Le décès de Leo Panitch en décembre dernier était un moment triste pour toutes et tous qui ont connu son influence, à la fois à travers son travail extensif en économie politique et dans son rôle de professeur pendant plusieurs années à l’Université York. Dans cet ultime ouvrage de Panitch, avec la collaboration de Colin Leys, nous avons la chance de bénéficier d’une analyse de l’actualité politique par deux grands intellectuels canadiens de mémoire longue. Sur le plan méthodologique, l’ouvrage mobilise surtout une grande littérature militante qui représente les idées de plusieurs tendances du parti depuis les années 1960. L’ouvrage n’est pas lourd en concepts théoriques, mais il entretient un dialogue avoué avec les thèses classiques de Ralph Miliband et Robert Michels sur les partis politiques de gauche. Les dilemmes articulés par ces auteurs, comme les tendances oligarchiques des partis de masse, et l’imputabilité des parlementaires élus envers un mouvement socialiste extraparlementaire – bref, tout un ensemble de défis liés à la démocratie interne d’un parti socialiste – ont été vécus par plusieurs générations successives de la gauche britannique. Dans le chapitre 2, Panitch et Leys racontent l’émergence de la « nouvelle gauche » auprès des jeunes militantes et militants travaillistes dans les années 1960. À cette époque, les gouvernements travaillistes ont provoqué beaucoup de déception au sein du parti. Ils ont adopté des mesures de déflation économique, comme un gel des salaires, et se sont positionnés contre la vague croissante de militantisme syndical dans le milieu industriel. La nouvelle gauche a d’abord rejeté le parlementarisme pour prioriser le travail auprès de divers mouvements sociaux. Mais à partir du début des années 1970, il y a eu un retour vers le Parti travailliste dans le but de le rendre plus démocratique et plus authentiquement socialiste. Le député Tony Benn, motivé par sa propre expérience de déception comme ministre sous le gouvernement de Harold Wilson, a émergé comme un personnage clé allié à la nouvelle gauche. Panitch et Leys se servent des discours et des journaux intimes de Benn comme sources tout au long du livre. Ils soulignent aussi l’importance de la montée d’une culture de plus en plus radicale parmi les dirigeants de plusieurs syndicats nationaux. Le chapitre 3 aborde le conflit des années 1970 sur la politique économique. Cette conjoncture représentait un moment de crise pour le keynésianisme traditionnel face à la montée de la compétition économique internationale. La réponse du gouvernement travailliste de James Callaghan présageait la logique du thatcherisme qui le suivrait, ne voyant d’autre solution que de s’attaquer à l’inflation en supprimant les salaires. Au cabinet, Benn mettait de l’avant une stratégie alternative basée sur des contrôles de capitaux et d’importations. Le gouvernement n’était pas prêt à suivre cette voie, craignant l’opposition féroce du milieu des affaires et des conséquences en relations internationales. Pour Benn et ses alliés, cette expérience a démontré que les enjeux de politique économique et de démocratie intrapartisane étaient foncièrement liés. Pour appuyer un gouvernement qui veut contester sérieusement le capital, il faut un parti qui est capable de mener une lutte parallèle afin de bâtir l’appui populaire au niveau des communautés et de l’opinion publique. Le chapitre 4 trace les efforts de la Campaign for Labour Party Democracy (CLPD) pour diminuer les privilèges et l’autonomie de la section parlementaire (Parliamentary Labour Party, ou PLP) et accroître le degré de démocratie interne. Le CLPD a remporté certaines victoires, notamment l’introduction de la « mandatory reselection », c’est-à-dire l’obligation pour un député d’être investi comme candidat par son association locale à chaque élection. Avec l’accession de Michael Foot à la chefferie en 1980, …
Searching for Socialism: The Project of the Labour New Left from Benn to Corbyn de Leo Panitch et Colin Leys, Londres, Verso, 2020, 320 p.[Notice]
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Bruce McKenna
Département de science politique, Université du Québec à Montréal
mckenna.bruce@courrier.uqam.ca