Comptes rendus

Maxime Gohier, Onontio le médiateur. La gestion des conflits amérindiens en Nouvelle-France. 1603-1717. Les éditions du Septentrion, Québec, 2008, 246 p.[Notice]

  • Véronique de Broin-Verret et
  • Manuel Truffy

Mémoire de maîtrise remanié, l’ouvrage de Maxime Gohier, Onontio le médiateur, porte sur les alliances franco-amérindiennes aux xviie et xviiie siècles. Renouvelant brillamment l’historiographie, Gohier aborde les relations franco-amérindiennes sous l’angle de la médiation. Selon lui, cette pratique est au coeur des relations et représente un enjeu fondamental lors des négociations de la Grande Paix de 1701. Dans le premier chapitre, il retrace l’existence de la pratique de la médiation au sein des deux cultures. En étudiant les alliances du xviie siècle, il prouve que la médiation revêt une forme syncrétique en Amérique après le contact. Dans le chapitre suivant, il expose les aspirations similaires des Français et des Iroquois à occuper le rôle de médiateur entre les nations du nord-est de l’Amérique. Enjeu hégémonique, la médiation est, selon Gohier, une source de tensions expliquant les conflits franco-iroquois. Nuançant les interprétations sur la Grande Paix de 1701, il pose, dans le troisième chapitre, la signature de ce traité comme un « compromis franco-iroquois » rendu possible par l’ambiguïté entourant la clause de la médiation. Thèse qu’il confirme dans la dernière partie de son ouvrage, en étudiant les tensions franco-iroquoises jusqu’en 1717. Au passage, soulignons la périodisation hétérodoxe (1603 à 1717) qui délaisse les repères temporels européens au profit d’une division plus significative et adaptée à l’étude des conflits amérindiens. En utilisant la littérature secondaire européenne, il retrace les origines de la médiation française dans le droit international et dans la culture diplomatique française. Au xviie siècle, des théoriciens, comme Grotius, développent des idées pacifistes et des méthodes diplomatiques qui s’inscrivent dans le prolongement de la pensée humaniste. Sous l’impulsion des guerres incessantes en Europe, une élite intellectuelle influencée par ces théories juridiques consacre l’idéal de la paix au nom de la stabilité économique et étatique. La médiation se pose comme un outil diplomatique privilégié afin de vider pacifiquement un différend. Elle trouve une résonance chez les souverains français qui veulent instaurer la Pax Gallica. De plus, elle inscrit les belligérants dans un processus de clientélisation ; par conséquent elle octroie une position avantageuse au médiateur. Gohier montre ensuite le rôle de la médiation dans les confédérations amérindiennes créées avant le contact. Ritualisée et basée sur les principes de réparation et d’apaisement des conflits, la médiation amérindienne confère, comme dans la pratique française, un rôle hégémonique au médiateur. Le contact donne une forme syncrétique à la médiation, présente au sein des deux cultures diplomatiques et à la fois teintée des rituels autochtones et de l’ambition hégémonique française. Pour l’illustrer, Gohier retrace les relations entre les Français et leurs alliés amérindiens traditionnels au cours du xviie siècle. Les alliances répondent à la fois aux impératifs coloniaux et aux besoins des autochtones. Placés dans une position de dominés, les alliés acceptent l’autorité du gouverneur, Onontio, afin d’obtenir notamment une protection face aux Iroquois et un accès aux marchandises européennes. Ensuite, Gohier étudie le rôle et la portée de l’enjeu de la médiation dans les relations franco-iroquoises au xviie siècle pour l’inscrire comme une source de conflit. Il quitte ainsi les sentiers battus de l’historiographie où les motifs économiques et démographiques sont admis comme les principales causes des conflits franco-iroquois. Sans nier ces facteurs, il les complète avec la médiation. En se référant au mythe fondateur de la Ligue iroquoise, Gohier expose le désir hégémonique des Iroquois de soumettre les peuples du Nord-Est à leur projet de Pax Iroquoia dès le xvie siècle. Ensuite, il dresse l’évolution des conflits et des négociations entre les Iroquois et les Français au cours du xviie siècle, afin …

Parties annexes