Dossier « Kanesatake/Oka : vingt ans après »

L’obligation de consulter les peuples autochtonesLe cas du projet de mine de niobium à Oka[Notice]

  • Josiane Loiselle-Boudreau

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  • Josiane Loiselle-Boudreau
    Candidate à la maîtrise en droit,
    Université du Québec à Montréal (UQÀM),
    Montréal

Le 24 septembre 2009, un article du journal La Presse rapportait qu’un projet d’exploitation d’une mine de niobium dans la région d’Oka inquiétait les Mohawks de Kanesatake en raison des déchets radioactifs qui seraient produits par cette exploitation minière et de l’impact environnemental éventuel sur le réseau hydrographique et le potentiel agricole de la région. L’article relevait aussi que le site convoité pour la mine était situé sur des terres revendiquées par les Mohawks de Kanesatake (Presse canadienne 2009). À la lumière des récents jugements de la Cour suprême du Canada (CSC) et de la Cour supérieure du Québec concernant l’obligation de consultation et d’accommodement des peuples autochtones dans le cadre de projets d’exploitation des ressources naturelles sur les terres qu’ils revendiquent, nous visons à identifier la nature des obligations de consultation et d’accommodement du gouvernement du Québec envers la nation mohawk de Kanesatake dans le cas du projet de mine de niobium sur les terres revendiquées par celle-ci. Nous donnerons d’abord un aperçu du contexte historique des revendications territoriales des Mohawks de Kanesatake. Puis, nous verrons sommairement en quoi consiste le projet de mine de niobium de la compagnie Niocan dans la région d’Oka, sur les terres revendiquées par les Mohawks de Kanesatake. En troisième lieu, nous relèverons quelques éléments importants qui caractérisent le mouvement de protestation de la nation mohawk de Kanesatake contre le projet Niocan et les recours intentés en justice pour contrer ce projet. Finalement, nous analyserons les jugements des tribunaux pertinents qui permettent de donner l’heure juste sur les derniers développements juridiques en matière d’obligation du gouvernement de consulter et d’accommoder des peuples autochtones. Avec tous ces éléments rassemblés, nous tenterons d’amorcer l’analyse de la nature des obligations du gouvernement de consulter et d’accommoder la nation mohawk de Kanesatake dans le cadre spécifique du projet de développement de la mine de niobium sur les terres revendiquées par celle-ci. La nation mohawk, qui compte plus de 16 200 membres, est la plus populeuse des nations autochtones du Québec (SAA, s.d.). La Première Nation de Kanesatake est une nation autochtone composée des Mohawks de Kanesatake, lesquels sont membres de la bande de Kanesatake, une bande au sens de la Loi sur les Indiens. Kanesatake, qui compte une population d’environ 2000 personnes, est située à Oka, sur la rive nord du lac des Deux Montagnes, à 53 kilomètres à l’ouest de Montréal (AINC, s.d.). Le territoire de Kanesatake ne constitue pas une réserve au sens de la Loi sur les Indiens. Il s’agit plutôt de terres fédérales réservées pour les Indiens selon l’article 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867 (Trudel 2001 : 102). Le litige territorial de Kanesatake dure depuis près de trois siècles. La situation foncière particulière des Mohawks de Kanesatake remonte à la concession, par le roi de France, de la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes [ci-après « la seigneurie »] à l’Ordre des Sulpiciens en 1717. Les Sulpiciens devaient y établir une mission pour servir et protéger la population autochtone de la région. Selon l’historien Gilles Boileau, les ancêtres des Mohawks de Kanesatake qui se sont établis dans la mission créée en 1721 étaient convaincus que ces terres leur appartenaient. Ils y retrouvaient « une terre occupée jadis par de nombreux groupes d’Iroquois » (Boileau 1991). Un site archéologique a d’ailleurs été découvert dans les années 1930 à Oka, à proximité de l’emplacement originel de la mission du Lac-des-Deux-Montagnes. Les fouilles ont permis de constater la présence d’autochtones à Kanesatake bien des siècles avant l’arrivée des colons français. Il a aussi été établi que les Mohawks y étaient en 1721, lorsque les Sulpiciens installèrent …

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