Recherches amérindiennes au Québec
Volume 41, numéro 2-3, 2011 « Relocalisations » et résilience autochtone Sous la direction de Frédéric Laugrand
Sommaire (23 articles)
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Sentier des larmes : la migration forcée des Chérokis vers l’ouest en 1838
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Introduction : Défendre le territoire : « Relocalisations » et résilience autochtone
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Relocalisations autochtones et ethnogenèse missionnaire à la frontière sud des empires ibériques : Paracuaria (1609-1768)
Guillermo Wilde
p. 13–28
RésuméFR :
Cet article propose une description et une analyse du processus de formation des communautés guaranies à la frontière des empires ibériques au xviie siècle, sur la base d’un nouveau modèle missionnaire introduit par les prêtres de la Compagnie de Jésus. Ledit modèle impliquait la relocalisation de populations originaires de diverses régions durant une période de cent cinquante ans et une concentration des villages de mission (reducciones) qui répondait elle-même à des paramètres économiques, politiques et culturels uniformes. L’auteur analyse d’abord la politique de ségrégation des populations telle qu’elle a été appliquée dans la région et les déplacements de population durant la formation des réductions au cours du xviie siècle, puis il étudie les transformations qui ont résulté de ce processus par rapport à l’organisation politique autochtone qui préexistait. La dernière section de l’article examine les mécanismes de l’actualisation de l’hétérogénéité interne dans les villages missionnaires, en tenant compte de la persistance des anciennes logiques de mobilité, de parenté et de leadership, lesquelles ont été en quelque sorte recyclées durant le processus d’adaptation.
EN :
This paper describes and analyzes the development of Guarani communities on the borders of Iberic Empires during the 17th century, according to the new mission model designed by the priests of the Society of Jesus. Said model involved the relocation of populations from diverse regions during a period of 150 years, and their concentration in mission towns (reducciones) that responded to uniform economic, political and cultural parameters. The first section analyzes the policy of population segregation implemented in the region and the population transfers during the formation of reducciones throughout the 17th century. The second section considers the transformation of the previous native political organization that resulted from this process. The last section examines the mechanisms of achieving internal heterogeneity in mission towns, taking into account the persistence of traditional principles of mobility, kinship, and leadership, recycled during the long lasting process of their adaptation.
ES :
Este trabajo describe el proceso de formación de comunidades guaraníes en las fronteras de los Imperios Ibéricos durante el siglo XVII, en base al nuevo modelo misional diseñado por los sacerdotes de la Compañía de Jesús. Dicho modelo implicó la relocalización de poblaciones procedentes de diversas regiones durante el período de 150 años y su concentración en pueblos de misión (reducciones) que respondían a parámetros económicos, políticos y culturales uniformes. La primera sección analiza la política de segregación poblacional implementada en la región y los traslados de población durante la formación de reducciones a lo largo del siglo XVII. La segunda sección considera las transformaciones de la organización política nativa preexistente resultantes de este proceso. La tercera y última sección, examina la heterogeneidad interna en los pueblos de misión y sus mecanismos de actualización, teniendo en cuenta la persistencia de antiguas lógicas de movilidad, parentesco y liderazgo, recicladas durante su prolongado proceso de conformación.
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San Carlos de los Jupes : une tentative avortée de sédentarisation des bárbaros dans les territoires frontaliers du nord de la Nouvelle-Espagne en 1787-1788
Joaquín Rivaya-Martínez
p. 29–42
RésuméFR :
En juillet 1787, Paruanarimuco, principal chef des Comanches jupes, sollicita le soutien de Juan Bautista de Anza, gouverneur espagnol du Nouveau-Mexique, en vue de la construction d’un village pour accueillir les siens. Les autorités du nord de la Nouvelle-Espagne s’empressèrent de donner suite à cette requête pour le moins inhabituelle, envisageant de créer ainsi un précédent chez les nomades païens de la frontière dans la sédentarisation et l’hispanisation des Jupes. C’est ainsi que débuta, en été 1787, la construction du village de San Carlos de los Jupes sur les rives de l’Arkansas, dans l’État actuel du Colorado, mobilisant main-d’oeuvre et fonds espagnols. Or, en janvier 1788, les Jupes quittèrent le village et n’y retournèrent jamais plus. Cet essai explore la fondation et la disparition de San Carlos selon une perspective ethnohistorique. L’auteur affirme que ce village comanche éphémère était voué à l’échec, et ce, pour diverses raisons écologiques, culturelles et géostratégiques.
