Reconnues – et souvent idéalisées – en tant que principales gardiennes de leur culture, savoirs et traditions, les femmes autochtones ont été soumises, tout au long de leur histoire, à des initiatives mises en place par l’État pour tenter de minimiser, dépolitiser ou éradiquer leur rôle au sein de la société. Lorena Cabnal, féministe communautaire maya q’eqchi’ et xinka, avançait, dans un entretien réalisé par Jules Falquet en 2015, que si la colonisation a pour objectif la conquête des territoires, cela inclut inexorablement le corps des femmes. En effet, pour elle, le premier territoire à défendre est celui des femmes, à savoir le « corps-territoire » : « […] il existe des liens historiques entre les femmes, surtout les femmes [autochtones], et la nature, dont elles sont souvent présentées comme la quintessence » (Cabnal dans Falquet 2015). Il convient toutefois de remettre en question la place d’éternelles « victimes » qui leur a longtemps été attribuée. Elles ont certes été particulièrement touchées par la violence à l’encontre des Peuples autochtones, mais on ne peut ignorer leur capacité de mobilisation au sein de mouvements communautaires, nationaux et transnationaux. La mobilisation des femmes constitue effectivement un pilier des luttes autochtones (Castillo Hernandez 2016 : 21). Dans cet article, nous nous proposons de revenir sur trois textes écrits au cours des cinquante dernières années qui traitent de la situation des femmes autochtones au Québec (Séguin 1981 ; Jamieson 1984 ; Van Woudenberg 2004). Ces trois essais mettent en lumière le complexe écosystème politique et juridique dans lequel ont vécu les femmes autochtones lors de cette période ainsi que l’impact qu’il a eu sur leurs conditions de vie. De nombreux discours – dont ceux d’organisations telles que l’Association des Premières Nations et Femmes autochtones du Québec – ont, notamment, structuré le processus de création de ce que l’on pourrait désigner « la citoyenneté des femmes autochtones » au Canada. Prenant place dans un contexte colonial, l’émergence et la transformation de leur statut s’inscrit dans la toile des rapports de pouvoir et de domination qui touchent les femmes, mais aussi l’ensemble des communautés autochtones. Loin de prétendre à l’exhaustivité, cet article entend être une humble et modeste contribution à une réflexion sur l’évolution de la situation des femmes autochtones au Québec et sur la façon dont elle a été retracée dans Recherches amérindiennes au Québec. Au-delà d’un simple retour analytique sur les articles sélectionnés, nous nous proposons de revenir sur les contextes qui ont influencé et structuré, à l’échelle nationale et internationale, le processus d’écriture des autrices et qui, selon nous, ont considérablement évolué depuis lors. Les trois articles proposés (Séguin 1981 ; Jamieson 1984 ; Van Woudenberg 2004) reviennent sur les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes contenues au sein de la Loi sur les Indiens (Indian Act) introduite en 1876 en vertu de l’article 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Les autrices interrogent, entre autres, le rôle et la participation des femmes autochtones dans l’espace politique, leur égalité avec les hommes autochtones en ce qui concerne leur droit d’appartenance aux bandes, ainsi que la permanence de leur statut juridique de « femmes autochtones » en vertu du droit canadien. En effet, il est nécessaire de rappeler que la Loi sur les Indiens – structurée selon une vision patriarcale, genrée et coloniale de la société (Van Woudenberg 2004 : 80) – a, dès 1876, banni les femmes autochtones de la vie politique en leur interdisant de participer au système des conseils de bandes (le droit de vote ou, p. ex. de se porter candidate, leur était refusé). De même, les …
Parties annexes
Bibliographie
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