Cinquante ans... cinquante textes : retour sur des thématiques marquantes

L’éducation comme espace de réappropriation pour les peuples autochtones[Notice]

  • Nancy Wiscutie-Crépeau

…plus d’informations

  • Nancy Wiscutie-Crépeau
    Professeure adjointe, Institut national de la recherche scientifique, Unité mixte de recherche en études autochtones INRS-UQAT

Les peuples autochtones au Canada et à travers le monde ont subi (et subissent toujours) des pressions de la part de systèmes d’éducation eurocentrés qui ont une influence sur leurs savoirs et leurs langues (Battiste 2013). Depuis déjà plusieurs décennies, certains chercheurs ont insisté sur la nécessité d’apporter des changements au sein des systèmes scolaires afin d’accorder une place plus importante aux spécificités autochtones (Battiste 2000 ; Fisher 1998 ; Medicine 1986). Certaines institutions ont entamé des changements afin de rendre l’éducation accessible à ces populations et de prendre en considération leurs visions du monde dans les curriculum. Actuellement, l’éducation autochtone est en pleine mutation. Le présent commentaire vise à porter un regard sur l’éducation chez les peuples autochtones à partir de trois textes publiés dans Recherches amérindiennes au Québec ainsi que sur les orientations de la recherche dans ce champ d’étude. Natacha Gagné (2005) propose une analyse d’expériences d’étudiants maoris au sein de l’Université d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. Son étude s’inscrit dans les débats sur la décolonisation et l’autodétermination en mettant en exergue la signification de l’université en tant que lieu de (ré)affirmation, de résistance et de coexistence pour les étudiants maoris. Le contexte de l’étude est marqué par une décennie de mobilisation de la part des étudiants, du corps professoral et de sympathisants non maoris pour la construction d’un marae au sein de l’Université d’Auckland. Au cours des années 1960-1970, les revendications des maoris ont amené à l’État à reconnaître le biculturalisme par l’adoption d’une politique officielle. Les caractéristiques des étudiants maoris à l’issue de leur expérience des études universitaires amènent le lecteur à entrevoir certaines similitudes avec les étudiants autochtones au Québec. L’étrangeté de l’expérience universitaire pour les étudiants maoris – qui semble être attribuable au fait que ces derniers doivent s’insérer dans un système de connaissances dont bon nombre d’entre eux n’ont pas acquis la compréhension, ayant été éduqués selon une manière différente de penser, est aussi un aspect qui semble ressortir dans l’étude de Ratel (2013). Ce passage de la culture autochtone à la culture dominante est vécu de façon différente pour chaque étudiant, selon son expérience scolaire préalable. D’autres facteurs peuvent influencer cet épisode d’adaptation, tels les expériences vécues, l’environnement académique, le contexte social et économique, etc., mais dans l’ensemble, « malgré les difficultés particulières que peuvent éprouver les étudiants autochtones à l’université, […] on constate que ceux rencontrés ne voient pas une contradiction entre le fait d’étudier et de vivre activement leur culture autochtone » (ibid. : 221). En s’ouvrant au monde non autochtone, ces étudiants ne croient pas renoncer à leur culture pour autant. Ils semblent au contraire, l’affirmer davantage au cours de leur passage à l’université et en milieu urbain. Comme le signale à juste titre Gagné (2005), cette transition, qui n’est pas toujours facile pour les persévérants, est déterminante quant à leur engagement dans les mondes maoris et non maoris. Cette analyse met en évidence les tensions identitaires vécues par plusieurs étudiants maoris, conséquence de processus historiques et de la dynamique des relations plus larges entre la société majoritaire et la population minorisée. L’entrée à l’université étant une occasion de rencontrer d’autres Maoris venus de partout au pays, ces contacts, souvent stimulants, convient également à la rhétorique à propos des « vrais » et des « faux » Maoris. Cette dichotomie fondée sur des critères essentialistes, déjà exposée par Verna St. Denis (2004) en contexte canadien, soulève certains enjeux en éducation car elle peut mener à une lecture superficielle de la différence ou à la transmission de stéréotypes et à rendre invisibles certaines relations de pouvoir si le contexte politique …

Parties annexes