EN :
In July 1787, Paruanarimuco, the main leader of the Hupe Comanches, requested the help of Juan Bautista de Anza, the Spanish governor of New Mexico, to build a village for his followers. Such an unusual petition was readily accepted by the authorities of northern New Spain, who looked forward to setting a precedent among the heathen nomads of the frontier by turning the Hupes into a sedentary, Hispanicized people. Thus, construction of the village of San Carlos de los Jupes began on the banks of the Arkansas River, in present-day Colorado, in the summer of 1787, using Spanish funds and labor. By January of 1788, however, the Hupes abandoned the village never to return. This essay explores the founding and demise of San Carlos from an ethnohistorical perspective. I argue that the short-lived Comanche settlement was doomed to failure for diverse ecological, cultural, and geostrategic reasons.
ES :
En julio de 1787, Paruanarimuco, líder principal de los comanches jupes, solicitó ayuda a Juan Bautista de Anza, gobernador español de Nuevo México, para construir un poblado para los suyos. Tan inusual petición fue aceptada con gusto por las autoridades del norte de Nueva España, quienes esperaban establecer un precedente entre los nómadas paganos de la frontera transformando a los belicosos jupes en un pueblo sedentario e hispanizado. De esta forma, la construcción de San Carlos de los Jupes se inició a orillas del río Arkansas, en el actual estado de Colorado, en el verano de 1787, con financiación y mano de obra hispanas. Sin embargo, en enero de 1788 los jupes abandonaron San Carlos para no regresar. En este ensayo se analiza desde una perspectiva etnohistórica la fundación y el abandono de este efímero establecimiento comanche, aduciendo que dicho establecimiento estaba condenado al fracaso por diversas circunstancias ecológicas, culturales y geoestratégicas.
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Relocalisation et résilience : l’adaptation des Apaches à leur intégration par les Espagnols
Matthew Babcock
p. 43–59
RésuméFR :
Cet article explore une tentative ambitieuse, bien qu’oubliée, par l’empire espagnol de relocaliser des milliers d’Apaches mescaleros, chiricahuas et de l’Ouest, qui ont dû quitter leur territoire ancestral pour aller vivre sur huit establecimientos, ou villages, aux caractéristiques de réserves, situés sur la frontière nord de la Nouvelle-Espagne, à partir de 1786. Les officiers militaires espagnols ont offert des dons, des rations et de la protection aux Apaches afin de diminuer leurs raids de bétail et de les transformer en agriculteurs sédentaires. L’article examine donc les avantages et les désavantages de ce plan de relocalisation, tant du point de vue des Apaches que de celui des Espagnols. Selon l’auteur, une poignée d’Apaches pacifiés ont su travailler de concert avec les Espagnols et les Mexicains à réduire la violence dans la région, et une majorité d’Apaches ont réussi à réaffirmer leur indépendance de manière créative et à maintenir leur ascendant sur leur territoire à partir de 1831.
EN :
This essay explores an ambitious and forgotten attempt by the Spanish empire to relocate thousands of Mescalero, Chiricahua, and Western Apaches from their homeland onto eight reservation-like establecimientos (establishments or settlements) along New Spain’s northern frontier beginning in 1786. Spanish military officers offered gifts, rations, and protection to Apaches in order to curb their livestock raids and transform them into sedentary agriculturalists. This paper examines the pros and cons of this resettlement program from Apache and Hispanic perspectives and argues that although a minority of peaceful Apaches (Apaches de paz) worked together with Spaniards and Mexicans to reduce violence in the region, the majority creatively adapted to reassert their independence and maintain dominion over their territory by 1831.
ES :
Este ensayo explora un intento ambicioso y olvidado por el imperio español de reubicar a miles de apaches mescaleros, chiricahuis y occidentales, en ocho establecimientos de tipo reserva (o asentamientos) a lo largo de la frontera norte de la Nueva España, desde 1786. Los militares españoles ofrecían donaciones, raciones, así como protección a los apaches con el fin de frenar las incursiones de ganado y de esa manera transformarlos en agricultores sedentarios. Este artículo examina los pros y los contras de este programa de re-asentamiento desde la perspectiva de los apaches y de los hispanos y sostiene que, aunque una minoría de los ‘apaches de paz’ (término utilizado para denominar a aquellos apaches que vivían en los establecimientos) trabajaba junto con los españoles y los mexicanos para reducir la violencia en la región, la mayoría se adaptó creativamente reafirmando su independencia y manteniendo el dominio sobre su territorio en 1831.
