Résumés
Résumé
Si les Archives de folklore apparaissent officiellement en 1944, on sait cependant que la naissance d’un programme d’ethnologie du Québec s’amorce en 1937 dans le cadre du Deuxième Congrès de la langue française. À Paris, se tient le premier Congrès national de muséographie qui se déroule au même moment que l’exposition internationale de 1937 et le premier Congrès international de folklore au cours duquel Georges Henri Rivière annonce la création du Musée des arts et traditions populaires. La décennie des années 1930 est ponctuée de changements majeurs au Québec. Le contexte politique permet l’émergence d’un mouvement nationaliste dont le thème est « L’esprit français au Canada, dans notre langue, dans nos lois, dans nos moeurs ». C’est dans ce contexte que l’Université Laval devient le théâtre où se dessinent les nouveaux enjeux de la mémoire collective. Tout est une question de point de vue. Les ethnologues et muséologues européens croient que les objets, même les plus singuliers, témoignent de la mémoire collective. Les premiers folkloristes et ethnologues québécois, avec Luc Lacourcière en tête, sont persuadés que la mémoire de la culture française en Amérique se trouve plutôt dans les contes, les légendes, les chansons traditionnelles et les traditions populaires héritées de la France d’Ancien régime. C’est pourquoi, ils emprunteront la voie du patrimoine immatériel. Pour eux, il devient urgent de collecter ce patrimoine de tradition orale qui disparaît. Alors que l’ethnologie est en voie de devenir une véritable discipline scientifique, l’Université se désintéresse de ses collections ethnologiques et abandonne ses musées pour se lancer dans la collecte des arts et traditions populaires des francophones en Amérique du Nord. On verra donc comment, entre 1937 et 1945, les nouvelles perspectives du folklore et de l’ethnologie transforment la muséologie québécoise. On verra par ailleurs comment ces transformations se répercutent comme l’écho du baby-boom cinquante ans plus tard. Cette quête identitaire qui anime les folkloristes de même que les muséologues québécois et européens prend des orientations différentes. Objets matériels et immatériels participent alors à la construction d’une nouvelle mémoire collective. L’histoire des collections permet notamment de mettre en lumière cette quête de la mémoire collective des communautés francophones en Amérique du Nord. Je tenterai de démontrer les liens étroits qui existent entre le nationalisme et le folklore.
Abstract
Although the Archives de Folklore didn’t officially appear until 1944, we know that the creation of an ethnology programme in Québec began with the second Congrès de la langue française in 1937. In Paris, the first national museography conference was held in 1937 at the same time as the World’s Fair and also the first international folklore conference, during which Georges Henri Rivière announced the creation of the Musée des arts et traditions populaires. In Québec, the 1930s were a decade of major changes. The political climate favoured the birth of a nationalist movement whose theme was « a French spirit (esprit français) through our language, our laws, our way of life ». This is the context in which Laval University became the scene for a new interpretation of the collective memory. While European ethnologists and museologists believed that even the most singular objects represented the collective memory, Québécois folklorists and ethnologists, led by Luc Lacourcière, held the point of view that French culture in North America was preserved in the folktales, legends, folksongs and other traditions inherited from pre-revolutionary France. This is why they concentrated on intangible culture, believing it was urgent to collect disappearing traditions. At a time when ethnology was coming into its own as a discipline, the University chose to neglect its ethnological collections and abandon its museums in order to collect the French folk traditions of North America. This article shows how the new perspectives of folklore and ethnology transformed Québec museology between 1937 and 1945. We will also show how these transformations resonated fifty years later as an echo of the baby boom, where a search for identity inspired folklorists and museologists in different ways in Québec and Europe. In each case, material and intangible objects were used to construct a new collective memory. A look at the history of collections will shed light on the search for the collective memory of francophone communities in North America. The article will also explore the close ties that link nationalism and folklore.