Rémi Savard, anthropologue québécois, certes, mais surtout anthropologue du Québec, c’est-à-dire dont l’appartenance et les préoccupations sont prioritairement québécoises, a emprunté plusieurs chemins qui, pourtant, se rejoignent et se soutiennent mutuellement. S’il a réfléchi et publié sur les récits algonquiens, particulièrement les récits innus, il est aussi connu pour ses interventions sur la place publique, en citoyen souvent indigné, pour ne pas dire exaspéré, mais surtout inquiet pour l’avenir que nous réservons à nos descendants, ceux des Premières Nations du Québec et ceux des Québécois francophones. Outre la voie de l’analyste des récits classiques innus, qui publie livres et articles scientifiques sur Kuekuatsheu (Carcajou), Tshakapesh, Kamikuakushit, Aiasheu, Tsheshei… et celle de l’observateur de l’actualité que l’on entend à la radio et dont les textes paraissent dans les quotidiens, une troisième voie s’est ouverte à lui dans les années 1980, celle de l’histoire. Une voie qui prendra de plus en plus d’importance pendant une vingtaine d’années car, répète-t-il souvent, comment comprendre les réalités d’aujourd’hui sans plonger dans leurs racines, les décortiquer, les tirer de l’ignorance où nous, Québécois, les maintenons, souvent volontairement ? Outre ses ouvrages sur l’« épopée canadienne » et certains moments de l’histoire des Algonquins, inlassablement et sur toutes les tribunes, faisant appel cette fois à ses habiletés d’enseignant, il a souligné la situation très particulière du peuple québécois placé par l’histoire à la fois dans la position du colonisé et dans celle du colonisateur. Et pour transmettre ces divers messages d’analyste, d’observateur et d’enseignant, il a largement, et de plus en plus, puisé dans ses talents de conteur. C’est à cet anthropologue unique, qui accompagne Recherches amérindiennes au Québec depuis ses tout débuts puisqu’il était présent lors de sa gestation et qu’il l’a toujours très chaleureusement suivie de près, que la Revue a voulu rendre hommage dans le premier numéro de son volume XL. Pour ce faire, nous avons fait appel à ceux qui ont croisé les divers chemins qu’il a empruntés : Innus et autres membres des Premières Nations du Québec, collègues, anciens étudiants, famille et amis. Les articles de la première partie du numéro rendent tout d’abord compte des écrits de Rémi Savard. Sur un mode pétillant d’humour mais aussi empreint d’une profonde connaissance de l’oeuvre de son ancien collègue, John Leavitt fait état de ses livres, soulignant l’alternance d’ouvrages sur les récits algonquiens et de textes plus visiblement engagés quoique, à son avis, chaque livre sur la tradition orale écrit par Rémi Savard « est aussi un livre engagé, une défense de l’humanité ». En second lieu, Sylvie Vincent cerne, dans les textes que Rémi Savard a envoyés aux journaux depuis le début des années 1970, l’affirmation d’un choix politique aussi clair que rare, basé sur l’idée que l’indépendance du Québec ne pourra se faire sans une reconnaissance préalable des peuples autochtones. La seconde moitié des années 1970 et le tout début des années 1980, période révélatrice dans l’histoire récente des relations entre Québécois et Premières Nations, fut aussi révélatrice pour Rémi Savard. Anne Panasuk, alors étudiante, était sur la Côte-Nord en 1977 lors des événements de la « guerre du saumon ». Elle relate ce qui se passa sur les rivières Natashquan, Olomane, Moisie et confie que la supposée « noyade » de deux jeunes Innus dans cette dernière rivière a atteint Rémi Savard de plein fouet et allait « changer sa trajectoire professionnelle ». C’est alors, écrit-elle, que « l’anthropologue devient activiste ». Mais Rémi Savard ne fait pas que soutenir les Innus ; il tente aussi de s’adresser à ceux qui lui paraissent être de sa famille politique et qui sont …
PrésentationRémi Savard, anthropologue du Québec[Notice]
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Sylvie Vincent
Pierre Beaucage
pierre.beaucage@umontreal.ca