Recensions

L’impasse terroriste : violence et extrémisme au XXIe siècle, d’Aurélie Campana, Québec, MultiMondes, 2018, 139 p.[Notice]

  • Mieko Tarrius

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D’Islamabad à New York, le terrorisme occupe depuis plusieurs décennies une place prépondérante sur la scène internationale. Bien qu’omniprésent dans notre quotidien, notre compréhension de ce phénomène, tant de ses causes que de ses dynamiques, reste limitée. Face à ce paradoxe, Aurélie Campana, professeure titulaire au Département de science politique de l’Université Laval, se propose d’analyser, dans son ouvrage L’impasse terroriste : violence et extrémisme au XXIe siècle, les processus, les conditions et les logiques qui stimulent le passage à l’acte terroriste, soulignant le rôle crucial que peut et doit jouer la science politique dans la prévention et l’étude de ce phénomène complexe. Adoptées à brûle-pourpoint par des acteurs gouvernementaux souvent mal informés, les politiques antiterroristes apparaissent inadaptées : une inefficacité reposant, selon Campana, sur « la nature de la réponse fortement empreinte d’émotions, [dans] les angles morts de la lutte antiterroriste et [dans] la déconnexion patente entre les impératifs de sécurité intérieure et la politique étrangère » (p. 39). Stimulée par une rhétorique guerrière revanchiste, cette récente course effrénée des États au « tout sécuritaire » n’est d’ailleurs pas sans conséquence pour les populations civiles. Ces dernières assistent impuissantes à l’érosion galopante de leurs droits fondamentaux en raison de l’adoption de politiques liberticides et de la normalisation de pratiques déshumanisantes, tel l’usage de la torture, qui alimentent en retour la propagande des organisations terroristes. Au nom de la lutte antiterroriste, la fin justifie les moyens. Loin d’être inédit, le terrorisme, hétérogène et multidimensionnel, a su faire preuve d’une incroyable capacité de renouvellement et d’innovation depuis l’apparition du terrorisme infra-étatique au XIXe siècle. Ainsi, à l’instar des mouvances terroristes anarchiste, anticolonialiste, puis gauchiste, successivement dominantes, le terrorisme islamiste occupe depuis le milieu des années 1990 une place prépondérante dans l’espace politique et médiatique global. Incarnée notamment par Al-Qaïda et l’État islamique, cette nouvelle manifestation du terrorisme s’illustre par sa triple faculté d’opérationnalisation aux échelles mondiale, régionale et locale, se nourrissant de la montée des extrémismes religieux et politique, d’une part, et la remise en question de l’État et des élites gouvernantes, d’autre part. La présence de « loups solitaires », autonomes et imprévisibles, dans les rangs de ces organisations accentue davantage leur force d’intimidation, rendant la menace toujours plus insaisissable et tentaculaire. Campana s’intéresse ensuite au rôle décisif que joue désormais Internet dans la progression et la promotion du terrorisme international. « Facilitateur » de l’activité terroriste (p. 69), Internet agit à la fois comme un outil de communication et de mobilisation des masses et un espace d’exposition permettant la « mise en visibilité » (p. 70) des mouvances terroristes. Transcendant les frontières nationales, Internet permet à celles-ci d’atteindre à moindre coût des publics auxquels elles n’avaient pas accès auparavant. Loin d’être archaïques, les organisations terroristes ont su profiter de l’explosion d’Internet et des réseaux sociaux, apprenant à en maîtriser parfaitement les codes. Grâce à la visibilité que leur offre le Web, celles-ci sont devenues des actrices majeures du débat public. Néanmoins, l’influence des médias traditionnels ne doit pas être minimisée. Exploitant le sensationnalisme des images d’attentats à des fins capitalistiques d’audimat et de rendement, les médias tirent largement profit du terrorisme contemporain, alimentant du même coup les stéréotypes racistes et islamophobes qui entourent la figure du terroriste. Campana est d’avis que l’éthique doit être replacée au coeur des pratiques journalistiques en vue d’éviter les amalgames douteux et la glorification du terrorisme. Bien qu’utilisés de manière interchangeable par les politiques et les journalistes, terrorisme, radicalisation et extrémisme ne sont pas synonymes. Comme l’extrémisme, la radicalisation n’implique pas un passage systématique à l’acte terroriste : une distinction entre …