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À propos
Le feuillet Porteurs d’espoir présente le parcours artistique de dix artistes autochtones qui ont participé à la création d’un matériel pédagogique unique (voir la contribution de Laurier et al. dans ce numéro) en enseignement des arts visuels contemporains.
Ce matériel comporte notamment une version Web (www.uqac.ca/porteursespoir) des dix capsules numériques. Chacun des dix artistes y présente son travail, explique le sens qu’il lui accorde et décrit sa démarche biographique particulière comme récit de création. Ce récit, dans le champ des sciences humaines, combine le discours oral à la présentation de certaines créations artistiques significatives pour son auteur.
Lorsque l’artiste parle directement au jeune autochtone de son rapport existentiel et phénoménologique à la création artistique, l’authenticité de son propos devient une force contagieuse et suscite chez l’élève le désir de s’exprimer à son tour par la création artistique. Il comprend alors que l’expression artistique ouvre la possibilité de construire son identité dans l’ici et le maintenant tout comme elle lui permet de se projeter dans l’avenir et d’explorer les multiples possibilités qui s’offrent à lui pour inventer son devenir.
S’il est vrai de dire qu’il y a une forme d’éducation à partir du moment où une oeuvre d’art est montrée, que dire alors du caractère hautement émancipatoire – donc éducatif – que renferme l’acte de créer pour un jeune souvent aux prises avec des questionnements identitaires? Nous n’en savons rien. Chose certaine, les artistes qui ont participé à ce projet en savent quelque chose.
Merci à Euroma Awashish, Geronimo Inutiq, Katia Kurtnes, la troupe Maïkan, Lydia Mestokosho-Paradis, Nadia Mire, Louis-Karl Picard-Sioui, Sylvain Rivard, Sonia Robertson et Florent Vollant d’être ce qu’ils sont : des artistes porteurs d’espoir.
sculptures sonores
GERONIMO INUTIQ
DJ et musicien électronique né à Iqaluit, Géronimo crée une musique qui est un amalgame de sons électroniques et organiques puisqu’il s’agit d’une rencontre entre des éléments naturels et synthétiques issus des sons provenant de son héritage inuit et de sa vie métropolitaine. Par l’entremise de ses compositions sonores, il cherche à produire un état de contemplation.
Il sent qu’il a une responsabilité culturelle et communautaire envers ses traditions qu’il tente de transmettre à travers sa musique.
« La production de la musique électronique me permet de créer une sculpture sonore. J’aime prendre le temps de placer un son, de voir ce que je peux lui faire : le couper, l’étirer, le mettre à l’envers, le passer à travers un écho, le ralentir... Je cherche des sons qui puissent nous mettre dans un état de contemplation. On entend ça et on ne se dit pas nécessairement que c’est de la musique techno, mais pourtant c’est de la musique très techno. J’utilise un logiciel de musique électronique, mais par contre je choisis des sons organiques, naturels. Quand tu fais de la musique électronique, tu n’es pas tenu de faire un son électronique, tu peux aller chercher des sons naturels et, de là, faire des constructions.
« Les personnes qui m’influencent dans ce que je fais sont des personnes avec lesquelles je travaille, comme des chanteuses de gorge. Elles m’inspirent beaucoup, car elles sont de ma communauté. Elles veulent que je prenne des traditions propres à ma communauté et que je les réinterprète dans un nouveau contexte. J’ai une responsabilité culturelle et communautaire : ce n’est pas juste pour moi que je le fais, mais pour nous tous.
« L’art et la culture ont certainement une place dans les écoles, car c’est très important d’avoir des occasions pour pouvoir s’exprimer, jouer de la musique ensemble. La musique est un langage intuitif qui communique des sentiments. »
dualité et harmonie
ERUOMA AWASHISH
Détentrice d’un baccalauréat interdisciplinaire en arts de l’Université du Québec à Chicoutimi, Eruoma Awashish vise à faire connaître davantage sa culture. Sa double identité, atikamekw par son père et québécoise par sa mère, lui permet de mieux saisir les différences qui distinguent ces deux peuples et de créer des espaces de dialogue à travers ses oeuvres. Ayant vécu dans la communauté d’Obedjiwan, de Wemotaci et de Mashteuiatsh, Eruoma ressent une forte appartenance à sa culture autochtone. Son travail parle de métissage et de métamorphose. La souffrance est un thème qu’elle aborde souvent, car, selon elle, c’est un passage vers la transformation. Son travail est empreint de spiritualité, de symboles et de syncrétisme. Elle mélange des symboles faisant référence à la culture des Premières Nations et à la religion catholique. Par ces symboles qui s’entrecroisent et s’entrechoquent, ses oeuvres parlent à la fois de contraste et de métissage, de dualité et d’équilibre, de souffrance et de sérénité… Son travail interroge les phénomènes d’hybridation dans la culture des Premières Nations.