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De la déportation à l’invisibilisation : la dénaturalisation des Indiens calchaquís (Nord-Ouest argentin), xviie-xxie siècles
Christophe Giudicelli
p. 61–82
RésuméFR :
Pendant cent trente ans les Amérindiens de la vallée Calchaquíe sont parvenus à préserver leur autonomie, mettant en échec tous les dispositifs de colonisation de la province espagnole du Tucumán. Lors de deux campagnes menées entre 1659 et en 1667, le gouverneur du Tucumán réduisit définitivement cette enclave résistante par une mesure dramatique : la dénaturalisation de tous les habitants de la vallée et leur relocalisation aux quatre coins de la province, et même bien au-delà, jusqu’à Buenos Aires et aux rivages du río de La Plata. Jusqu’à une date récente, on a considéré que ces déportations avaient effacé toute trace des Indiens calchaquís de la région. L’objectif de cette étude est de rouvrir le dossier en dépassant cette perspective schématique, qui ne tient compte ni des processus d’invisibilisation des xixe et xxe siècles, ni des preuves documentaires attestant une permanence importante des intéressés, y compris comme entités collectives. Deux séries d’éléments imposent cette révision : l’avancée récente de la recherche historique et ethnohistorique argentine sur le sujet et les mouvements actuels de réémergence indienne, qui interrogent directement la thèse longtemps admise sans discussion d’une disparition immémoriale.
EN :
For 130 years, the Calchaquí Valley’s Indians succeeded in preserving their autonomy against all colonizing devices of the Spanish province of Tucumán. Over the course of two campaigns, between 1659 and 1667, the Tucumán governor dramatically put down the resisting enclave by denaturalizing all valley inhabitants and relocating them all around the province, and even as far as Buenos Aires and the Río de la Plata’s shores. Until recently, it has been believed that those deportations had erased any traces of the Calchaquí Indians in the region. The main objective of the present study is to re-open the case and to go beyond such an oversimplified perspective which neither takes into account the 19th and 20th centuries processes rendering them invisible nor the documentary evidences testifying to their significant presence, even as collective entities. The recent Argentinian historical and ethnohistorical developments on the issue, as well as the current re-emerging Indian movements, which directly question the heretofore unchallenged and long-held assumption that they disappeared, both call for such revision.
ES :
Durante 130 años, los indígenas del Valle Calchaquí lograron preservar su autonomía, poniendo en jaque todos y cada uno de los dispositivos de colonización implementados por la provincia española del Tucumán. Al cabo de dos campañas llevadas a cabo entre 1659 y 1667, el gobernador del Tucumán redujo definitivamente ese enclave resistente mediante una medida dramática : la desnaturalización de todos los habitantes del valle y su relocalización en los cuatro rincones de la provincia, pero incluso mucho más allá de sus fronteras, hasta Buenos Aires y las orillas del Río de la Plata. Hasta tiempos relativamente recientes, se daba por sentado que aquellas deportaciones habían de alguna manera borrado por completo todo rastro de los indios calchaquís de la región. El presente estudio busca reabrir el caso para ir más allá de esa perspectiva algo esquemática, que no considera ni los procesos de invisibilización de los siglos XIX y XX, ni las evidencias documentales que atestiguan una permanencia importante de dicho grupo, incluso como entidades colectivas. Dos series de elementos imponen esta revisión : el reciente avance de la investigación histórica y etnohistórica argentina sobre el tema y los actuales movimientos de reemergencia indígena, que desde hace mucho tiempo vienen cuestionando directamente la tesis, admitida sin discusión alguna, de una desaparición inmemorial.
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Le jour et la nuit : la relocalisation des ‘Nakwaxda’xw et des Gwa’salas
Marie Mauzé
p. 83–98
RésuméFR :
La relocalisation d’ordre administratif des ‘Nakwaxda’xw et des Gwasa’las (Kwakwaka’wakw) de la Colombie-Britannique, en 1964, a donné lieu à une véritable implosion sociale dont les effets délétères sont encore ressentis cinquante ans après les faits. Déplacés vers un nouveau site dans des conditions très précaires, en raison de l’incompétence flagrante des représentants du ministère des Affaires indiennes, tant au niveau national que local, les ‘Nakwaxda’xw et les Gwasa’las ont été brutalement éloignés de leur territoire traditionnel. Privés de leur relation réelle, imaginaire, spirituelle et émotionnelle à leurs terres ancestrales, ils ont perdu aussi un savoir traditionnel ancré dans la perception de leur environnement. Dans le cadre des revendications spécifiques, la bande a reçu une compensation financière en 2008, mais il reste à ses membres à trouver la force pour reconquérir toutes les facettes de leur identité afin de mieux vivre dans le monde moderne.
