Corps de l’article

Un coup de semonce manqué

Voulant manifestement instruire, Laurent Mottron publie un livre virulent sur L’intervention précoce pour enfants autistes, un sujet de prédilection pour lui. Le sous-titre en révèle la substance : Nouveaux principes pour soutenir une autre intelligence. Nouveaux, certes, les principes de Dr Mottron le sont; mais ils se révèlent surtout réactionnaires et finalement se positionnent à des années-lumière des pratiques actuelles, dans le traitement de l’autisme. Or ces pratiques sont soutenues par la recherche et avérées par l’expérience (Wong, Odom, & Hume et al., 2015).

Avec cette publication, Laurent Mottron revient à la charge et martèle la même idée : leur intelligence sauve les autistes. Son premier livre, L’autisme, une autre intelligence, jetait un pavé dans la mare. Il prétendait que l’autisme cache une autre forme d’intelligence, autre que celle des « non-autistes » (concept propre à Dr Mottron). Cet ouvrage, critiqué sévèrement (Sénéchal, Roger, Giroux et Larivée, 2007), fut en réalité peu remarqué, par exemple dans la littérature francophone; et moins encore dans l’univers de la littérature anglo-saxonne/américaine, sur l’autisme. Ainsi, il n’est cité que brièvement, une seule fois, pour quelques lignes, dans les quelque 700 pages de texte de la 4e édition de la « somme psychologique » de Dumas (2013) sur les troubles de l’enfance, une référence incontournable. Les grands manuels de psychopathologie infantile dont celui de Mash et Barkley (2014) et celui de Kerig, Ludlow et Wenar (2012), mis à jour et réédités à répétition, l’ignorent complètement. La légende de « l’autre intelligence » ne passe pas. L’ouvrage de Mottron tentait d’imposer une vision idéologisée de la condition autistique, basée sur l’exaltation de l’intelligence chez l’autiste sans déficience, négligeant du coup l’énorme réalité de l’autisme comme entrave et sa nature réfractaire. Bilan de ce coup de gueule : l’encyclopédie électronique de Volkmar (Encyclopedia of Autism Spectrum Disorders, publiée en 2013, ne dira pas un mot de « cette intelligence différente » et limitera la contribution de Mottron et ses collaborateurs à des sujets de recherche pointus ou secondaires tels « global Versus Local Processing », « Interests, Circumscribed/All Absorbing », etc.

La théorie de « l’autre intelligence » refait surface maintenant avec ce nouveau livre qui désavoue avec acharnement l’ICI courante (ou l’ICIP : l’intervention comportementale intensive précoce). Dans ce brûlot, Laurent Mottron affirme péremptoirement :

« je tire de la littérature la conclusion générale qu’aucune technique n’altère le cours de la condition autistique »

p. 13

Et il ajoute :

« aucune nouveauté significative n’est apparue en contenu d’intervention [ICIP] depuis une bonne dizaine d’années »

p. 12

Des centaines de publications (livres, articles, sites WEB, thèses) accumulées en ICIP ne contiendraient rien de nouveau… que des redites. Étonnant. Les milliers de Plans d’intervention ICI conçus pour autant d’enfants n’auraient rien donné. En somme, tout ce qu’on fait depuis 13 ans au Québec, 16 ans en Ontario, de 5 à 10 ans dans les autres provinces, 40 ans aux États-Unis, autant en Angleterre, à coup de dizaines de millions, n’a rien changé pour le mieux. Cette surprenante affirmation ignore une littérature probante qui soutient l’ICI, une littérature issue de la communauté scientifique et académique nord-américaine et européenne, même une littérature médicale, discipline de rattachement de Laurent Mottron, qui atteste des effets extraordinaires à long terme de l’ICI (par exemple, Pickles, Le Courteur, & Leadbitter et al., dans la prestigieuse revue The Lancet, en novembre 2016).