« Maintenant, je vis en ville, j’ai donc moins le temps de pratiquer la vie traditionnelle en territoire. C’est par l’art que je continue à être connectée à ma culture.
« C’est important d’être ancrés dans nos racines et nos traditions, mais elles évoluent… Si la culture des Premières Nations est toujours vivante, c’est qu’elle a su s’adapter au fil du temps et qu’elle ne s’est pas laissée absorber par la culture dominante.
« Il y a une dimension spirituelle qui est très présente dans mon travail, j’utilise des symboles qui proviennent de la spiritualité des Premières Nations, mais aussi des symboles qui proviennent de la religion catholique. Je crée aussi mes propres symboles qui font maintenant partie de mon langage visuel. »
rendre visible l’indicible
NADIA MYRE
Née en 1974 à Montréal, Nadia Myre est une artiste anishinabeg multidisciplinaire qui expose sa production localement, nationalement et internationalement. Diplômée de l’Emily Carr Institute of Art + Design, elle complète une maîtrise en beaux-arts avec spécialisation en sculpture à l’Université Concordia en 2002. C’est en 1997 que sa mère et elle retrouvent leur statut de membres de la réserve anishinabeg Kitigan Zibi (Maniwaki, Québec) – statut initialement perdu lorsque la mère de l’artiste, devenue orpheline, fut adoptée hors de la réserve. Le recouvrement de ce statut marque la production artistique de Myre, qui se transforme alors en une quête identitaire, une exploration de son identité algonquine et de son hybridité culturelle. C’est dans le cadre de ce long processus qu’elle s’est entre autres initiée aux traditions artisanales de ses ancêtres – notamment la broderie et le tissage de perles de verre ainsi que la fabrication de canots en écorce de bouleau – pour mieux les intégrer à son art.
« Je me considère dans une sorte de position ambiguë : d’une part je suis une artiste autochtone à part entière parmi tant de talentueux jeunes artistes en devenir en art contemporain et, d’autre part, je suis précédée d’une génération incroyable d’artistes autochtones. Particulièrement, au Québec, ces artistes ont élevé la pratique contemporaine de l’art autochtone, et je suis ravie de constater ce qui se passe actuellement et ce qui se profile pour notre peuple. Par ailleurs, j’essaie également de créer des oeuvres qui peuvent être appréciées dans un contexte davantage international et non pas dans le seul contexte de l’art autochtone.
« Ma définition de l’artiste est que c’est une personne qui a quelque chose à dire. Quelqu’un qui n’a pas peur de le dire et qui peut ainsi faire en sorte que des choses incroyables surviennent. Il faut faire très attention aux activités que l’on entreprend, car si vous voulez être un artiste vous devez vous engager à faire de l’art.
« J’aime vraiment communiquer avec les gens. De telle sorte que très souvent dans mes projets, il y a un aspect implicite de participation. Il y a une relation en tête-à-tête entre moi et les gens avec qui je travaille. Cela est vraiment satisfaisant pour moi, et cela contribue énormément à ma pratique de différentes manières. »
Traduction Élisabeth Kaine
l’histoire des nomades
FLORENT VOLLANT
Sur la Côte-Nord, un peu à l’est de Sept-Îles et pas bien loin de la rivière Moisie, on retrouve une réserve nommée Mani-Utenam. C’est là que s’installe et grandit Florent Vollant après avoir quitté le Labrador, où il est né. C’est également là-bas que le jeune Innu en vient à partager son attachement pour les valeurs traditionnelles et son désir de côtoyer la modernité.
