Recensions

Varieties of Nationalism: Communities, Narratives, Identities, de Harris Mylonas et Maya Tudor, Cambridge, Cambridge University Press, 2023, 83 p.[Notice]

  • Katerina Sviderska

…plus d’informations

« Le nationalisme est l’idéologie politique la plus puissante des temps modernes » (p. 1). D’est en ouest, du nord au sud, on a observé l’émergence, voire la résurgence de divers nationalismes, chacun investi d’un sens qui lui est propre et unique. La pandémie de COVID‑19 a démontré la connectivité entre États-nations tout en solidifiant les frontières physiques et symboliques entre ces mêmes entités. L’invasion russe de l’Ukraine a remis sur la table le nationalisme comme moteur d’agression mais aussi comme force de résistance, le drapeau bleu et jaune s’affichant dans le monde entier. Autant en théorie qu’en pratique, la pertinence de ce concept est donc aujourd’hui indéniable, d’où le besoin d’un cadre pour son étude. Dans cet ouvrage court mais indispensable, Harris Mylonas et Maya Tudor offrent un guide organisé en sept chapitres pour l’étude comparative des conséquences du nationalisme, réfléchissant à l’expérience unique de chaque pays tout en permettant des comparaisons plus générales entre les différentes variétés de ce concept et phénomène. Partant du constat selon lequel les études sur le nationalisme manquent de clarté conceptuelle malgré la persistance durable des nationalismes dans le monde, ils se posent trois questions clés, autour desquelles ils développent la structure du livre : 1) La nation existe-t-elle ? 2) Comment les récits nationaux varient-ils ? 3) Quand les récits nationaux deviennent-ils importants ? Les réponses proposées à ces questions s’articulent autour de cinq dimensions selon lesquelles le nationalisme peut varier : fragmentation de l’élite et fragmentation populaire des communautés nationales ; « ascriptivité » (ascriptiveness) et épaisseur des récits nationaux ; et saillance des identités nationales. Mylonas et Tudor ouvrent leur livre en proposant un état de l’art, revenant sur une littérature très riche en la matière. Les deux premiers chapitres font donc un tour d’horizon du domaine d’étude, identifiant les principales lacunes et mettant de l’avant les principales définitions et conceptions de la nation et du nationalisme, rappelant entre autres les écrits des penseurs et auteurs piliers du champ tels que Johann Gottfried Herder (1772), Ernest Renan (1882), Clifford Geertz (1963), Ernest Gellner (1983), Benedict Anderson (1983), Eric Hobsbawm et Terence Ranger (1983), Anthony Smith (1986) et Rogers Brubaker (1996). Ces sections apparaissent comme fondamentales car elles offrent une synthèse à un lecteur moins aguerri, le mettant à niveau et justifiant alors la pertinence même de l’objet. Les auteurs entament par la suite une discussion approfondie portant sur les questions identifiées plus haut. Le chapitre 3 s’interroge sur l’existence même d’une nation, basée sur le degré la cohésion nationale au niveau des élites ou du peuple. Ils traitent donc du degré d’accord sur la définition de la nation entre les principales élites politiques, d’une part, ou de la population et des membres d’un mouvement national apatride, d’autre part. En présentant les fragmentations des élites et du peuple comme des axes sur lesquels fluctuent les nationalismes, Mylonas et Tudor rappellent que ces variations donnent lieu à des conséquences différentes. En prenant les exemples des États-Unis et de la France du XIXe siècle, puis de l’Inde et du Pakistan postcoloniaux, ils concluent que les degrés de fragmentation des élites ont eu des répercussions sur la stabilité des régimes postindépendance, la capacité de l’État et la démocratie de manière générale et peuvent aussi expliquer divers autres résultats politiques tels que la capacité fiscale ou la prestation de biens publics. Le chapitre 4, répondant à la question de la variation des récits nationaux, présente les deux axes sur lesquels ces derniers peuvent fluctuer : selon leur degré d’« ascriptivité » (ascriptiveness) et « d’épaisseur » (thickness). Le …