Recensions

Reactionary Democracy: How Racism and the Populist Far Right Became Mainstream, d’Aurélien Mondon et Aaron Winter, Londres, Verso Books, 2020, 217 p.[Notice]

  • Fanny Martin

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L’extrême droite, le racisme et plus récemment le populisme connaissent un attrait grandissant au sein du milieu universitaire et de l’espace public. L’ouvrage Reactionary Democracy: How Racism and the Populist Far Right Became Mainstream, écrit par le politologue Aurélien Mondon et le criminologue Aaron Winter, apporte un éclairage original et interdisciplinaire sur le processus de mainstreaming du racisme, de l’extrême droite et du populisme à partir de trois cas d’étude : les États-Unis, la France et le Royaume-Uni. Au coeur de leur argumentaire, les auteurs considèrent qu’une conception étriquée du phénomène, notamment par les analyses restreintes aux élections et aux partis politiques d’extrême droite, participe à une fausse compréhension du phénomène et à la légitimation d’idées réactionnaires au sein des sociétés libérales contemporaines. En quatre chapitres, plusieurs facettes du phénomène sont abordées afin d’élargir cette vision. Dans le premier chapitre, l’évolution du racisme illibéral est présentée via une approche historique fouillée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans cette partie, l’ensemble des pratiques du racisme illibéral sont étudiées par le biais des mouvements, des groupes et des partis politiques d’extrême droite. Dans cette idée, le racisme illibéral se restreint à sa forme marginalisée, extrémiste et individuelle (c’est-à-dire une haine explicite de l’Autre basée sur sa race). Pour Mondon et Winter, il s’agit là d’une compréhension historique du racisme qui le rattache schématiquement à cette forme illibérale via les spectres du fascisme et du nazisme. Un défaut de compréhension commun qui entraîne une frilosité à utiliser le terme dans les sociétés contemporaines et qui sert de caution antiraciste pour les sociétés dites post-raciales. Pourtant, cette forme de racisme peut constituer une composante des sociétés libérales, tel que cela a été le cas dans le passé. Pour les auteurs, cette vision erronée du phénomène a pour conséquence l’impossibilité d’apporter un regard critique sur les éventuelles pratiques et institutions racistes contemporaines. Dans leur deuxième chapitre, Mondon et Winter approfondissent cette articulation entre les racismes illibéral et libéral. D’abord, ils discutent la vision dichotomique entre ces différentes formes de racisme véhiculées dans l’espace public. Ensuite, ils avancent que les frontières peuvent être poreuses en fonction des contextes politique, social et historique des sociétés étudiées. Dans ce chapitre, le racisme libéral se définit par le rejet de l’Autre en raison de sa non-appartenance et de sa non-adhésion à la société libérale et à ses valeurs. Selon eux, du fait que le racisme libéral se défend d’être raciste, les sociétés contemporaines se concentrent sur la dénonciation de l’expression des formes de racisme illibéral. Les auteurs estiment que cette focalisation sur les pratiques racistes individuelles permet de renchérir l’idée répandue selon laquelle la montée du racisme et de l’extrême droite résulterait d’une demande populaire. En conséquence, les sociétés libérales négligent les autres formes de racisme libéral (tels le racisme systémique ou la discrimination) et participent à la normalisation du racisme. Le troisième chapitre, pour sa part, est consacré à la mise en évidence des failles du libéralisme. Ce constat permet aux auteurs de souligner la reconstruction du racisme et de l’extrême droite par le biais de la mise à l’agenda des idées réactionnaires avec la connivence, volontaire ou involontaire, des élites du courant mainstream. Selon eux, cette évolution interroge quant au respect des principes libéraux et un éventuel tournant vers l’illibéralisme. Dans l’étude du processus de mainstreaming, l’analyse des auteurs se distingue des travaux précédents du fait de l’intégration des élites politiques, médiatiques et intellectuelles au-delà des périodes électorales. Ce prisme plus large cherche à dégager la normalisation des idées d’extrême droite et des idées racistes au sein des sociétés contemporaines. Dans le quatrième …