Le modèle Mottron

Quoi faire avec ces jeunes enfants atteints de ce mal étrange, l’autisme? Mottron procède d’abord à une évacuation en règle de l’ICI tel que pratiquée dans nos institutions. La moitié du livre au moins s’attache à décrier l’intervention comportementale intensive précoce actuelle, bien qu’elle soit fondée sur 50 ans de recherche et de pratique éducative et clinique, et avalisée par les usages courants. C’est, dira-t-il, une approche inspirée de la psychologie animale, qu’il juge abjecte, et contre laquelle il s’insurge avec véhémence. L’autre moitié du livre tente de charmer le lecteur avec une nouvelle théorie et des principes insolites. Exsangues dans leur substance, ces principes et propositions sont livrés dans un hermétisme conceptuel étouffant.

Ainsi, alors qu’on martèle d’un bout à l’autre de l’ouvrage que les autistes ne sont que différents, Mottron introduit au chapitre 4 sa méthode avec l’idée étonnante que cette différence appelle un traitement … identique ou presque, que celui pour les neurotypiques : « on doit appliquer à l’enfant autiste des principes éducatifs identiques (notre souligné) à ceux de l’enfant qui ne l’est pas » (p.138).

Les neuf « principes » (sic) de la méthode Mottron sont :1. Les postulats éducatifs sont les mêmes en autisme qu’en éducation courante; 2. Détecter l’intelligence; 3. L’éducation doit être fondée sur les forces et les intérêts restreints; 4. Montrer avant de dire; 5. Rôle de l’exploration spontanée et de l’activité solitaire; 6. La tutelle latérale; 7. La boucle de retombée; 8. Favoriser la socialisation autistique; 9. Les comportements problématiques.

Outre qu’ils s’avèrent maigres dans leur formulation, et anémiques dans leur contenus, sentant l’improvisation forcée, flous à s’en désoler, pour une prise en charge de l’autisme, ce redoutable fléau, les principes de Mottron tombent à plat, portés par une grande naîveté. Laurent Mottron rêve éveillé. Qu’exigerait en effet, en cette matière, la science dont Mottron se réclame? Gina Green (2016), une sommité en analyse appliquée du comportement, rappelle que…

  • Science uses specific, time-honored tools to put hunches or hypotheses to logical and empirical tests.

  • Some of those tools include operational definitions of the phenomena of interest;

  • direct, accurate, reliable, and objective measurement;

  • controlled experiments;

  • reliance on objective data for drawing conclusions and making predictions; and independent verification of effects.

Aucun de ces critères n’est respecté par Mottron. Il n’y a pas de validation empirique de sa théorie. Aucune mesure objective. Aucune expérimentation contrôlée et dûment rapportée (avec des variables bien définies, une assignation aléatoire des sujets aux groupes, la double insu, etc.). Rien. Mottron distille le savoir à partir de ses intuitions. Aucun résultat nommément identifié, chiffré, opérationnellement libellé en appui à ces provisions de stimulation. Aucune analyse statistique. Rien. Comment croire que nous sommes-nous en présence d’une démarche scientifique?

Selon Green (2016), la pseudo-science se maquille en science quand….

  • Pseudoscience tries to lend credibility to beliefs, speculations, and untested assumptions by making them appear scientific — for example,

    1. by using scientific jargon,

    2. endorsements from individuals with ‘‘scientific” credentials,

    3. perhaps even some numbers or graphs.

  • But instead of objective measurements from well-controlled experiments, pseudoscientists offer testimonials, anecdotes, and unverified personal reports to back up their claims.

C’est le cas de l’ouvrage du Dr Mottron. Par exemple, l’auteur affirme, sans citer ses sources, que :

  • « les neurosciences révèlent que de nombreux aspects de la compétence sociale [chez l’enfant autiste] sont en fait intacts, mais s’expriment de manière différente » (p. 36); et en dernière instance, il cite ses propres travaux ou ceux de ses collaborateurs pour « démontrer » son point…

  • « Il existe toute une littérature sur la possibilité pour les autistes d’apprendre sans renforcements et sans fragmentation des contenus, essentiellement par observation, avec peu d’essais et d’erreurs, peu de renforcement social » (p.133).

  • « Il n’y a que les autistes adultes pour indiquer que les comportements atypiques de l’enfant puissent correspondre à un intérêt plutôt qu’à un comportement parasite (…) » (p. 182).