En 1984, Florent amorce sa carrière d’auteur-compositeur-interprète et s’active, dès l’année suivante, à la création du Festival Innu Nikamu. Depuis, l’événement musical réunit annuellement quantité d’artistes de plusieurs nations.
Entre 1989 et 1995, au sein du groupe Kashtin, Florent enregistre Kashtin, Innu et Akua Tuta, trois albums qui lui permettent de mettre la main sur quatre Félix et de monter sur scène non seulement au Québec et à travers le Canada, mais également en France, en Belgique, en Corée du Sud, aux États-Unis, en Bolivie… Une reconnaissance internationale qui veut dire beaucoup ! Au fil des années, Florent collabore également à de nombreux projets musicaux.
« Vers l’âge de 4 ou 5 ans, le premier son que j’ai entendu était un chant traditionnel de mon grand-père lors de célébrations. C’est quelque chose qui m’a marqué parce que je voyais des gens heureux, fiers... C’est ce que j’ai essayé de reproduire par après. Lorsque j’étais au pensionnat, j’ai découvert un petit instrument de musique, un jouet. J’ai alors réalisé que la musique me faisait du bien, elle me donnait l’impression que j’étais ailleurs.
« La première fois que j’ai osé danser le makusham, c’est venu me chercher très profondément. Il y a eu une manière de retour… à mes origines, à ma famille. J’étais fier d’appartenir à ceux qui dansent au son d’un tambour. J’ai toujours raconté l’histoire des nomades. Dans le mot « inspiration » il y a le mot « esprit », il faut être disponible à ça.
« La place des artistes dans un monde actuel… c’est énorme. En milieu autochtone où la moitié de la population a moins de trente ans, c’est important que ces jeunes-là s’expriment. Qu’ils s’expriment de toutes les manières possibles. Ce n’est pas juste un besoin, c’est un devoir pour les générations futures. »
s’inspirer de ses origines
KATIA KURTNESS
Artiste peintre inspirée par les histoires de sa jeunesse, elle travaille sur des peaux (vannerie) et du tissu à partir de thématiques comme la chasse, les rituels, le territoire et les symboles. Elle se fait un devoir de défendre l’identité de son peuple et accorde une très grande importance à la transmission des savoirs. Sa démarche artistique l’amène dans le monde de l’expérimentation de pratiques traditionnelles et c’est ce qui lui permet de s’inspirer des éléments culturels pour réaliser ses oeuvres. Elle navigue tout aussi bien dans le monde abstrait, composé d’oralités, de faits et de gestes, que dans celui du figuratif. En 2005, elle réalise sa première exposition dans un cadre professionnel à Gatineau.
Titulaire d’un baccalauréat en géographie et aménagement du territoire, Katia Kurtness est membre de la communauté ilnue de Mashteuiatsh. En 2014, elle obtient sa maîtrise en études et interventions régionales à l’Université du Québec à Chicoutimi.
« Les objets autour de moi parlent de mes origines. Il y a plein de choses qui traînent : le tissu irlandais, les peaux d’orignaux, le couteau croche de mon grand-père…
« Avant d’avoir de la peau d’orignal, je dois aller chasser le gibier. C’est ce que j’appelle le rituel, je veux que l’animal vienne à moi. J’ai besoin de toucher la matière, de me salir les mains, de toucher la toile et de sentir la peinture. Tout est question d’éveil des sens lorsque je travaille…
« À ma première exposition, je n’avais jamais vécu une expérience aussi libératrice ; on venait de me donner confiance en ce que j’étais, en ce que je pensais. »
refuser les catégorisations
LOUIS-KARL PICARD-SIOUI
Louis-Karl Picard-Sioui est originaire de Wendake. Historien, anthropologue, écrivain, dramaturge, poète et commissaire en arts visuels, il refuse les catégorisations et se définit avant tout comme un créateur. Il travaille depuis une dizaine d’années dans le domaine de la diffusion de la culture et des arts autochtones. En 2005, il publie son premier ouvrage, un roman pour la jeunesse intitulé Yawendara et la forêt des Têtes-coupées (Éditions du Loup de Gouttière, Québec), nominé au prix Ville de Québec / Salon international du livre de Québec en 2006.