EN :
The administrative relocation of the ’Nakwaxda’xw and Gwasa’la from British Columbia in 1964 led to a real social implosion whose deleterious effects are still felt 50 years after it took place. Moved to a new site under very precarious conditions because of the blatant incompetence of the representatives of the Department of Indian affairs both on the national and local levels, the ‘Nakwaxda’xw and Gwasa’la were suddenly expelled from their traditional territory. Cut off from their real, imaginary, spiritual and emotional relationship to their ancestral lands, they also lost their traditional knowledge grounded in their perception of the environment. In the legal framework of the Specific Claims, in 2008, the Band received monetary compensation, however its members need to gather enough strength to reclaim all the facets of their native identity to be able to live better in the modern world.
ES :
La relocalización de orden administrativo de los ‘Nakwaxda’xw y los Gwasa’las (Kwakwaka’wakw) de la Colombia Británica canadiense, en 1964, ha dado lugar a una verdadera implosión social cuyos efectos deletéreos se sienten aún, cincuenta años después de los hechos. Desplazados hacia un nuevo sitio en condiciones muy precarias, debido a la flagrante incompetencia de los representantes locales y nacionales del Ministerio de Asuntos Indígenas, los ‘Nakwaxda’xw y los Gwasa’las fueron brutalmente separados de su territorio tradicional. Privados de su relación real, imaginaria, espiritual y emocional con sus tierras ancestrales, han perdido también un saber tradicional arraigado en la percepción de su medio ambiente. En el marco de reivindicaciones específicas, el grupo indígena recibió una compensación financiera en 2008, pero a sus miembros aún les queda por encontrar la fuerza necesaria para reconquistar las diferentes facetas de su identidad, a fin de vivir mejor en el mundo moderno.
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La « relocalisation » des Dènès sayisis et des Ahiarmiuts dans les années 1950 : au-delà des blessures ouvertes, la résilience des chasseurs de caribou
Frédéric B. Laugrand, Jarich G. Oosten et Üstün Bilgen-Reinart
p. 99–116
RésuméFR :
La décision du Gouvernement fédéral, dans les années 1950, de forcer les Dènès sayisis et les Ahiarmiuts à abandonner leur mode de vie nomade dans la toundra pour se sédentariser dans les communautés de Churchill et d’Arviat a eu des conséquences désastreuses. Les Sayasis, qui étaient des chasseurs et des trappeurs compétents, sont devenus un peuple brisé, abandonné à lui-même et acculé à vivre de déchets dans le dépotoir de Churchill. Aujourd’hui, les enfants et petits-enfants de cette génération brisée vivent à Tadoule Lake et continuent à guérir des blessures infligées par plusieurs relocalisations. Les Ahiarmiuts, quant à eux, ont connu une série de relocalisations du lac Ennadai au lac Nelting, puis du lac Ennadai au lac Henik, du lac Henik à Arviat, puis à Rankin Inlet et finalement à Whale Cove, et ils attendent toujours des excuses de la part du Gouvernement fédéral et la reconnaissance des douleurs importantes qu’ils ont dû supporter au cours de toutes ces années. À partir de sources orales et de documents tirés des archives, cet article compare ces deux relocalisations. Il confronte les stratégies, les choix et les décisions de l’administration fédérale aux points de vue et expériences de ces chasseurs de caribou, dont les auteurs soulignent ici la résilience.
EN :
The Federal Government’s decision in the 1950s to force the Sayisi Dene and the Ahiarmiut to abandon their nomadic life out on the land and to settle in the communities of Churchill and Arviat resulted in disastrous consequences. The Sayisi Dene, who had been competent hunters and trappers, became a broken people living off the garbage dump at Churchill. Today, their children and grandchildren at Tadoule Lake are still trying to heal the wounds inflicted by the forced relocation. As for the Ahiarmiut who were relocated in a series of stages from Ennadai Lake to Nelting Lake, from Ennadai Lake to Henik Lake and from Henik Lake to Arviat, Rankin Inlet and finally to Whale Cove they are still awaiting the explanation from the federal government and acknowledgement of their painful experiences. Using oral and archival documents, this paper compares these two relocations, confronts the strategies, choices and decisions of the federal administration with the experiences and views of the participants and underscores the resilience of these caribou hunters.
ES :
La decisión del Gobierno federal, en los años 1950, de forzar a los Dènès sayisis y los Ahiarmiuts a abandonar sus modos de vida nómades en la tundra para sedentarizarse en las comunidades de Churchill y de Arviat, ha tenido consecuencias desastrosas. Los Sayasis, que eran avezados cazadores y tramperos, fueron convertidos en un pueblo fracturado, abandonado a sí mismo y conducido a vivir de desechos en el vertedero de Churchill. Hoy en día, los hijos y nietos de esta generación quebrada viven en Tadoule Lake y continúan curando de las heridas infringidas por numerosas relocalizaciones. Los Ahiarmiuts, en tanto, han experimentado una serie de relocalizaciones desde el lago Ennadai al lago Nelting, luego desde el lago Ennadai al lago Henik, desde el lago Henik a Arviat, luego a Rankin Inlet y finalmente a Whale Cove, y todavía esperan las disculpas de parte del Gobierno federal y el reconocimiento de los importantes dolores que han debido soportar en el transcurso de todos estos años. A partir de fuentes orales y de documentos extraídos de archivos, este artículo compara estas dos relocalizaciones. Confronta las estrategias, las elecciones y decisiones de la administración federal con los puntos de vista y experiencias de estos cazadores de caribú, cuya resiliencia es destacada aquí por los autores.