Où sont les sources qui soutiennent ces affirmations contraires à l’expérience vécue? Par exemple, d’où vient cette lubie de penser que les autistes adultes ont un 6e sens pour « lire » le comportement des enfants autistes? On sait pertinemment que les autistes adultes de type Kanner sans DI et les TED-NS ont des déficiences majeures dans la compréhension de leur état et que leur anosognosie est très élevée. Quant aux parents Aspergers, logés au bout du spectre, ils n’hésitent pas à soumettre leurs enfants TSA à l’ICI conventionnel. Mottron veut-il entretenir ici la vénération de ses collaborateurs autistes en leur attribuant des pouvoirs spéciaux? Foutaise.

Le livre est truffé d’énormités sans parler des platitudes, nombreuses elles aussi, qui jalonnent le livre, telles :

  • « La socialisation de l’enfant autiste est différente de la socialisation non-autiste » (p. 38).

  • « les autistes ont une socialisation profonde, normale jusqu’à preuve du contraire » (p. 41). Qui l’eut-crû? Du charabia, des concepts patentés tels « l’idéologie normocentrique des humains » (vous connaissez, lecteur?) - il n’y aurait pas de normalité? Posons la question aux nouveaux parents : vous avez un bébé : attendez-vous certains développements, certains comportements? Pensez-vous qu’il existe une façon, de s’éveiller, de grandir, d’entrer dans la vie? Une façon normale, attendue, désirable, meilleure que d’autres?

  • « Définir le chat par son incompétence à nager est un point de vue légitime pour le chien, mais manque sa capacité de grimper aux arbres – le chien s’en rendra compte, trop tard, en poursuivant le chat… » (p. 37) (vous saisissez, lecteur? – avez-vous fait un essai de grimper vous-même?).

  • « Le pronostic adaptatif mesuré par les critères neurotypiques est donc en moyenne mauvais, mais peut aller de bon à effroyable » (p. 43);

  • « pour ce qui est de l’empathie et des valeurs morales, les autistes sont généralement altruistes » (p. 41);

  • « en somme, pour les autistes, les humains sont les humains » (p. 42);

  • « l’autisme, même à son niveau le plus élevé, contient intrinsèquement la possibilité d’apprentissage et d’accès à la culture » (p. 46);

  • « L’incapacité de grimper aux arbres n’indique pas que le chien est plus bête que le chat, un zèbre est difficilement définissable comme un cheval porteur d’une maladie de la peau » (p.79). Évident, non?

  • « (…) un enfant autiste laissé à lui-même ne développe pas d’autonomie et n’accroît pas son niveau d’adaptation. Ce raisonnement m’apparaît faux » (p. 110).

  • « L’enfant autiste accepte ce qui lui est demandé avec la même bonne ou mauvaise volonté qu’un enfant typique » (p. 134);

Des formules alambiquées, des potions imbuvables. Et surtout des démonstrations ineffables débouchant sur des conclusions à réveiller les morts telles :

  • « Les comportements répétitifs (…), leur hétérogénéité, et surtout leur richesse potentielle, interdisent (qu’on) les supprime » (p. 29);

  • « de nombreux comportements répétitifs sont en fait adaptatifs et ne doivent pas d’êtres ciblés par l’intervention » (p.94);

  • « l’ambition de faire disparaître les comportements problématiques [tels qu’agresser, détruire, s’automutiler] ne se justifie pas » (p. 51). « De nombreux comportements sont supprimés parce qu’ils indiquent que la personne est autiste et non pour leur nuisance à l’adaptation » (p. 98) De la science, ça?

Le livre de Laurent Mottron n’est pas crédible. Sa perspective est biaisée, étriquée, fausse. L’intelligence ne sauve pas les autistes; sans le mécanisme régulateur des émotions, sorte d’amortisseur automatique et essentiel, elle surchauffe. L’anxiété rentre à flot. L’hypothèque adaptative est inexorable.

Une perspective réaliste

L’autisme, ennemi ou ami?

L’autisme est un dérèglement du fonctionnement psychique. Il est permanent, mais altérable. Il entraîne des troubles dans les domaines de la communication et de la socialisation ainsi que des intérêts restreints ou des comportements répétitifs (World Health Organization, 1994). Il génère aussi des qualités et des forces. Il est le siège de talents, parfois exceptionnels (mais rares) : les syndromes savants. Et autres pics d’habiletés, de toutes sortes. Il n’est pas guérissable, mais il est traitable par diverses mesures issues surtout de l’analyse appliquée du comportement.