« J’ai réalisé que nous aussi nous pouvions faire de l’art contemporain. Que nous avions des artistes chez nous, et ce, même si on n’en parlait pas à l’école. Que ces artistes étaient vraiment pertinents et qu’ils avaient une recherche aussi pertinente, tant sur le plan esthétique que symbolique, que les autres.
« Pour moi la performance nécessite un changement. Elle est catalyseur d’un changement. Mon approche dans le domaine des arts en général, pas seulement en performance, mais aussi en tant que commissaire, c’est de dire que le canevas, le support, c’est le public. Je dois provoquer un changement à l’intérieur de l’assistance, une réflexion profonde. S’ils s’en sortent indemnes, je n’ai pas réussi. Il faut que j’y perde et que j’y gagne quelque chose.
« Je me définis avant tout comme un créateur, car pour moi il n’y a pas beaucoup de différence entre écrire un livre, faire de la poésie, du théâtre, de la performance ou même produire une exposition en tant que commissaire. Ce sont différentes disciplines, mais surtout différents outils comme on a différentes couleurs dans sa palette. »
l’entre-deux
LYDIA MESTOKOSHO-PARADIS
La culture autochtone est la ligne directrice de sa démarche artistique : elle inspire le sujet, le choix des matériaux et la méthode de travail utilisée pour réaliser ses oeuvres. Engagée dans un processus d’apprentissage et de transmission des savoir-faire innus, l’artiste, originaire de Ekuanitshit, souhaite partager la richesse culturelle de la tradition innue et contribuer à sa pérennité. L’oeuvre de Lydia met de l’avant la contemporanéité des savoirs traditionnels. Ses peintures et ses installations donnent à voir la subtile omniprésence de la culture autochtone, si souvent oubliée par la société canadienne.
« Comment suggérer une idée avec des formes, des couleurs sans nécessairement parler. Une des thématiques qui revient le plus dans mon travail est le métissage, le fait de se situer entre les deux cultures. Tout se base sur mon propre métissage. C’est entre les deux, l’endroit idéal pour moi. Ma stratégie pour me retrouver et me sentir chez nous, c’est de faire de l’art.
« Je suis allée voir ma grand-mère pour qu’elle m’enseigne comment tresser une raquette pour m’en inspirer pour une oeuvre. Je voulais vivre une expérience de transmission culturelle. Ces nouvelles connaissances m’ont permis de réaliser une oeuvre.
« Je n’ai pas la prétention d’être un modèle, mais tant mieux si je démontre qu’une artiste autochtone peut exposer à Montréal comme je l’ai fait. Je connais des jeunes qui veulent créer des vêtements, des films, je leur dis d’y aller, d’aller étudier là-dedans ! Il y a beaucoup de bonnes occasions qui arrivent en étant à l’école et en disant oui à celles-ci. Plus tu vas à l’école et que tu dis oui, plus les portes s’ouvrent à toi, et ça va arriver tout seul. Il faut s’écouter et s’entourer des bonnes personnes. »
une présence spirituelle
SONIA ROBERTSON
Née à Mashteuiatsh où elle vit d’ailleurs actuellement, Sonia Robertson appartient à la nation ilnue. Elle a obtenu son baccalauréat interdisciplinaire en arts de l’Université du Québec à Chicoutimi en 1997 et sa maîtrise en art-thérapie de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue en 2017. Ses oeuvres, largement influencées par son identité autochtone, ont été présentées au Québec de même qu’en Ontario, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, à Haïti, en France, au Japon et au Mexique, lors d’expositions individuelles et collectives.
Issue de la photographie, technique continuant d’occuper une grande place dans son oeuvre, sa pratique artistique a évolué vers les installations et la performance. Depuis une vingtaine d’années, elle a élaboré un concept d’installations artistiques in situ qui lui est propre, combinant la spécificité d’un lieu à la manifestation de la présence spirituelle.
« Pour moi l’art c’est très important. Si je vis sans, je deviens rapidement très malheureuse. L’art m’a sauvée plus d’une fois. C’est pour cette raison que j’ai étudié en art thérapie.