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Recompositions territoriales autochtones en milieu urbain : urbanisation et urbanité mapuche au Chili
Bastien Sepúlveda
p. 117–128
RésuméFR :
Après la conquête de leur territoire par l’armée chilienne à la fin du xixe siècle, les Mapuches ont été soumis à un intense processus de migration qui les a menés principalement vers les grandes villes du Chili. Ce phénomène n’a cessé de prendre de l’ampleur au fil des ans, au point que la société mapuche est aujourd’hui devenue majoritairement urbaine ; en effet, d’après les données du recensement de 2002, près de 65 % de la population autochtone du Chili résiderait en ville. Si cette forme de mobilité semble certes pouvoir être interprétée dans la perspective d’un départ contraint, elle traduit en même temps une incroyable capacité d’adaptation à une réalité changeante. À partir d’un travail mené avec des associations mapuches de l’agglomération de Concepción, dans le centre du Chili, cet article s’intéresse aux modes d’inscription de l’identité mapuche dans ce nouvel espace qu’est la ville et à la manière dont celui-ci se trouve finalement intégré à la structure territoriale autochtone.
EN :
After the conquest of their territory by the Chilean army in the late nineteenth century, the Mapuche people had to submit to a vigorous migratory process which led most of them towards the major urban areas of Chile. This phenomenon never decreased over the last century, to such an extent that the majority of Mapuche society has now became urban. According to the 2002 Chilean census, almost 65 % of the indigenous population would be resident in urban areas. If this kind of mobility can be interpreted as a forced departure, it reveals at the same time an extraordinary capacity of adaptation to a new reality. Based on fieldwork undertaken with Mapuche organizations from the city of Concepción, in central Chile, this article examines the ways in which Mapuche identity is being realized in the urban context and how the city is being integrated into the indigenous territorial framework.
ES :
Después de la conquista de su territorio por el ejército chileno a finales del siglo XIX, los mapuches fueron sometidos a un intenso proceso migratorio que se orientó principalmente hacia las grandes áreas urbanas de Chile. Las dimensiones de este fenómeno no cesan de aumentar con el pasar de los años, a tal punto que la sociedad mapuche es hoy en día mayoritariamente urbana. Según los datos del censo de 2002, cerca de 65 % de la población indígena de Chile viviría en ciudades. Si esta forma de movilidad parece poder interpretarse en la perspectiva de una partida forzada, revela al mismo tiempo una increíble capacidad de adaptación a una realidad cambiante. Basándose en un trabajo realizado con asociaciones mapuches del área metropolitana de Concepción, en el centro de Chile, este artículo examina las modalidades de inscripción de la identidad mapuche en el contexto urbano y la forma en que la ciudad se ve finalmente integrada a la estructura territorial indígena.
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Migration et parenté : processus de reconfiguration territoriale chez les autochtones qoms de la ville de La Plata, en Argentine
Carolina Andrea Maidana
p. 129–138
RésuméFR :
Le terme qom est la manière dont se nomme le peuple autochtone aussi connu sous le nom de toba. Ce peuple habitait, avant le dépouillement généré par la conquête, la colonisation et l’expansion de l’État-nation du Cône Sud, la région géographique connue comme le Gran Chaco. Les migrations, une des nombreuses réponses/résistances de ce peuple devant l’avance du Blanc, ont impliqué des reformulations existentielles profondes, des processus de transformation ethnique complexes, une redéfinition et/ou réaffirmation identitaire qui, dans beaucoup de cas, s’expriment dans des espaces urbains recréés en termes ethniques. Une étude ethnographique au sujet des « quartiers tobas » qui se sont formés en périphérie des grandes villes permet d’analyser lesdits espaces en termes de réseaux sociaux d’expression territoriale, de comprendre ce qui est local et de rendre compte de la complexité qu’impliquent les nouvelles territorialités et les manières d’organisation dérivées de l’accès au sol urbain par la population autochtone migrante.
