Résumés
Résumé
La série de six tableaux de Bartolomé Esteban Murillo intitulée La parabole de l’enfant prodigue (Collection Beit, Irlande) et réalisée à Séville entre 1660 et 1670, semble être la seule oeuvre picturale espagnole du dix-septième siècle qui porte sur ce thème biblique. Les estampes du graveur français de la même période, Jacques Callot, semblent avoir inspiré cette série unique, bien que la source d’inspiration des nombreuses adaptations apportées par Murillo, notamment au niveau des costumes, des personnages et des décors, n’ait pas encore été déterminée.
Cet article compare l’interprétation de Murillo de cette parabole à celle des dramaturges espagnols du Siècle d’or. Contrairement aux arts plastiques, la parabole a été un thème dramatique populaire qui a été repris tant dans le théâtre religieux que séculier par des dramaturges importants du dix-septième siècle comme Lope de Vega, Tirso de Molina et J. de Valdivielso.
Les détails relatifs aux costumes dans El hijo pródigo de Lope semblent supposer que, dans la série de Murillo, le fait que l’enfant prodigue soit vêtu de vert à son départ symbolise sa naïveté, alors que le dialogue dans la comédie de Tirso suggère que la couleur rouge de sa cape reflète son humeur, soit son irresponsabilité et son étourderie. Cette comédie explique également le rôle important que joue le frère aîné : introduit dans le premier tableau comme l’image inverse de l’enfant prodigue, il offre à l’observateur un contre-exemple positif en regard des excès honteux de son jeune frère. Par ailleurs, le dialogue dans El hijo pródigo de Lope présente la vieille dans le tableau de Murillo de l’enfant prodigue chassé comme un personnage-clé au niveau de la représentation symbolique de son « desengaño », soit son éveil à la vanité des plaisirs éphémères de la vie. Plus importante encore est l’interprétation offerte dans le scénario de Lope du tableau de l’enfant prodigue festoyant : en effet, il définit la courtisane comme l’incarnation des plaisirs de la chair, le vin une potion pour oublier et le péché de l’enfant prodigue sa perte de contrôle sur les cinq sens qui lui viennent de Dieu. L’étroite similarité entre la composition de Murillo et la scène de Lope laisse croire que le peintre, dans ce cas, s’est inspiré de l’oeuvre El hijo pródigo. La popularité du scénario, publié d’abord en 1604 et réimprimé à six autres reprises avant 1618, permet de conclure que Murillo avait pû facilement y avoir accès. Étant donné la censure artistique sévère qui existait alors en Espagne, la nature de la scène, qui représente l’indulgence des sens, explique que le peintre ait choisi une source espagnole plutôt qu’étrangère.
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