Comptes rendus

Les Francophones et la traite des fourrures du Grand Témiscamingue. Un dictionnaire biographique 1760-1870, Guillaume Marcotte. Les Éditions GID, Québec, 2017, 450 p.[Notice]

  • Thomas Lecomte

…plus d’informations

  • Thomas Lecomte
    Doctorant en anthropologie, Université de Montréal

Si la région du « Grand Témiscamingue » n’a jamais vraiment existé d’un point de vue administratif, le livre de Guillaume Marcotte nous invite pourtant à découvrir ce territoire qui, prenant forme à travers un vaste réseau de postes de traite, s’étendait au-delà du district de Témiscamingue et intégrait le Népissingue et Mataouane. Retraçant le parcours des francophones engagés dans la traite des pelleteries de 1760 à 1870, l’auteur nous permet de découvrir une période historique qui, marquée par la Conquête et le début du Régime britannique, se terminera avec le déclin du commerce des fourrures et l’achat de la Terre de Rupert par le Canada. Soucieux de réunir un « maximum d’informations sur les francophones et leurs descendants en pays indien » et de faire découvrir une population locale jusque-là assez méconnue (p. 30), l’auteur présente d’emblée l’objet de son dictionnaire bibliographique comme « doublement marginal » avec « une classe de travailleurs francophones assez peu étudiée, ayant fréquenté un territoire dont l’histoire de la traite des fourrures a suscité peu de passions » (p. 26). En effet, comme le souligne Guillaume Marcotte dans son introduction, la chute de la Huronie en 1650 contraint les Français et les Canadiens, désormais privés d’un intermédiaire commercial précieux, à s’aventurer au plus profond du Grand Témiscamingue pour collecter eux-mêmes les pelleteries à partir de 1670. Malgré cet épisode précédant le contrôle des anglophones sur la traite en 1761, la Conquête marque un tournant pour ces voyageurs francophones qui, bien que nombreux, laissent peu de traces historiographiques au sein de la nouvelle administration. En effet, si la main-d’oeuvre mobilisée compte encore de nombreux locuteurs en réunissant notamment des chasseurs aux origines autochtones (et plus particulièrement des personnes métissées dans le cas de ce dictionnaire), des trappeurs libres issus des colonies locales et des hommes libres vivant en « pays indien », le français reste surtout la langue des salariés illettrés qui sont au service de la Hudson’s Bay Company (HBC) et de la North West Company (NWC). Ainsi, tout en exploitant les multiples témoignages laissés par les bourgeois de l’époque (correspondances, listes de comptes, archives des grandes compagnies…) mais aussi les journaux de poste, les rapports de district et les archives religieuses (regroupant, entre autres, les rapports des missionnaires, les actes de baptêmes, de mariages ou de sépultures), l’auteur met en lumière les « petits travailleurs » de la traite jusque-là principalement présents de manière indirecte dans la documentation historique. Ce faisant, il interroge les patronymes de la population locale et retrace des liens de parenté qui nous amènent également à considérer la place prépondérante des personnes métissées parmi les francophones du Grand Témiscamingue. S’il est vrai que Guillaume Marcotte ne s’aventure pas à parler ici de communauté métisse dans le sens juridique défini par le jugement Powley de la Cour suprême du Canada (c’est-à-dire une communauté historique dont les membres partagent une identité collective en plus d’un bagage génétique mixte), ce dictionnaire biographique apporte tout de même des éléments intéressants pour d’éventuelles réflexions ultérieures sur le sujet. D’ailleurs, et c’est là l’une de ses grandes qualités, cet ouvrage nous permet aussi de mieux comprendre la rencontre franco-amérindienne et de mesurer l’importance de la place qu’occupaient les personnes métissées dans la traite des pelleteries. Bien que la plupart des noms recensés dans ce dictionnaire laissent place à une courte description des intéressés stipulant notamment leur statut (« bourgeois », « hivernant », « mangeur de lard »…) ainsi que les postes qu’ils occupent (guide, interprète, commis, chef de poste, équipier et artisans de toutes sortes…) et leurs origines supposées ou encore la compagnie …