Revue de droit de l'Université de Sherbrooke
Volume 11, numéro 1, 1980
Sommaire (10 articles)
Articles
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LA MUTABILITÉ DES RÉGIMES MATRIMONIAUX EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ FRANÇAIS ET QUEBÉCOIS
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THE FINANCING OF MOVEABLES: LAW REFORM IN QUEBEC AND ONTARIO
R. A. Macdonald et R. L. Simmonds
p. 45–126
RésuméFR :
De tous les domaines que le droit prétend réglementer, il s’en trouve peu qui posent autant d’embûches au réformateur que celui des garanties sur les biens meubles. La présente étude porte sur l’analyse de l’un des aspects fondamentaux de ce domaine : celui du financement commercial de biens meubles destinés à la fabrication et à la revente (à l’exclusion des achats de consommation). Notre raisonnement s’appuie sur une hypothèse qui soulève les points suivants : i) les rapports entre les garanties conventionnelles aux privilèges légaux; ii) l’usage de contrats de mise en gage; iii) les garanties de la créance du vendeur; iv) le rôle du financement par mode de comptes recevables; v) la nature juridique et les usages légaux du gage, d’après la Loi des pouvoirs spéciaux des corporations; vi) les effets de l’article 88 (le gage en vertu de la Loi sur les banques) au-delà des règles du droit civil. Nous devons nous rendre à l’évidence que le droit qui s’applique à ce domaine au Québec n’est généralement pas codifié. Il se fonde sur des présomptions périmées quant à la propriété mobilière. En outre, il semble ignorer l’importance d’une réglementation souple en matière de garanties sur les biens meubles, pourtant essentielle au maintien d’une saine économie commerciale. À notre avis, la structure juridique actuelle comporte plusieurs aspects négatifs : elle est trop complexe et trop technique; elle encourage le financement commercial par un prêteur unique; elle favorise le financement contre une seule garantie en ce qu'elle ne prévoit pas de mécanismes propres à faciliter l’établissement des priorités; elle défavorise nettement certaines catégories d’emprunteurs, en restreignant le financement des marchandises usagées, le refinancement des stocks existants et le financement manufacturier; elle incite à des artifices de contrats pour obtenir des garanties, rendant de ce fait difficiles et coûteuses la transformation et la distribution de biens grevés.
Nous en venons à la conclusion qu’il y aurait lieu d’adopter au Québec un système qui distingue des contrats les garanties sur les biens meubles, en les plaçant sur les mêmes assises juridiques, et qui normalise et réglemente les recours du créancier. Nous estimons néanmoins qu’avant d’entreprendre la réalisation d’un tel projet, il importe de satisfaire aux deux conditions suivantes : tout d’abord, mettre au point une méthode efficace d’enregistrement des garanties sur les biens meubles; ensuite, s’assurer que l’ensemble des juristes soit favorable à une telle innovation. L’expérience acquise dans les juridictions de common law s'avère pertinente à ces deux égards.
Il existe en Ontario un régime statutaire qui résout le problème posé en common law par l’existence de toutes ces garanties conventionnelles que sont le nantissement ou legage, le « mortgage » des biens personnels et la vente conditionnelle. Les dispositions de ce régime sont contenues dans le Personal Property Security Act, qui ne prévoit qu’une seule forme de garantie possible, soit ce qu’on appelle le « security interest » (la charge). Celui-ci peut être modifié par les parties de façon à répondre à toutes les exigences de garanties soulevées dans notre cas. Cette Loi prévoit en outre un système informatisé d’enregistrement des « charges », de même qu’un ordre de priorités pour la collocation des créanciers. À cela vient s’ajouter un système unifié de mise en application des « charges ». Ces deux systèmes prouvent leur utilité en ce qui concerne les droits garantis dont il est question dans notre étude.