« C’est la photographie qui me permet de communiquer avec l’esprit des choses. De l’invisible. C’est un moyen pour moi de saisir l’âme et l’esprit des objets et des choses. J’aime beaucoup interroger la perception qu’on peut avoir d’une chose ou d’un objet. J’aime bien amener les gens à voir autrement. Voir l’invisible ou des détails.
« Je revisite les traditions pour pouvoir me les réapproprier et pour les ajuster à la vibration de mon âme qui vit dans le monde actuel et non dans les années passées. La tradition est importante puisqu’elle nourrit toute ma création. Il y a beaucoup de répétition du geste dans mon travail, ça me vient principalement du rapport à l’artisanat. Répéter un geste c’est comme une prière : c’est magnifique. Parfois, je me dis que, si on est appelé à questionner le traditionnel pour l’amener ailleurs, ça ne veut pas dire que c’est meilleur, mais c’est ça qu’on est appelé à faire… c’est important d’écouter cet appel. »
culture matérielle
SYLVAIN RIVARD
Sylvain Rivard, artiste pluridisciplinaire canadien-français aux origines abénaquises, utilise souvent sa connaissance des techniques artisanales anciennes dans ses collages illustrer ses ouvrages de littérature jeunesse. Titulaire d’un certificat en études pluridisciplinaire micro-programme en littérature jeunesse, il s’est spécialisé en art et culture des Premières Nations. Sa connaissance des langues lui permet de rendre les chants et les contes avec respect et justesse. Sa connaissance de la culture matérielle lui permet de créer des oeuvres contemporaines intimement liées aux techniques ancestrales.
« Tout mon travail est basé sur les métissages. Même si je ne le veux pas, même si ce n’est pas écrit dans le titre, même si ce n’est pas flagrant. Tout est là-dedans. C’est le bagage que j’ai.
« Je mets souvent des titres en langue abénaquise à mes oeuvres. Les langues autochtones parlent par images : on ne donne pas de nom aux choses, on les décrit.
« Si on a toujours les mêmes images, les mêmes milieux, les mêmes choses, je pense qu’on tue notre créativité, qu’on tue notre ouverture. Il faut s’ouvrir sur le monde pour être encore plus grand à l’intérieur. De savoir que l’art est partout aide à se créer une opinion, à se fier à son instinct, plutôt que de seulement répondre aux attentes de son milieu. »
l’urgence de transmettre
LA TROUPE MAÏKAN
Jean St-Onge est l’un des fondateurs de la troupe Maïkan innue de Uashat mak Mani-Utenam. Ayant comme désir de sauvegarder leur langue et leur culture, les membres de la troupe ont élaboré la mise en scène de la légende de Tshakapesh. Ainsi, ils souhaitent replacer la culture et la création au coeur même du processus de développement communautaire de la nation innue.
Ce projet a débuté lors lors d’une rencontre du groupe « Mémoire du Territoire », c’était un questionnement que nous avions, raconte Jean. Nous avons réalisé que la langue innue était en train de se perdre… Nous étions une vingtaine et nous nous demandions comment faire pour sauver et transmettre la langue. Nous avons proposé au groupe de créer une pièce de théâtre sur les légendes.
La nouvelle création de la troupe Maïkan, un livre électronique bilingue (français et innu) institulé «La légende de Tshakapesh; le jeune Innu qui créa le monde». Édité par La Boîte Rouge VIF et SOFAD, le livrel sera publié à l’hiver 2018.
« Tshakapesh, c’est la naissance du peuple innu. C’est la naissance de l’homme. Cette légende a été transmise oralement jusqu’à aujourd’hui. Puis, il y a eu la rupture des pensionnats. C’est ce qui nous a motivés à reprendre cette légende qui transmet plusieurs valeurs.
« Si tu perds ta langue, tu perds toute ta culture. C’est le mental aussi qui n’est pas là quand tu ne sais pas parler ta langue. C’est pourquoi nous avons aimé jouer en innu. Le monde des esprits et le monde de la magie, ces concepts étaient très présents dans notre culture et on essaie de les transmettre encore aujourd’hui. Transmettre ta façon de parler à ton enfant et aux autres enfants de la communauté, c’est aussi ton identité. Il y a plusieurs valeurs associées à ça, comme la fierté de pouvoir parler sa langue aujourd’hui. C’est un combat à faire. »