La question des femmes en politique

Femmes, genre, intersectionnalité et sexualités : persona non grata des sciences politiques ?[Notice]

  • Manon Tremblay

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Lorsque j’ai entrepris mes études en sciences politiques et que j’ai commencé à m’intéresser aux rapports entre les femmes et la/le politique, au début des années 1980, pour l’essentiel il n’y avait à peu près pas de cours, et très peu d’écrits sur la question. J’ai dû suivre des cours en sociologie et en anthropologie (des cours qui traitaient des « rapports sociaux de sexe » – le genre n’était pas encore entré en scène, du moins dans la francophonie) et lire les quelques Jeane J. Kirkpatrick, Maurice Duverger et Elizabeth Vallance disponibles sur la participation des femmes à la politique électorale aux États-Unis, en France et en Grande-Bretagne. Trois décennies et demie plus tard, les choses ont beaucoup changé – heureusement ! – et les sciences politiques offrent aujourd’hui un très riche bassin de savoirs sur les femmes et la/le politique – bien que l’étude des sexualités et celle de la/du politique demeurent pauvres en comparaison d’autres disciplines, toujours l’anthropologie et la sociologie… Il faut dire toutefois que la Revue québécoise de science politique, épithète qu’elle portait alors, a fait preuve d’un grand avant-gardisme avec son numéro sur « Femmes et pouvoir » paru en 1984. À y replonger pour la préparation de ce texte, j’ai été frappée par la pérennité des analyses qui y sont déployées. Dans « Changement et insertion des femmes dans le système politique », Carolle Simard voit dans les règles du jeu politique des blocages qui, en 2017, n’ont pas complètement disparu. Le texte de Caroline Andrew, « Les femmes et la consommation collective : les enjeux de l’engagement politique », nous rappelle qu’hier comme aujourd’hui, lorsque les femmes sont pensées en politique (car ce n’est pas toujours le cas), elles le sont par le truchement de « problèmes de femmes », en tant qu’elles confortent le régime du genre. Je propose d’interpréter l’évolution des textes traitant des femmes et de la/du politique parus dans Politique et Sociétés au cours de ses 35 années d’existence à la lumière d’une idée, celle d’un passage conceptuel des « femmes » au « genre », ou des actrices aux dispositifs sociohistoriques et politiques responsables de la confection des femmes et des hommes. Cette trame de fond s’accompagne de deux autres tendances secondaires : l’une est l’avènement de quelques innovations conceptuelles qui, au fil du temps, sont venues complexifier et enrichir les sciences politiques, comme celle de l’intersectionnalité ; l’autre est l’ouverture, bien que timide, de notre discipline à l’étude des sexualités. Afin de mieux cerner ces développements, j’ai réparti le corpus de la quarantaine de textes sur les femmes et la/le politique entre quelques-uns des principaux sous-champs de notre discipline : politique électorale, idées politiques, politiques publiques et mouvements sociaux. Cette répartition est bien arbitraire, j’en conviens, puisque bien des textes rejoignent deux ou plusieurs sous-champs. Néanmoins, elle permet de mettre au jour un riche vivier d’études sur les femmes et la/le politique dans les sciences politiques québécoises et, surtout, l’influence des féministes et de leurs idées sur notre discipline. Le sous-champ de la politique électorale compte le plus grand nombre de textes (Andrew, 1984 ; Simard et Monière, 1984 ; Tremblay, 1989 ; 1994 ; 1996 ; 2002 ; Lachapelle, 1998 ; Maillé et Tremblay, 1998 ; Praud, 1998 ; Sineau, 1998 ; Parini, 1999 ; Le Quentrec, 2008 ; Paquin, 2010 ; Navarre, 2014 ; Rinfret et al., 2014), ce qui n’a rien pour étonner considérant sa centralité en sciences politiques et, surtout, l’aspect quantitatif qu’il revêt parfois et lui confère une légitimité certaine. Ces articles couvrent le vaste champ des opinions et …

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