Nous démontrons cependant que le système ontarien accuse également de sérieux défauts. À cet égard, le chapitre réservé au financement des matières premières dans le Personal Property Security Act mérite considération. Sauf quelques exceptions, la Loi ne réglemente pas les garanties non conventionnelles; dans le cas qui nous occupe, cette absence de réglementation soulève des questions de priorité difficiles à résoudre. D’autre part, cette Loi exclut expressément certains types de « charges » créés par des compagnies dans certaines circonstances. Cette lacune pose également des problèmes de priorité qu’il n’est pas facile de trancher. Enfin, la Loi ne peut outrepasser les priorités établies par le gouvernement fédéral à l’article 88 de la Loi sur les banques, ce qui, encore une fois, donne lieu à d’épineuses difficultés.
Nous terminons notre étude, abordée sous l’angle des deux systèmes juridiques, convaincus des mérites d’un régime souple et intégré de garanties sur les biens meubles, à l’exemple de celui de l’Ontario et de celui que l’Office de révision du Code civil a recommandé pour le Québec. Nous retenons cependant que le système ontarien soulève, à certains égards, de sérieux problèmes, dont les amendements proposés par l’Office de révision du Code civil ne tiennent pas compte et auxquels viennent au surplus s’ajouter d’autres problèmes. L’application minutieuse de tels projets d’amendement aux problèmes paradigmatiques se révèle extrêmement utile à la mise en évidence des points faibles et à l’identification de certaines limites auxquelles se heurte la réforme globale du droit. De tels exercices contribuent à mettre en lumière le rôle positif que peut jouer le droit en matière commerciale et l’urgence de l’enseigner et de l’apprendre d’une façon unifiée et pragmatique.
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MARINE SALVAGE LAW, SUPERTANKERS AND OIL POLLUTION NEW PRESSURES ON ANCIENT LAW
Edgar Gold
p. 127–153
RésuméFR :
Le droit du sauvetage maritime remonte aux premières manifestations de la navigation commerciale en Méditerranée, soit avant même l’époque romaine. D’abord coutumières, ces règles furent ensuite codifiées par les grandes puissances maritimes d’Europe pour ainsi devenir une branche viable du droit maritime contemporain. Largement reconnu sur le plan international, le droit du sauvetage en mer se distingue en ce que le sauveteur n’est rémunéré, remboursé ou indemnisé que dans la mesure où il y a effectivement valeur sauvée. En cas d’échec de la tentative de sauvetage, aucune compensation n’est due. En 1910, sous les auspices du Comité Maritime International (CMI), le droit du sauvetage en mer fut l’objet d’une Convention internationale; cette Convention voulut unifier le droit en mettant un frein aux interprétations de plus en plus divergentes des règles coutumières par les États. Avec le temps, le contrat de sauvetage maritime du Lloyd’s (Lloyd’s Standard Salvage Agreement) devint le contrat-type en matière de sauvetage en mer, sous le vieux régime du « Pas de succès... Pas de paiement ». Malheureusement, notre monde moderne technologiquement avancé, politiquement instable et soucieux de préserver l’environnement ne peut plus se satisfaire du droit actuel en matière de sauvetage maritime. L’arrivée des super-pétroliers dont le naufrage peut provoquer un désastre écologique le long des côtes illustre de façon éloquente les lacunes du droit actuel. L’existence de tels navires implique qu’en plus des sauveteurs et du navire lui-même d’autres parties, ignorées jusqu’à maintenant, ont des intérêts certains à faire valoir quant au fonctionnement d’un service de sauvetage, particulièrement lorsque le navire transporte une cargaison de matières polluantes.
Par conséquent, il est non seulement souhaitable, mais urgent qu’on procède à une restructuration des règles du droit international relatives au sauvetage en mer. La révision de la terminologie du contrat-type entreprise récemment par la société Lloyd’s ne suffit pas. Elle ne solutionne qu’une partie des problèmes et ne tient pas compte des cas de pollution causée par des navires autres que les pétroliers.
La révision de la Convention de 1910 sur le sauvetage en mer sera au coeur des discussions du XXXIIe Congrès du CMI qui aura lieu à Montréal en 1981. De concert avec l’Organisation intergouvernementale consultative de la navigation maritime, l’organisme des Nations-Unies spécialisé en matières maritimes, le CMI tentera d’obtenir un consensus sur les questions politiques et juridiques du sauvetage en mer, consensus qui satisfasse non seulement l’industrie maritime, mais également l’ensemble de la communauté mondiale.