Les comorbidités qui entrent dans le cortège autistique et collent aux profils de la condition sont nombreuses, aggravantes. Elles affectent parfois sélectivement les périodes de la vie, elles peuvent aussi devenir migratoires. On note ici le TDAH (trouble de l’attention), les sélectivités alimentaires les troubles du sommeil, les troubles du contact visuel, les troubles anxieux, les troubles de l’humeur (dont des colères), les troubles oppositionnels, les ruminations et troubles obsessifs-compulsifs, les rigidités, le pica, les tics, les maniérismes, les phobies, l’auto-stimulation et l’automutilation, ,les troubles du langage oral et écrit et les troubles des apprentissages (la lecture, l’écriture), les défenses et vulnérabilités sensorielles, les troubles relationnels, les troubles de l’autonomie et de l’efficience exécutive, les troubles de la motricité, , les troubles de la mémoire (la mémoire ineffaçable, la mémoire encyclopédique), les troubles de l’attachement, etc. D’autres comorbidités, plus graves, mènent aux dérives psychiatriques.

L’autisme, un défi pluriel

Le trouble du spectre autistique (TSA) agit comme une force opaque, une lame de fond développementale. Malgré ses aspects fascinants, l’autisme reste un dérèglement grave à géométrie variable car il altère la qualité de la vie en permanence. Il agit comme un intermédiaire hostile ou capricieux entre l’individu atteint et son milieu. Tout transite par ce tiers acteur. Il travestit le commerce de la personne avec l’environnement et peut puissamment l’entraver. Les écoles, les centres de réadaptation, les garderies, les familles surtout font face à ce défi. Les personnes atteintes elles-mêmes, au premier titre, composent avec un tiers omnipotent. Et les familles encore davantage et parfois à un degré insupportable. Des formes sévères d’autisme aliènent certains des individus atteints; leur comportement devient aberrant. Observés en regard des lois de l’apprentissage, le fonctionnement de ces personnes emprunte des routes tortueuses, pleines d’impasses. Comparées aux mécanismes courants du développement, ces voies restent dérogatoires.

Les expériences de vie des individus du spectre autistique sont mal harnachées. Elles obéissent à une dynamique réfractaire, qu’impose leur condition. Le handicap surtout social trahit une organisation psychique atypique prompte à exposer ses caprices. Or des formes hybrides de la condition se jouent des tentatives d’explication et donnent une apparence d’accomplissement. Ainsi, le syndrome savant chez certains individus de haut ou de bas niveau cognitif, syndrome révélé et étudié avec fascination, phénomène obnubilant qui confirme l’existence d’interfaces perceptuelles et cognitives capables de performances inouïes, mais très captives et dédiées, par exemple en mémoire de calendrier, calcul mental, musique, dessin, sculpture, langues, etc. Ces interfaces de calibre supérieur que possèdent des personnes sur le spectre se superposent parfois à des répertoires pratico-pratiques dysfonctionnels. Ce sont des géants aux pieds d’argile. L’un parle 15 langues, mais ne peut attacher les lacets de ses souliers ou traverser la rue sans aide. D’un point de vue épistémologique, il y a de quoi vaciller. Mais le comble du mystère est atteint à un autre niveau : bien que peu décodé à ce jour, réfractaire aux interprétations, l’autisme est néanmoins une condition transformable en partie.

L’existence d’un continuum autistique couvrant des gradients et les configurations hétérogènes d’une entité foncière, homogène et unique domine le courant actuel de pensée en sciences thérapeutiques et éducatives. Ce spectre est au confluent de la neurotypie (la normalité) et de la déviance. Il participe de l’un et de l’autre. Or les formulations du phénomène de ces psychismes différenciés regorgent d’ambigüité. Les nomenclatures sont boiteuses. Elles attendent des conceptualisations plus articulées. On escompte qu’elles déboucheront sur une théorie unifiée de l’autisme. L’exigence est que cette théorie soit apte à en expliquer les manifestations plurielles, ainsi qu’à énoncer l’algorithme commun. Les construits explicatifs, à commencer par celui de spectre de l’autisme, laissent des zones d’ombre. Certains ont cru déceler dans l’autisme une nouvelle forme d’intelligence, annonçant pour d’autres une race de quasi-mutants. C’est de voir la réalité dans le prisme de la fascination naïve, d’où méprise et mystification. La révision du DSM (sa version 5) n’a pas placé l’ensemble des physionomies de la condition sous un jour cohérent. Une erreur grossière, pour n’en relever qu’une, est d’avoir évacué l’appellation de « syndrome d’Asperger », une incontournable réalité sociologique et clinique.

