FR :
Des « héros » et des « anges gardiens ». Au cours des premières semaines de la pandémie de COVID‑19 au Québec, ces termes ont été largement utilisés par les autorités gouvernementales pour qualifier le personnel de la santé . Face à la nouveauté et aux risques encore inconnus du virus, le discours officiel à l’égard des « anges gardiens » et des « héros » s’inscrit alors dans une rhétorique martiale afin de reconnaître les efforts du personnel de la santé et l’encourager à oeuvrer en première ligne. Sur le terrain, les travailleur·euses de la santé ne vivent toutefois pas l’urgence sanitaire de la même manière. Les personnes occupant les emplois au bas de la hiérarchie du réseau de la santé, comme les préposé·es aux bénéficiaires (PAB), sont plus exposées aux risques du virus, notamment en raison de manque d’équipement de protection. Un tel contexte nous mène à nous questionner sur la place accordée aux préposé·es aux bénéficiaires par les instances gouvernementales dans leurs discours élogieux à l’égard des « anges gardiens » et des « héros ». Notre étude vise à mettre en lumière l’articulation entre ces métaphores et la rhétorique guerrière mobilisée par les autorités gouvernementales. Nous avons réalisé une analyse qualitative thématique des conférences de presse quotidiennes du gouvernement et de l’Institut national de santé publique du Québec pendant les quatre premières semaines de la pandémie. Nos résultats indiquent que les métaphores d’« ange gardien » et de « héros » sont des constructions politiques qui se structurent autour d’une rhétorique martiale stratégiquement déployée par le gouvernement du Québec pour communiquer l’urgence de la crise sanitaire, laquelle contribue à reproduire les inégalités de classe et de genre au sein du personnel de soin. S’inscrivant dans un contexte social où les inégalités existaient bien avant la pandémie du COVID‑19, l’urgence sanitaire a exacerbé les inégalités professionnelles, alors que les personnes occupant les postes au bas de l’échelle hiérarchique, comme les PAB, ont été les plus affectées.
EN :
“Heroes” and “guardian angels” were the expressions used by government authorities to describe healthcare personnel during the COVID‑19 pandemic in Quebec. Faced with the novelty and unknown risks of the virus at the time, official discourse on “guardian angels” and “heroes” was intertwined with martial rhetoric to recognize healthcare personnel’s efforts and encourage them to continue working as front liners. However, the pandemic emergency was not experienced the same way among health workers. Those at the lower end of the healthcare hierarchy, such as orderlies, were more exposed to the risks of the virus, notably due to shortage of protective equipment. That context leads us to question the place given to orderlies by government authorities in their glowing discourse around “guardian angels” and “heroes.” Our study aims to shed light on the relation between these metaphors and the war rhetoric mobilized by government authorities. We conducted a thematic qualitative analysis of daily press conferences held by the government and the Institut national de santé publique du Québec, focusing on the first four weeks of the pandemic. Our results indicate that the “guardian angel” and “hero” metaphors are political constructs built around a war rhetoric strategically deployed by the Quebec government to communicate the urgency of the pandemic, leading to the reproduction of class and gender inequalities among healthcare workers. Unfolding in a social context where inequalities existed long before the COVID‑19 crisis, this pandemic exacerbated inequalities among healthcare workers, with those at the lowest hierarchical ladder, such as orderlies, being most affected.