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UNREASONABLE SEARCHES AND SEIZURES: A "FOURTH AMENDMENT" FOR CANADA?
W. H. McConnell
p. 155–196
RésuméFR :
Plusieurs projets récents de modification de la Constitution canadienne proposent l'enchâssement d'une règle prohibant les « fouilles, perquisitions et saisies abusives » semblable à celle du Quatrième Amendement de la Constitution américaine. On peut s'inspirer de l'expérience américaine pour anticiper les développements et problèmes que provoquerait l'application d'une telle règle au Canada même si son évolution juridique aux États-Unis s'est produite dans le cadre très différent d'un système présidentiel où la Cour suprême joue un rôle plus actif et jouit d'un statut constitutionnel autonome. Dans ce contexte, les mandats de main-forte furent interdits dans l'application des lois de juridiction fédérale dès 1791. De même, en application des Quatrième et Cinquième Amendements, les preuves illégalement obtenues furent déclarées irrecevables dès 1914 lors de poursuites en vertu de lois fédérales (arrêt Weeks) et depuis 1961 lors de poursuites en vertu des lois d'un état (arrêt Mapp).
À la lecture du « Quatrième Amendement canadien » dont la formulation proposée diffère sensiblement de son pendant américain, il n’est pas certain que le recours aux mandats de main-forte actuellement émis en matière de douanes, d’accise, de stupéfiants et d’aliments et drogues serait dorénavant interdit. De même, il n’est pas certain que l’amendement proposé aurait pour conséquence de rendre irrecevables devant les tribunaux canadiens des preuves illégalement obtenues. D’après le juge Hall, maintenant à la retraite, une formulation plus explicite serait nécessaire pour obtenir cet effet « américain » et son confrère le juge Pigeon, également à la retraite, a rappelé que la Cour suprême du Canada n’aborde pas les questions constitutionnelles de la même façon que la Cour suprême des États-Unis.
On se doit d’envisager l’impact que produirait sur l’ensemble de notre système politique l’enchâssement d’une Charte des droits soutenue par l’autorité d’un tribunal constitutionnel. Cela ne risque-t-il pas d’entraîner graduellement l’instauration d’un système de type présidentiel ? Si tel est le cas, n’y a-t-il pas lieu de prévoir des mécanismes de contrôle (« checks and balances ») comme il en existe aux États-Unis ? L’auteur conclut néanmoins qu’en dépit de ses limites, l’établissement d’une nouvelle règle concernant les fouilles, perquisitions et saisies abusives procurerait un moyen additionnel pour protéger les droits individuels.
Commentaires
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COMPARATIVE JUDlClAL STYLES: THE DEVELOPMENT OF THE LAW OF MURDER IN THE QUEBEC AND ONTARIO COURTS OF APPEAL
Louise Arbour
p. 197–212
RésuméFR :
En 1978, Monsieur le juge Jules Deschênes, juge en chef de la Cour supérieure du Québec, dénonçait le « séparatisme juridique » au Canada. Il convient de se demander s’il n’existe pas des différences de culture juridique qui rendent ce phénomène inévitable. Les jugements rendus par les Cours d’appel du Québec et de l’Ontario, au cours des dix dernières années dans les causes de meurtre, semblent attester de ces différences. Les causes du Québec portent en grande majorité sur des questions de preuve et de procédure. Les causes d’Ontario traitent presqu’exclusivement de droit substantif.
Les deux cours semblent aussi utiliser différemment les sources du droit pénal. La Cour d’appel du Québec est plus avide de doctrine. L’analyse de la jurisprudence est beaucoup plus élaborée en Ontario. Les dispositions du Code – particulièrement les articles 212 et 213 – sont analysées en profondeur en Ontario; elles le sont beaucoup moins au Québec.
