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Sculptée sur la face avant du large pilier de l’église de Souillac, la représentation de bêtes sauvages déchiquetant leur proie a toujours fasciné les visiteurs. Pour les chercheurs cependant, sa complexité et son ambiguïté se sont toujours révélées difficiles à interpréter. La manière de représenter le motif découle d’une tradition animalière destinée à rehausser la vaillance masculine. Ce traitement traditionnel se trouve ici contredit par l’apparition, dans la partie supérieure du pilier, d’un homme nu, sans défense et attaqué par des animaux qui lui infligent des sévices corporels. Le pilier tient ainsi deux discours distincts et radicalement opposés sur la souffrance. Le premier reste relié aux moeurs des seigneurs féodaux et le second à l’ordre monastique. En transgressant ces frontières bien établies, l’image produit du sens et un impact psychologique par la confrontation de ces deux discours antagonistes. Il transforme la mentalité guerrière féodale, celle qui dénie la souffrance et la peur de la mort, et propose une autre vision plus près de la perception et des intérêts défendus par l’ordre monastique. En effet, pour celui-ci, la souffrance (physique et spirituelle) aussi bien que la peur de la mort se trouvent à être des éléments essentiels au futur triomphe de l’âme. Les images sculptées et leur iconographie contribuent donc dans leur originalité programmatique au changement des attitudes sociales et religieuses qui marquent la société laïque du sceau de la culpabilité. Je soutiens donc ici que les sculptures du portail de Souillac participent visuellement, dès le XIIe siècle, à la transformation radicale des mentalités.