Recensions

Les inégalités contre la démocratie, de Jean-Pierre Derriennic Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « À propos », 2019, 145 p.[Notice]

  • Frédérick Guillaume Dufour

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Dans Les inégalités contre la démocratie, le professeur de science politique de l’Université Laval Jean-Pierre Derriennic se penche sur la croissance des inégalités économiques et leur conséquence sur la détérioration de la démocratie. La réflexion qu’il propose s’approfondit d’une analyse des inégalités de représentation engendrées par les différents modes de scrutin au sein même des régimes démocratiques. Nourrie par de nombreux exemples au sein et à l’extérieur du Canada, la réflexion de Derriennic est très bien arrimée aux contextes québécois et canadien dont il analyse et déplore une des conséquences les plus importantes du mode de scrutin, le fait de favoriser la création de gouvernement élu par une petite minorité de la population. Ainsi, si plusieurs politologues apprécient la propension du mode de scrutin uninominal à un tour à créer des gouvernements stables, le politologue de l’Université Laval rappelle, chiffres à l’appui, que le revers de cette médaille est que les préférences d’un très grand nombre d’électeurs ne sont pas prises en compte par ce mode de scrutin. Il en résulte que du point de vue stratégique le vote des uns dans un petit nombre de circonscriptions ciblées acquiert une importance beaucoup plus grande que le vote des autres dans des circonscriptions acquises et que la politique devient ainsi plus une question de marketing stratégique dans les premières circonscriptions qu’une traduction des préférences du plus grand nombre. L’ouvrage est composé de cinq chapitres à travers lesquels s’opère le mouvement général de l’argument. Il débute par une discussion sur l’état des inégalités économiques pour se déplacer vers la discussion sur l’influence des modes de scrutin en démocratie sur les inégalités de représentation. Le premier chapitre aborde les dynamiques et les conséquences des inégalités économiques. Derriennic y distingue différents outils de mesure de ces inégalités : inégalités de revenus, inégalités de fortune, coefficient de Gini, ainsi que les effets économiques et sociaux de ces inégalités. Le second chapitre s’intitule « L’importance de l’égalité ». Derriennic ne s’encombre pas longtemps de l’argument libertarien selon lequel on pourrait avoir une substantielle égalité devant la loi, si elle n’est pas accompagnée de politiques substantielles pour niveler les inégalités économiques. Ce chapitre met en relief des mécanismes qui ont permis une croissance importance des inégalités durant les dernières décennies et des mécanismes qui permettraient de s’y attaquer, l’impôt sur les successions notamment, dont la diminution des dernières décennies n’a profité qu’à une infime minorité. Il soutient de façon convaincante que la réduction des inégalités économiques n’est pas seulement importante en soi, mais qu’elle est aussi essentielle à la vitalité d’une société démocratique. Le chapitre suivant porte précisément sur « L’égalité dans la démocratie ». Ce chapitre est celui dans lequel Derriennic se penche le plus clairement sur le fonctionnement effectif de la démocratie. Après avoir passé en revue les principes souvent invoqués par les philosophes pour appeler à redynamiser la démocratie – le pouvoir du peuple, la souveraineté, etc. –, le politologue invoque les sérieuses limites de ces seules notions pour expliquer et comprendre les enjeux par exemple d’inégalités de représentation ou d’inégalités dans le poids du vote qui minent le fonctionnement effectif de régimes démocratiques aujourd’hui. Une portion importante de l’argument porte ici sur ce que la décentralisation des prises de décision politique permet, mais aussi ne permet pas de faire en matière de pratiques démocratiques. Derriennic souligne notamment qu’une décentralisation fiscale peut avoir comme effet pervers d’accroître les inégalités économiques entre villes ou régions riches et pauvres. Il met donc de l’avant d’importantes réserves à l’égard d’une décentralisation dans ce domaine. Au quatrième chapitre, « Des institutions démocratiques moins inégales », l’auteur analyse …