II ne fait aucun doute que la Cour d’appel d’Ontario constitue un forum judiciaire où prend forme et se développe la doctrine pénale. Ce phénomène n’est pas seulement attribuable aux juges de la Cour d’appel; les avocats y jouent un rôle important. La qualité des criminalistes en Ontario est indiscutable. Pendant les dix dernières années, les trente-huit avocats qui ont plaidé une cause de meurtre devant la Cour d’appel d’Ontario ont publié cinq livres et cinquante-trois articles de périodique sur des sujets se rattachant au droit pénal. Pendant la même période, parmi les quarante-huit avocats qui ont comparu devant la Cour d’appel du Québec dans une affaire de meurtre, un seul, maintenant juge, a publié deux articles. Un autre, également élevé à la magistrature depuis, était le rédacteur pour le Québec des « Criminal Reports ». De plus, dans deux causes de meurtre, la Cour d’appel du Québec a commenté défavorablement le travail d’un avocat.
De façon générale, la Cour d'appel du Québec semble se restreindre à disposer de cas d'espèce, confiante qu'un nouveau procès soit la meilleure façon d'assurer que justice soit rendue. En contraste, la Cour d'appel d'Ontario agit vraiment comme tribunal intermédiaire; préoccupée par le développement de la doctrine pénale, elle impose des standards très exigeants au juge de première instance à l'égard des directives à donner au jury et présente à la Cour suprême du Canada un exposé stipulant des questions que cette dernière doit trancher.
Les causes des divergences de style et de méthodologie entre les deux cours sont probablement nombreuses. Une véritable codification du droit pénal pourrait servir à réconcilier ces divergences.
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OBSERVATIONS ON THE RELATIONSHIP BETWEEN CONTRACT AND TORT IN FRENCH CIVIL LAW AND COMMON LAW
Mary Ann Glendon
p. 213–230
RésuméFR :
La distinction entre contrat et délit, en common law anglo-américain, et la distinction entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle en droit civil français ont été considérées comme fondamentales dans la théorie juridique classique des deux systèmes. Peu importe, en effet, qu’en droit civil les obligations contractuelles et les obligations délictuelles soient considérées comme deux branches d’un même sujet : le droit des obligations. La doctrine française, comme celle du common law, a accordé une attention très particulière à la nature et aux effets des deux sources de responsabilité civile. Cependant, aucun accord n’a été réalisé sur la nature précise de cette prétendue distinction, ni en common law, ni en droit civil, ce qui a contribué sans doute à un certain scepticisme sur sa validité.
Partout au cours du vingtième siècle, les domaines de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle ont subi de grands changements dans leur étendue propre et dans leurs rapports mutuels. En droit anglo-américain, on remarque actuellement une tendance vers une certaine convergence entre contrat et délit, qui, selon certains auteurs, les rend susceptibles d’être analysés comme obligations pures et simples. Cette tendance opère aussi une certaine convergence entre le common law et le droit civil.
Dans ce commentaire, nous examinerons d’abord ces deux sortes de rapprochement relativement au problème du cumul ou du non-cumul de la responsabilité délictuelle et de la responsabilité contractuelle. Puis, nous suggérons que, malgré certains changements récents vers lesquels le common law tend à se rapprocher du droit civil, des différences importantes demeureront probablement entre contrat et délit, et entre common law et droit civil au titre des obligations. Toutefois, nous remarquons une troisième tendance à convergence qui semble être plus profonde et qui est en train de transformer à la fois le common law, le droit civil, et le droit des obligations. C’est la tendance du droit administratif dans les grands états bureaucratiques du vingtième siècle à s’emparer d’un nombre croissant de matières qui appartenaient autrefois au domaine des obligations, ce qui rend de plus en plus indistincte la démarcation entre contrat et délit, entre droit public et droit privé, et entre common law et droit civil.
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RÉFLEXIONS SUR LA CODIFICATION DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ AU QUÉBEC ET EN EUROPE
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UN DROIT DES SUCCESSIONS PLUS HUMAIN AU QUÉBEC ET DANS LES PROVINCES ANGLAISES
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CLAUSE FÉDÉRALE DANS LES CONVENTIONS INTERNATIONALES