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Le Forum social des Montes Azules[Notice]

  • Martin Hébert

Les 5 et 6 mars 2010 s’est tenue une rencontre citoyenne au coeur de la forêt lacandone dans l’État du Chiapas, au Mexique. Organisations paysannes, organismes de défense des droits humains et habitants des communautés autochtones de la région se sont réunis dans le village de Candelaria pour attirer l’attention de la société civile nationale et internationale sur un problème complexe dont l’issue aura des conséquences pour les droits des peuples autochtones mexicains et d’ailleurs. La tension entre l’occupation autochtone du territoire et la création d’aires protégées n’est pas un problème nouveau. Depuis le xixe siècle, la pratique d’exclure les autochtones des parcs de conservation au nom de la préservation d’une nature « sauvage » a été utilisée tant en Amérique du Nord qu’en Amérique latine. L’expression « réfugiés de la conservation » a d’ailleurs été créée pour décrire, entre autres, la situation que vivent plusieurs groupes mayas occupant des terres transformées en réserves écologiques depuis une quarantaine d’années dans le sud du Mexique et dans le nord du Guatemala. Dans le cas de la réserve des Montes Azules, les tensions entre la CONAP (Comisión Nacional de Areas Naturales Protegidas), l’organisme gouvernemental mexicain en charge de la conservation, et une douzaine de communautés mayas établies illégalement à l’intérieur des limites de cette aire protégée ne cessent d’augmenter depuis quelques années. Le Forum social des Montes Azules, qui a accompli l’exploit de rassembler près de deux cents personnes au coeur de l’une des régions les plus difficiles d’accès du Mexique, visait à contrer une nouvelle escalade des moyens employés par le gouvernement pour déloger les communautés de la réserve. Le conflit d’usage remonte aux années 70, alors que le gouvernement mexicain a décrété la création d’une aire protégée d’un peu plus de 300 000 hectares (3 000 km2) sur des terres qui constituaient la zone d’expansion territoriale des communautés paysannes de la région dite des Cañadas, bien connue pour avoir été le foyer du soulèvement zapatiste de 1994. De 1997 à 2008, la situation était tendue, en partie en raison des efforts de réappropriation des terres de la réserve par les autochtones, mais la stratégie gouvernementale a surtout été d’offrir des compensations financières aux communautés pour qu’elles acceptent la relocalisation. De plus, un processus formel de négociation a été mis en place sous la forme de « tables de dialogue et de concertation∈». Mais cette stratégie s’est considérablement durcie en octobre 2008 avec le décret du « Protocole d’expulsion » publié par le gouvernement du Chiapas. Dans ce document, le gouvernement déclare : « Les tables conjointes avec les groupes envahisseurs se sont épuisées, car ces derniers persistent à refuser de [quitter la réserve] de manière volontaire » (article 3). Les agents de conservation travaillent maintenant de concert avec des agents de police et les militaires pour faire pression sur les communautés qui résistent à l’expulsion. Un événement particulièrement troublant s’est produit en janvier 2010, lorsque quatre hélicoptères militaires se sont posés dans la communauté de Rancho Corozal, l’une des treize ciblées par les agents de conservation depuis 2008. Voyant approcher ces appareils, la population du village a dû prendre la fuite dans la forêt. Comme nous l’a dit un habitant de Rancho Corozal, « il ne fallait pas nous faire prendre, car une fois que tu es en prison, ils peuvent t’y garder jusqu’à ce que tu leur cèdes ta terre, avec le temps ils peuvent te faire signer n’importe quoi∈». Dans une région qui vit une forte répression militaire depuis 1994, la vue d’hélicoptères atterrissant dans une communauté suscite une détresse compréhensible chez les autochtones. Quelques …

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