EN :
The term Qom is the way the indigenous people known as Toba refer to themselves. They were a people who were living before the devastation generated by the conquest, with the settling and expansion of the nation state into the Southern Cone, the geographical region known as Gran Chaco. Migrations were one of numerous responses and/or resistance of the people in the face of white settlement. These processes involved profound existential changes, complex processes of ethnic redefinition and/or reaffirmation of identity that, in many cases, were expressed in urban spaces, redesigned in ethnic terms. An ethnographic study of the “Toba neighbourhoods” found at the edge of large cities permits an analysis of these spaces in relation to the territorial expression of social networks. It clarifies what is local and accounts for the complexity involved in new forms of organization and territoriality, resulting from access to urban land by indigenous migrants.
ES :
El término qom es la forma en que se autodenomina el pueblo indígena conocido como toba. Pueblo que habitaba, antes del despojo generado por la conquista, la colonización y la expansión de los Estado-nación del Cono Sur, la región geográfica conocida como Gran Chaco. Las migraciones, una de las tantas respuestas/resistencias de este pueblo ante el avance del blanco, implicaron profundas reformulaciones existenciales, complejos procesos de transfiguración étnica, redefinición y/o reafirmación identitaria que, en muchos casos, se expresan en espacios urbanos rediseñados en términos étnicos. Un estudio etnográfico centrado en los “barrios toba” conformados en las periferias de grandes ciudades permite analizar dichos espacios en términos de redes sociales de expresión territorial, comprender lo local en relación a lo translocal y dar cuenta de la complejidad que implican las nuevas territorialidades y formas organizativas derivadas del acceso al suelo urbano por parte de población indígena migrante.
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« South camp was our home » : le déplacement forcé des Inuits des îles Belcher (Nunavut)
Florence Dupré
p. 139–150
RésuméFR :
Les déplacements forcés de populations qui sont au coeur des politiques de sédentarisation à l’origine de la création des villes et des villages de l’Arctique canadien, ont eu à partir des années 1950 des conséquences significatives sur l’organisation sociale des groupes inuits. D’une importance majeure dans la construction des identités contemporaines, ils sont aujourd’hui la source de nouveaux déplacements et de stratégies d’occupation et d’appropriation du territoire à l’échelle communautaire et régionale. Cette note de recherche est consacrée à ce que les archives identifient comme la « relocalisation » du camp méridional des îles Belcher (Baie d’Hudson, Nunavut) au nord de l’archipel en 1971. À partir de témoignages de Qikirtamiuts déplacés et de chercheurs engagés dans le processus, l’auteure explore quelques aspects de la genèse et du déroulement de cette « relocalisation » afin de mettre en perspective certaines des dynamiques communautaires contemporaines liées au déplacement des familles.
EN :
Relocations played a fundamental role in the settlement policies of the Canadian government and the formation of several Arctic communities. Since the 1950’s, they have had a significant impact on the social organization of Inuit communities. They still play a major role in the construction of identities, and they may be the source of new moves of peoples and strategies of land occupation at community and regional levels. This paper focuses on what the federal records identify as the “relocation” of the main South camp of the Belcher Islands (Hudson Bay, Nunavut) to the North of the archipelago in 1971. From testimonies of displaced Qikirtamiut and researchers involved in the process, the author explores a few aspects of the genesis and progress of the relocation to stress some of the social dynamics related to the transfer of families.
ES :
Los desplazamientos forzados de las poblaciones que son objeto de las políticas de sedentarización que dieron origen a la creación de ciudades y pueblos del ártico canadiense, han tenido consecuencias significativas sobre la organización social de los grupos inuit, desde los años 1950. De gran importancia en la construcción de las identidades contemporáneas, hoy en día son la fuente de nuevos desplazamientos y de estrategias de ocupación y de apropiación del territorio a escala comunal y regional. Estas notas de investigación tratan de aquello que los archivos identifican como la «relocalización» del asentamiento meridional de las islas Belcher (Bahía de Hudson, Nunavut) al norte del archipiélago, en 1971. Con base en testimonios de Qikirtamiuts desplazados y de investigadores comprometidos con el proceso, la autora explora algunos aspectos de la génesis y del desarrollo de esta «relocalización» con el fin de poner en perspectiva ciertas dinámicas comunitarias contemporáneas relacionadas con el desplazamiento de familias.
