Comptes rendus

Nitinikiau Innusi. I Keep the Land Alive, Tshaukuesh Elizabeth Penashue et Elizabeth Yeoman. University of Manitoba Press, Winnipeg, 2019, 244 p.[Notice]

  • Émile Duchesne

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  • Émile Duchesne
    Doctorant, département d’anthropologie, Université de Montréal

Ce livre nous fait donc entrer dans le monde d’Elizabeth Penashue : le lecteur est invité à la suivre dans le temps à travers ses combats et ses conférences au Canada et à l’international, mais aussi dans son quotidien dans la communauté de Sheshatshit et lors de ses expéditions sur le territoire. Cette lecture nous fait entrer progressivement dans l’intimité de l’autrice alors qu’elle confie ses inquiétudes, ses difficultés et ses souhaits pour l’avenir. Son journal personnel, rédigé en innu-aimun, a été traduit en collaboration avec l’éditrice du livre, Elizabeth Yeoman, professeure à la Faculté d’éducation à l’Université Memorial. Le processus de traduction s’est fait de manière peu conventionnelle puisque Yeoman ne parlait pas l’innu-aimun. C’est Penashue qui a traduit à haute voix le contenu de son journal dans un anglais qu’elle-même juge limité. Le rôle de Yeoman aura été de transcrire les traductions libres de Penashue et d’ajuster la formulation des traductions. En cas d’incompréhension mutuelle, les deux femmes ont dû faire appel à la famille de Penashue pour assister l’aînée dans son effort de traduction. L’ouvrage est divisé en quatre parties, ordonnées chronologiquement, et précédées et suivies par une introduction et un épilogue. Il est important de mentionner que le livre est parsemé de photographies en couleurs qui complémentent très bien les écrits de Penashue. Il va sans dire que la sélection photographique augmente substantiellement la qualité de l’ouvrage. La première partie, qui regroupe des textes de 1987 à 1989, évoque l’éveil militant d’Elizabeth Penashue. Le premier événement d’importance qui y est relaté est une chasse communautaire au caribou jugée illégale par les gouvernements. Le récit se poursuit sur les premières manifestations contre les vols à basse altitude de l’OTAN en territoire innu. Comme l’explique l’éditrice, « The Innu moved from a local struggle to protect their hunting rights to the national and international spotlight as they took on what was then one of the most powerful organizations in the world, NATO » (4). Période d’affirmation pour la communauté, il s’agit également d’une période difficile puisque les Innus sont aussi confrontés à la répression de leur mouvement. Dans la deuxième partie de l’ouvrage, s’étalant de 1990 à 1997, le militantisme de Penashue s’affirme davantage alors qu’elle devient l’une des principales leaders de la contestation contre les vols à basse altitude et contre la foresterie, les mines et autres projets néfastes pour l’environnement. Son engagement l’amènera à faire des conférences partout au Canada mais aussi à l’international pour sensibiliser le public aux conditions de vie des Innus et à leur opposition à la destruction de leur territoire. Il s’agira d’une période de grande activité pour Penashue. Le lecteur est invité à la suivre dans ses séjours en prison et en centre de thérapie, mais aussi lors de moments de quiétude en forêt. La troisième partie, qui s’étale de 1998 à 2001, marque un tournant dans la vie d’Elizabeth Penashue. C’est à la fin des années 1990 qu’elle va commencer à organiser des marches et des expéditions de canot en territoire pour favoriser la guérison de sa communauté, mais aussi pour affirmer l’occupation du territoire innu. En effet, les marches organisées par Penashue sont à la fois des actes d’éducation et de revendication. Ces expéditions en territoire seront l’occasion pour l’autrice de parler des multiples facettes de la vie en forêt, de la chasse, de la médecine traditionnelle, etc. La quatrième et dernière partie du livre, couvrant la période de 2002 à 2016, propose des témoignages plus éclatés qui prendront la forme de lettres, d’histoires et de courts essais sur le mode de vie et la contemporanéité du peuple innu. …