Comptes rendus

Histoire des pensionnats indiens catholiques au Québec. Le rôle déterminant des pères oblats, Henri Goulet. Presses de l’Université de Montréal, 2016, 222 p.[Notice]

  • David Schulze

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  • David Schulze
    Avocat, Dionne Schulze

Le système des pensionnats indiens du Canada fut l’outil d’une assimilation culturelle forcée et le théâtre d’abus physiques et sexuels perpétrés à l’encontre des enfants autochtones. La Commission de Vérité et Réconciliation (CVR) fut donc mise en place – dans le cadre du règlement de l’un des plus grands recours collectifs intentés au Canada – pour accorder une voix aux victimes et faire la lumière sur ce passé honteux. Grâce à la CVR et à la plateforme qu’elle a offerte aux victimes, le grand public a pu découvrir l’ampleur des atrocités perpétrées. Nombre d’auteurs se sont penchés sur la question des pensionnats indiens au cours des vingt dernières années, notamment depuis la création de la CVR en 2008 (voir, entre autres, Loiselle et al. 2011 ; Tremblay 2008 ; Morantz 2002 ; Reynaud 2017). Dans son ouvrage, Henri Goulet se donne quant à lui pour mission d’analyser la particularité québécoise dans l’histoire des pensionnats indiens canadiens et ce, en se basant (presque exclusivement) sur les archives des prêtres responsables de ces pensionnats. Il veut ainsi relater l’histoire des quatre pensionnats indiens que l’Ordre des Oblats de Marie-Immaculée administrait au Québec : dans la communauté crie de Fort George (maintenant Chisasibi) à la Baie-James à partir de 1930 ; en campagne près d’Amos en Abitibi à partir de 1955 ; dans la réserve innue de Pointe-Bleue (Mashteuiatsh) au Lac-St-Jean à partir de 1960 ; et dans la réserve innue de Maliotenam, près de Sept-Îles sur la Côte-Nord à partir de 1952. L’oeuvre des Oblats a commencé son déclin lorsque l’administration des pensionnats a été transférée des Églises au gouvernement fédéral, à partir de 1966, et lorsque les fonctions de résidence et d’école sont devenues distinctes, après 1968. Alors sous administration fédérale, la dernière résidence en opération au Québec fut Pointe-Bleue, fermée en 1991 (CVR 2015, I[2] : 9, 50, 88-90). Cette histoire particulière des pensionnats indiens au Québec inclurait notamment, selon l’auteur, des inscriptions volontaires de leurs enfants dans les pensionnats, par les parents autochtones, et le respect de la culture autochtone par les Oblats. Nous diviserons donc en trois parties l’analyse critique de cet ouvrage : a) la particularité québécoise ; b) la notion de participation volontaire ; et c) le silence de l’auteur concernant les abus et les limites des archives des Oblats. La thèse de l’auteur, qui porte sur la singularité québécoise (179), est fondée sur le fait incontestable que la construction de pensionnats au Québec a commencé des décennies plus tard que dans les provinces à l’ouest : trois pensionnats oblats sur quatre ont été construits dans les années 1950 à une époque où le gouvernement fédéral et les Églises protestantes songeaient déjà à en fermer. Même si Goulet insiste sur « le rôle déterminant des pères oblats » dans leur création tardive, l’explication est peu convaincante puisque l’Église anglicane elle-même a ajouté plus tard un pensionnat à La Tuque en 1963 (CVR 2015, I[2] : 48, 50). Or, à cette thèse de l’auteur nous pouvons opposer certains faits qu’il a omis. Commençons avec la dernière des omissions : le reste du Canada. La notion d’une singularité québécoise est sensiblement réduite si l’on considère le réseau dans son ensemble car, même sans pensionnat dans la province, les enfants autochtones n’ont pas été épargnés. Goulet ne mentionne pas que, dès le début du xxe siècle, les enfants mohawks de Kahnawake et de Kanesatake étaient envoyés au pensionnat jésuite de Spanish en Ontario (Pouliot-Thisdale 2016 ; Tremblay 2008 : 314-317, 325) et que les enfants mi’gmaqs étaient envoyés à Shubenacadie en Nouvelle-Écosse, pensionnat ouvert en 1930 (CVR 2015, …

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