Comptes rendus

Le Pouvoir vient d’ailleurs. Leadership et coopération chez les Inuits du Nunavik, Caroline Hervé. Les Presses de l’Université Laval, Canada, 2015, 439 p.[Notice]

  • Marie Kirouac-Poirier

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  • Marie Kirouac-Poirier
    Département de sciences des religions, Université du Québec à Montréal

Ce livre est tiré de la thèse de doctorat de l’auteure qui a reçu le Prix du livre politique de l’Assemblée nationale du Québec en 2014. Dans cet ouvrage divisé en deux parties, Caroline Hervé, professeure adjointe au département d’anthropologie à l’Université Laval, propose une analyse de la construction de la figure de leaders politiques chez les Inuits du Nunavik. Croisant l’anthropologie historique, l’ethnohistoire et l’anthropologie réflexive, Hervé propose une déconstruction du concept de leadership dans notre société à la lumière des conceptions inuites de cette notion. Pour les Quallunaat, un leader tire le groupe vers le haut et engage celui-ci dans le développement économique et administratif. Chez les Inuits, c’est plutôt le devoir d’aider et de tenir compte de l’avis du groupe qui est primordial (p. 364). Hervé se penche sur la notion et les pratiques de pouvoir au Nunavik dans un contexte où plusieurs sociétés inuites ont maintenant des gouvernements autonomes (Groenland, Nunavut, Nunatsiavut) et où les Nunavimmiuts sont toujours en négociations pour une autonomie gouvernementale. S’appuyant sur les travaux de Balandier, Muller ou Adler dans d’autres sociétés de tradition animiste, elle explique comment le pouvoir renvoie à une double nature chez les Inuits du Nunavik, où le pouvoir est autant exercé que subi. Grâce à ses nombreux séjours sur le terrain, ainsi qu’un travail de recherche dans différents fonds d’archives et un grand nombre d’entrevues, Hervé démontre que détenir un pouvoir signifie le droit de décider mais aussi le devoir de consulter le groupe. Les leaders sont craints et respectés, mais ils sont aussi constamment critiqués ; ils ont le droit d’accumuler des biens, mais ils ont en outre le devoir de redistribuer les richesses (p. 367). Tout au long de l’ouvrage, Hervé démontre que les relations de coopération sont le coeur de cette dualité du pouvoir. La première partie du livre explore les pratiques de coopération chez les Inuits en mettant de l’avant les relations de pouvoir qui émergent de leurs relations d’aide au quotidien. Hervé soutient que l’entraide est primordiale dans la culture inuite et que l’action d’aider est souvent perçue comme une obligation. À cet égard, Taamusi Qumaq, chasseur et homme politique du Nunavik, est cité : « Les Inuit partageaient la nourriture dans ces temps-là. La loi inuit, que nous tenions de nos ancêtres, était de s’aider les uns les autres. » (Qumaq 2010 : 60, in Hervé, p. 43). L’autobiographie de l’Inuit de Purvinituq est d’ailleurs omniprésente tout au long de l’ouvrage. Alors que seul le partage alimentaire est vraiment documenté chez les Inuits, Hervé défend que la relation d’entraide a diverses dimensions : alimentaire (partage nourriture), matérielle (ex: prêt de motoneiges), physique (aide pour diverses tâches) et immatérielle (prière et savoir). La famille est traditionnellement l’espace où se développent les relations d’entraide. Ces relations mettent en scène quelqu’un qui aide et quelqu’un qui reçoit l’aide, donc quelqu’un possédant un capital (matériel ou immatériel) et quelqu’un qui en est démuni. Une personne dépourvue de famille est donc démunie chez les Inuits car elle se retrouve sans ressource, sans possibilité de relation d’aide. Hervé documente la figure de l’orphelin, dans le quotidien du Nunavik aujourd’hui, mais également à travers la mythologie. Hervé soutient qu’aider quelqu’un est une façon d’être en relation et d’obtenir un  rôle au sein de la famille et, aujourd’hui, plus largement, au sein de la société : « Les pratiques d’entraide permettent ainsi, aux uns et aux autres, de créer du lien ou de confirmer sa position dans la société » (p. 87). La deuxième partie du livre est composée de chapitres à portée historique. L’auteure se penche sur …

Parties annexes