Nonobstant l’indigence des descriptions courantes, pour la première fois de son histoire nosologique, l’autisme se voit reconnaître un caractère propre. Psychose et retard mental en sont enfin dissociés. Là-dessus, Mottron a un certain mérite. On affirme, du moins à un certain degré, qu’il y a perspective pronostique de rémissibilité.

La fin de l’époque Bettelheim, avec sa mort en début des années 90, cet auteur de La forteresse vide, l’homme fort de la notion de mère-frigidaire, ce psychanalyste patenté et imposteur notoire (Wikipedia, 2016) a sonné malgré lui la libération de l’autisme (Pollak, 1997). Le tournant pris vers les années ‘80 change en effet la direction du départ pour les autistes, antérieurement regroupés avec la psychose infantile et le retard mental. Commence alors la lente appropriation de l’autisme par les sciences médicale et psychologique. Dès lors, l’action sanitaire et éducative situe sa prise en charge dans les paramètres de la science, de l’entreprise de soins et du projet éducatif, plutôt que de l’introspection analytique, de la psychothérapie des profondeurs et de l’arbitraire freudien ou lacanien. Ce sera long et douloureux de sortir de ce trou. Sur trois décennies, les années ‘80, ‘90 et 2000, un tel investissement modifie lentement le panorama sociologique de la condition. Ainsi, la professionnalisation des soins met fin aux pratiques d’institutionnalisation. Lentement, les représentations du trouble changent. Bien sûr, on renonce à inculper les mères tellement l’énormité de cette croyance frappe. La théorie de leur froideur affective, présumée responsable de l’autisme est donc écartée, reconnue vicieuse, injuste et fausse. L’attitude d’apparent détachement de certaines mères s’avère n’être que réactionnelle à l’absence de réciprocité. Cette volte-face paradigmatique ouvre la voie à la recherche et à la mise à l’essai de traitements empiriques, à données probantes.

Les profils de l’autisme, visages du TSA

L’autisme est foncier puis spectral. Il se décline en quatre profils successifs, de sévérité décroissante, chevauchant une trame développementale unique : l’autisme de Kanner avec déficience intellectuelle, l’autisme de Kanner sans déficience intellectuelle, l’autisme atypique (le TED-NS) et enfin le syndrome d’Asperger. Bien que les recherches sur le cerveau autistique fassent des avancées régulières, pour l’instant le spectre autistique englobe de disparates entités et constitue un regroupement mal dégrossi. Ainsi, l’Asperger est en quelque sorte un autiste manqué, un échappé de la captivité autistique. Il y a des Asperger « pur sang » et des Aspergers « bouture TED-NS ou Kanner sans Di. Le TED-NS, apparaît être un Asperger mitigé. Mais la catégorie TED-NS est imprécise et révèle toute l’indigence de la nomenclature psychiatrique : sa propriété est d’admettre des atypies autistoïdes et aspergoïdes variables, presque sans limite. En somme, le phénomène du spectre autistique comporte une multiplicité de formes et de degrés de sévérité. Leur base commune n’est pas claire, si ce n’est qu’ils participent à une condition marquée de fracture sociale, de brouillage de communication et de dislocations cognitives, en plus d’un cortège de difficultés et de comorbidités associées.

L’autisme : neuro-diversité ou tragédie?

L’autisme n’a pas de visage, il ne se représente pas nettement. Cependant il est connu, identifié et repérable. Typiquement, c’est une force tapie dans l’ombre de la vie naissante, telle une énergie ombrageuse venue s’installer dans le développement pour le compromettre. À voir ses effets, on sait qu’elle oeuvre à dominer ce développement, le contraindre, en altérer son parcours. L’autisme pénètre de plus en plus dans la vie humaine et devient un fait troublant : la prévalence change à vue d’oeil : 1 sur 150 en 2000, 1 sur 110 en 2016, 1 sur 68 en 2012 (CDC, 2014); vers quoi allons-nous?