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Les déplacés de Media Luna : enjeux et conséquences de l’implantation d’infrastructures minières chez les Wayùus de Colombie
Lionel Simon
p. 151–161
RésuméFR :
Les populations qui vivent à Media Luna – une localité située au nord de la péninsule de la Guajira – ont connu au début des années 80 des déplacements forcés. À cette époque, les travaux d’aménagement de la zone logistique de la compagnie El Cerrejón ont débuté par une phase préliminaire qui consistait à délocaliser les communautés de Media Luna (notamment). Ces déplacements restent dans la mémoire des populations comme un moment violent et profondément injuste. Les habitations et les cimetières ont été déplacés, les pâturages ont été confisqués. Événement majeur dans la trajectoire historique des populations, ce déracinement est porteur de lourdes conséquences. Cet article envisage, d’une part, les facteurs ayant mené à une négation de la réalité sociale et culturelle des Wayùus lors des négociations concernant leur territoire, et d’autre part la réalité actuelle des populations de Media Luna au regard des conséquences des délocalisations.
EN :
The inhabitants of Media Luna – a village located in the North of Guajira peninsula – were displaced in the beginning of the eighties. At that time, the construction work of the company El Cerrejón started with a preliminary phase which consisted in displacing the communities of Media Luna (in particular). These removals remain in the memory of the inhabitants as a time of violence and profound injustice. The houses and the cemeteries were displaced and the pasture lands were seized. This major event in the historical trajectory of these populations, in other words, this uprooting has had grave consequences. This article explores the factors which led to the denial of Wayùu’s social and cultural reality during the negotiations over their territory and, analyzes the current situation of Media Luna inhabitants with regard to the consequences of their displacement.
ES :
Las poblaciones que viven en Media Luna – una localidad situada en el norte de la península de la Guajira – conocieron desplazamientos forzados, al principio de los años 80. En aquella época, las obras de acondicionamiento de la zona logística de la compañía El Cerrejón se iniciaron con una fase preliminar que consistió en el desplazamiento de las comunidades de Media Luna. Estos desplazamientos han quedado en la memoria colectiva como un momento de violencia y de injusticia profunda. Las viviendas y los cementerios han sido desplazados, y los pastos confiscados. Acontecimiento mayor en la trayectoria histórica de las poblaciones, este desarraigo tuvo consecuencias considerables. Este artículo propone contemplar, por una parte, los factores que han llevado a la negación de la realidad social y cultural de los Wayùus durante las negociaciones que atañeron a su territorio ; por otra parte, la realidad actual de las poblaciones de Media Luna con respecto a las consecuencias de los desplazamientos.
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Migrations et propriété foncière dans l’altiplano occidental du Guatemala
Julie Hermesse
p. 163–174
RésuméFR :
Cet article a comme objectif de présenter, à partir d’une approche historique sur la propriété terrienne, l’évolution conjointe des modes de mobilité choisis par les populations de l’altiplano occidental du Guatemala ou imposés à celles-ci. Les données générales sur l’histoire du foncier et des mobilités propres à la région de l’Occident sont articulées à des données locales recueillies par une recherche ethnographique dans la municipalité de San Martín Sacatepéquez. La notion de territoire désigne un système d’appropriation de l’espace qui présente des aspects tant économiques que symboliques de l’histoire et de la culture. Dans sa dimension économique, la terre reste le moyen par excellence de la survie matérielle de la société guatémaltèque. Elle est aussi le fondement de l’identité paysanne autochtone. Significatif aussi de l’enracinement à la terre des ancêtres, historiquement, les populations amérindiennes ont été actrices de phénomènes migratoires saisonniers et non permanents. Les migrations transnationales actuelles témoignent de l’évolution historique des phénomènes de mobilité qui doit être analysée en regard des transformations foncières et des contraintes économiques. Dans sa dimension symbolique, la terre porte, entre autres, l’image de la spoliation.
EN :
Based on an historical approach to land ownership, this article’s goal is to present the joint evolution in modes of mobility chosen by the populations of the Western Altiplano of Guatemala, or imposed on them. The general data on the history of property and mobility characterizing the Western region is presented in connection with local data gathered in ethnographical research in the town of San Martín Sacatepéquez. The concept of territory indicates a system of space appropriation presenting symbolic as well as economic aspects of history and culture. In its economic dimension, land remains par excellence the means of material survival in Guatemalan society. It is the foundation of indigenous peasant identity as well. Also significant of their rootedness in the land of their ancestors, is the fact that historically these indigenous populations have been actors in seasonal and temporary migrations. Current transnational migrations testify to the historical evolution of this phenomenon of mobility, which must be analyzed in light of transformations in land ownership and economic constraints. In its symbolic dimension, the land bears, inter alia, the image of spoliation.
