Recensions

Brève histoire des idées au Québec 1763-1965, d’Yvan Lamonde, Montréal, Les Éditions du Boréal, 2019, 254 p.[Notice]

  • Justin Richard Dubé

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  • Justin Richard Dubé
    Doctorant en histoire, Département des sciences historiques de l’Université Laval
    judub112@ulaval.ca

Professeur émérite en littérature québécoise à l’Université McGill, Yvan Lamonde s’est notamment fait connaître pour ses grandes synthèses d’histoire intellectuelle parues entre 2000 et 2016, à savoir l’Histoire sociale des idées au Québec, 1760-1929 (2 tomes, chez Fides) et La Modernité au Québec, 1929-1965 (2 tomes, Fides et Gallimard, respectivement). D’une certaine manière, sa Brève histoire des idées au Québec 1763-1965 cherche à résumer cette imposante quadrilogie. « Les idées analysées dans cette étude concernent la société civile et la démocratie et non pas seulement la politique. Le civique, le politique plutôt que la politique », précise-t-il d’entrée de jeu (p. 7). L’auteur vise surtout à restituer l’interaction discursive de la presse, des institutions religieuses, des politiciens, des artistes et des différents penseurs québécois. Il adopte également un parti pris idéologique résolument moderniste : « L’objectif est de comprendre de quelle manière [la] structure intellectuelle et civique croise des formes modernes qui la contestent […] Cela s’impose comme une nécessité dans une société où le changement est à la fois un angle mort et un interminable désir de compréhension de soi », annonce-t-il en avant-propos (p. 8). « [S]aisir le moderne dans cette histoire » relèverait d’ailleurs de « l’exigence même d’explication que porte l’histoire » (p. 241). L’ouvrage se décline en huit chapitres, oscillant entre 13 et 46 pages chacun. La période 1763-1815 est rapidement survolée, l’auteur s’attardant surtout sur l’introduction du constitutionnalisme britannique, l’émergence de l’opinion publique et l’alliance durable entre le clergé et le colonisateur anglais. Les chapitres 2 et 3 se concentrent ensuite sur l’émergence des idées libérales et nationalistes dans la vallée du Saint-Laurent au début du XIXe siècle. Lamonde insiste sur le rôle du chef patriote Louis-Joseph Papineau et du penseur modéré Étienne Parent, chacun incarnant un « hémisphère » du cerveau canadien-français (p. 237) : le premier proposerait une vision politique et émancipatrice de la nation, alors que le second personnifierait une approche plus réformiste, culturelle et apolitique. L’originalité de cette section tient surtout à l’intégration des réflexions américaines sur les Rébellions patriotes, notamment celles de l’historien George Bancroft (1800-1891). Notons que Lamonde refuse de qualifier de « défaite » les révoltes de 1837-1838 : « Le propos historique, on le comprendra, n’est pas de porter un jugement politique sur ce projet inaccompli, mais bien de prendre une mesure pondérée de ses causes » (p. 236). Le reste du XIXe siècle (1839-1896) est davantage négligé, cette période occupant deux fois moins de pages que celle des patriotes (1815-1839). Considérant les intérêts de recherche de l’auteur, on ne s’étonnera pas de la place de choix qu’il octroie aux « rouges » de l’Institut canadien de Montréal et aux manifestations de l’anticléricalisme au Canada français. Le chapitre 5 aborde surtout le rôle des mouvements nationalistes, des organisations jeunesse et du réformisme social au tournant du XXe siècle (1896-1930). La décennie 1930-1940 présentée au chapitre 6 constituerait une étape majeure de l’entrée du Québec dans la modernité : « La crise des années 1930 a tout bousculé : les finances, l’économie, le travail, les valeurs religieuses, les convictions politiques et intellectuelles » (p. 160). Ces bouleversements auraient favorisé l’émergence d’une certaine subjectivité : « La modernité est un rapport au temps lorsque l’espace se modernise […] Au Québec, les années 1930 inaugurent cette valorisation du sujet, du “je” face à un “nous” jusque-là impérial » (p. 162). Jacques Maritain et d’autres penseurs français, généralement issus de la famille du personnalisme chrétien, occuperaient donc l’avant-scène du monde intellectuel québécois, alimentant la réflexion des courants réformistes et nationalistes. Le chapitre 7 dissèque l’antagonisme du …