Recensions

L’impérialisme, passé et présent : un essai, de Samir Saul, Paris, Les Indes Savantes, 2023, 288 p.[Notice]

  • Omer Moussaly

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  • Omer Moussaly
    Département de science politique, Université du Québec à Montréal
    Chaire UNESCO d’études des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique
    moussaly.omer@gmail.com

Le récent livre de Samir Saul arrive à point dans un contexte de croissance des inégalités économiques et militaires entre les nations. La différence de puissance entre États est une constante historique qui remonte aux premiers grands empires du Moyen-Orient, de l’Inde et de la Chine. L’ouvrage de Saul débute en soulignant cette constante historique tout en notant qu’il existe des différences significatives dans les formes que prendra l’impérialisme à travers les âges. D’après lui, le rôle de l’historien critique dépasse celui de simple chroniqueur sans tomber dans l’extrême de la spéculation théorique pure qui cherche à tout ramener à un principe premier capable de tout expliquer. En fait, l’auteur réussit à jumeler une vaste érudition à une fine connaissance des théories de l’impérialisme développées à différentes époques historiques. Des intuitions brillantes d’Ibn Khaldoun, historien arabo-musulman du XIVe siècle, à l’examen du rapport entre puissance militaire et prospérité économique entrepris par le marxiste David Harvey au XXIe siècle, Saul recense méticuleusement les grands paradigmes de la théorisation sur l’impérialisme. De plus, il n’alourdit pas l’ouvrage avec un appareillage de notes compliquées qui nuisent parfois à la bonne compréhension d’un livre de ce type. Le lecteur généraliste tout autant que le spécialiste de la question de l’impérialisme y trouveront de nombreuses analyses pertinentes permettant de nourrir leurs propres réflexions et recherches. De plus, le livre est très bien organisé dans sa forme. Tout en ne prétendant pas avoir proféré le dernier mot sur la question de l’impérialisme, Saul a pris la peine d’organiser de manière systématique les grands thèmes et les différentes périodes historiques. Divisé en quatre grandes parties, dont chacune comporte un nombre à peu près égal de chapitres, le livre est d’une clarté exemplaire et très agréable à lire. On ne se perd pas dans les dédales d’un argumentaire confus, comme cela arrive parfois lorsqu’un auteur tente d’analyser un phénomène aussi vaste et complexe que celui de l’impérialisme. Il y a une progression historique et théorique d’un chapitre à l’autre qui donne au lecteur le goût d’aller jusqu’au bout de l’ouvrage. En particulier, à la fin de chaque section importante du livre il y a un court chapitre intitulé « Rétrospective et perspective ». Dans ce chapitre-résumé, Saul prend la peine de revenir sur ce qui est, selon lui, le plus fondamental à retenir historiquement et théoriquement. Par exemple, à la fin de la section sur la « Préhistoire de l’impérialisme », il revient sur ses explications de la formation des premiers empires de l’Antiquité. Il souligne aussi les aspects spécifiques de la coercition de l’impérialisme que l’Ancien Monde transmet aux formes modernes d’impérialisme. Il ouvre sur la prochaine section en indiquant au lecteur les grandes lignes du développement à venir. Même si, selon l’auteur, il n’y a pas de progression linéaire ou purement théorique du phénomène impérialiste à travers l’histoire, on peut et on doit faire plus que constater les faits historiques. Saul est très conscient des transformations économiques qualitatives, des avancées technologiques et militaires, etc. qui viennent modifier les façons qu’une entité politique peut s’organiser pour s’imposer sur d’autres formations sociales. S’il ne se limite nullement à une analyse exclusivement marxiste de l’histoire, on perçoit néanmoins sa dette intellectuelle envers cette tradition. D’ailleurs, Saul reconnaît volontiers que la tradition marxiste est l’une des plus riches, surtout en ce qui concerne l’analyse de l’impérialisme. Il dédie même une sous-section de son ouvrage à la contribution des penseurs classiques de l’impérialisme dans la tradition marxiste (Hilferding, Luxemburg, Boukharine et Lénine). Il souligne aussi l’importance de cette tradition pour le développement de la théorisation de l’impérialisme chez des …