Pour révéler l’autisme, pour l’interpeler, rien de tel qu’une scène de maternité que le lecteur est invité à imaginer : un enfant dans le sein maternel, le big bang de toute vie. Sait-on ce que cet enfant deviendra? Ce qu’il sera une fois sorti et déployé? Son sexe est connu, derrière la paroi. Quelques caractéristiques aussi, mais côté personnalité, rien. La surprise est entière. Mirage d’harmonie, promesse ou autre chose? Sera-t-il normal ou sera-t-il modifié, ce petit d’homme? Sera-t-il différent tout en étant semblable? Sera-t-il autiste? Conçoit-on qu’on dise à ces parents : « il sera porteur de neuro-diversité ». Conçoit-on qu’on leur dise : il sera sur un spectre : l’autisme. Une panique folle s’emparerait d’eux, aussitôt. L’autisme serait une manifestation de la neuro-diversité humaine. Laquelle transformerait lentement l’humanité, vers une autre forme. Une étape post-humanoïde, un épisode de la grande chaîne de l’évolution. L’on voudrait ne voir dans l’autisme qu’un maillon prometteur qui annonce des états de conscience supérieurs, nouveaux, avancés : en somme, une autre intelligence. Les états chaotiques d’aujourd’hui seraient passagers, une gestation, car étape obligée d’une mystérieuse et prometteuse mutation.

L’enfant que la femme enceinte porte est peut-être autistoïde, forme courante de la condition, mutant en somme. Toute femme ne sait pas ce qu’elle porte, qui elle enfantera. Elle l’apprendra après. Mais l’espoir qui vibre en elle est celui d’une vie démultipliée de potentialités, pas une vie d’entraves.

Or le foetus, cette naissance a le pouvoir de changer la vie, sa vie, la vie du bébé, changer la vie des autres enfant, et leur vie commune aussi. En refusant la vie ordinaire et le gabarit traditionnel, cette naissance autitoïde annonce aussi un drame. Des yeux qui ne regarderont pas les yeux de la maman. Des mains, des bras qui ne se tendront pas. Une étreinte morte-née. Suivie de recouvrements partiels et mitigés. Une vie plombée de contingences. Un développement en dents-de-scie, des tourments innombrables.

À la sortie de l’enfant du sein maternel, demain, s’il est autiste, ce seront des Troubles. Multiples. Celui de l’attachement : perdu. Celui du rire : perdu. Des pleurs inexplicables, des crises. Celui de l’interface allumée avec le monde : perdue, maladive. Le sommeil : perturbé. L’alimentation : ravagée aussi, pique-assiette. Cris, douleurs. Rigidités, obsessions, hébétude. Enfermements. Rupture ou quasi-rupture. Neuro-diversité, peut-être, mais éclatée, dramatique, rarement joyeuse. L’autisme de l’enfant mettra peut-être en échec les mouvances d’amour de ses parents, étouffera l’étreinte maternelle. Il entravera puissamment l’expression de la vie naissante. Il tuera des espoirs.

Ravissons-lui l’âme des enfants à naître, restaurons les vies qu’il emprisonne. Traitons l’autisme. La méthode Mottron est un anti-traitement. Traitons, au contraire, par l’analyse appliquée du comportement, sous toutes ses formes : de l’ICI à la psychothérapie, en passant par les contrats de contingence et l’éventail des mesures ponctuelles basées sur les théories de l’apprentissage issues du conditionnement opérant et classique. Aujourd’hui quelque 12 universités offrent des doctorats et quelque 20, des maîtrises en analyse du comportement (https://www.abainternational.org/accreditation/accredited-programs.aspx). Et cela, en plus des dizaines d’institutions à travers autant de pays qui reconnaissent des provisions en vue de la certification BCBA en analyse appliquée du comportement (http://www.bacb.com/index.php?page=100358. La ressource est considérable et elle est fiable, solidement établie, irréversible.