le nantissement ou legage, le « mortgage » des biens personnels et la vente conditionnelle. Les dispositions de ce régime sont contenues dans le Personal Property Security Act, qui ne prévoit qu’une seule forme de garantie possible, soit ce qu’on appelle le « security interest » (la charge). Celui-ci peut être modifié par les parties de façon à répondre à toutes les exigences de garanties soulevées dans notre cas. Cette Loi prévoit en outre un système informatisé d’enregistrement des « charges », de même qu’un ordre de priorités pour la collocation des créanciers. À cela vient s’ajouter un système unifié de mise en application des « charges ». Ces deux systèmes prouvent leur utilité en ce qui concerne les droits garantis dont il est question dans notre étude.
Nous démontrons cependant que le système ontarien accuse également de sérieux défauts. À cet égard, le chapitre réservé au financement des matières premières dans le Personal Property Security Act mérite considération. Sauf quelques exceptions, la Loi ne réglemente pas les garanties non conventionnelles; dans le cas qui nous occupe, cette absence de réglementation soulève des questions de priorité difficiles à résoudre. D’autre part, cette Loi exclut expressément certains types de « charges » créés par des compagnies dans certaines circonstances. Cette lacune pose également des problèmes de priorité qu’il n’est pas facile de trancher. Enfin, la Loi ne peut outrepasser les priorités établies par le gouvernement fédéral à l’article 88 de la Loi sur les banques, ce qui, encore une fois, donne lieu à d’épineuses difficultés.
Nous terminons notre étude, abordée sous l’angle des deux systèmes juridiques, convaincus des mérites d’un régime souple et intégré de garanties sur les biens meubles, à l’exemple de celui de l’Ontario et de celui que l’Office de révision du Code civil a recommandé pour le Québec. Nous retenons cependant que le système ontarien soulève, à certains égards, de sérieux problèmes, dont les amendements proposés par l’Office de révision du Code civil ne tiennent pas compte et auxquels viennent au surplus s’ajouter d’autres problèmes. L’application minutieuse de tels projets d’amendement aux problèmes paradigmatiques se révèle extrêmement utile à la mise en évidence des points faibles et à l’identification de certaines limites auxquelles se heurte la réforme globale du droit. De tels exercices contribuent à mettre en lumière le rôle positif que peut jouer le droit en matière commerciale et l’urgence de l’enseigner et de l’apprendre d’une façon unifiée et pragmatique.
Veuillez télécharger l’article en PDF pour le lire.
Télécharger