ES :
Este artículo tiene como objetivo presentar, desde un enfoque histórico sobre la propiedad de la tierra, la evolución conjunta de los modos de movilidad escogidos por las poblaciones del altiplano occidental de Guatemala o impuestos a éstas. Los datos generales sobre la historia del territorio y de las movilidades en la región del Occidente están articulados a datos locales recogidos por una investigación etnográfica en la municipalidad de San Martín Sacatepéquez. La noción de territorio designa un sistema de apropiación del espacio que presenta aspectos tanto económicos como simbólicos de la historia y de la cultura. En su dimensión económica, la tierra es aún el medio por excelencia de la supervivencia material de la sociedad guatemalteca. Ella es también el fundamento de la identidad campesina indígena. Signo también del arraigo a la tierra de los antepasados, las poblaciones amerindias fueron, históricamente, un actor de fenómenos migratorios temporales y no permanentes. Las migraciones transnacionales actuales demuestran la evolución histórica de los fenómenos de movilidad que deben ser analizados en relación a las transformaciones territoriales y las coacciones económicas. En su dimensión simbólica, la tierra conlleva, entre otras, la imagen del despojo.
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KA ATANAKANIHT : la « déportation » des Innus de Pakuashipi (Saint-Augustin)
Laurent Jérôme
p. 175–184
RésuméFR :
En août 1961, lorsque le North Pioneer jette l’ancre au large d’Unamen Shipu (La Romaine), soixante-cinq Innus de Pakuashipi (Saint-Augustin) débarquent avec leurs biens pour s’installer dans leur nouvelle communauté, reconnue comme réserve depuis 1954 et dotée d’un missionnaire permanent depuis 1953. Au printemps 1963, quelques-uns de ces « expatriés » décident de faire le trajet inverse et de regagner leur territoire d’origine. Le trajet de retour – qui durera un mois – se fera à pied sur une distance d’environ deux cent cinquante kilomètres, avec femmes, enfants, chiens, canots et traîneaux. D’autres membres du groupe feront le même trajet de retour quelques mois plus tard, en avion et en bateau. D’autres encore ne repartiront jamais d’Unamen Shipu, où ils vivent toujours aujourd’hui. Cette note de recherche a pour objet de documenter ce projet avorté de relocalisation et d’interroger les perceptions des Innus à son égard. Les Innus parlent, en effet, de « déportation » : Ka atanakaniht.
EN :
August 1961. The North Pioneer ship came alongside the coast of Unamen Shipu (La Romaine). Sixty-five Innus of Pakuashipi (Saint-Augustin) landed with their goods to settle in Unamen Shipu, their new community recognized as a reserve since 1954 where a permanent missionary was officiating since 1953. Spring 1963. Some of these ‘migrants’ decided to return to their original territory on foot, with women, children, dogs, boats and sleds. The ‘journey back’ would last one month and around two hundred and fifty kilometres. A few months later, other members of the group would return by plane and boat. Others would never leave Unamen Shipu, where they still live today. The aim of this paper is to document this aborted relocation project and to examine the Innu perceptions with respect to that experience. Indeed, the Innu speak of ‘deportation’: Ka atanakaniht.
ES :
En Agosto de 1961, el North Pioneer atraca frente a Unamen Shipu (La Romaine). Sesenta y cinco Innu de Pakuashipi (San Agustín) desembarcan con sus pertenencias para instalarse en su nueva comunidad, reconocida como una reserva desde 1954 y con un misionero asignado de manera permanente desde 1953. En la primavera boreal de 1963, algunos de dichos «expatriados» deciden hacer el recorrido inverso para volver a su territorio de origen. El trayecto de retorno, de aproximadamente doscientos cincuenta kilómetros, duraría un mes y sería hecho a pie, con mujeres, niños, perros, canoas y trineos. Otros miembros del grupo harían el mismo trayecto de retorno unos meses más tarde, en avión y en barco. Oros más no volverían nunca de Unamen Shipu, donde viven hasta el día de hoy. Esta note de investigación tiene por objeto documentar este proyecto abortado de relocalización, así como examinar las percepciones de los Innu a ese respecto. Éstos hablan, en efecto, de «deportación» : Ka atanakaniht.
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Bibliographie thématique sur les relocalisations
Et aux États-Unis…
Comptes rendus
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Pour une ethnoarchéologie théorique. Mérites et limites de l’analogie ethnographique, Alain Gallay. Coll. des Hespérides, Éditions Errance, Paris, 2011, 391 p.
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Les Autochtones ne sont pas des pandas. Histoire, autochtonie et citoyenneté québécoise, Réjean Morissette. Coll. « Cahiers du Québec : Cultures amérindiennes », Hurtubise HMH, Montréal, 2012, 402 p.
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Les Inuits et les Cris du nord du Québec. Territoire, gouvernance, société et culture, Jacques-Guy Petit, Yv Bonnier Viger, Pita Aatami et Ashley Iserhoff. Presses de l’Université du Québec, 2011, 432 p.