Recensions

Philosophies de Marx, de Franck Fischbach, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 2015, 206 p.[Notice]

  • Nichola Gendreau Richer

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  • Nichola Gendreau Richer
    Écoles d’études politiques, Université d’Ottawa
    ngend101@uottawa.ca

La question du rapport qui unit la pensée de Marx à la réflexion philosophique dans l’histoire de la pensée politique est restée ouverte. Franck Fischbach, philosophe, traducteur (Hegel, Marx, Honneth) et commentateur de l’oeuvre de Marx, a décidé de s’attaquer à cet alliage qui a suscité maints débats. Le livre Philosophies de Marx se veut, à la fois, un savant condensé des postulats philosophiques de Marx et une étude des matériaux qui ont nourri les réflexions personnelles de Fischbach dans ses ouvrages précédents – L’être et l’acte (Vrin, 2003), La production des hommes (Vrin, 2014) et Le sens du social (Lux, 2015). Fischbach entame son étude par la question « Marx est-il un philosophe ? » (p. 7) Question épineuse à laquelle il répond que Marx a contribué à élaborer une nouvelle manière de faire de la philosophie – la critique. Ce postulat s’oppose à ceux qui énoncent plutôt que Marx a rompu avec la philosophie pour se consacrer à la science : l’économie politique. Fischbach précise que Marx n’a jamais fait de l’économie politique, mais bien une critique de l’économie politique : « L’ambition propre à Marx aurait donc été celle de parvenir à effectuer une transformation de l’économie politique au moyen de la dialectique ou par la dialectique c’est-à-dire par et au moyen de la philosophie, et plus précisément au moyen d’une forme critique de la philosophie c’est-à-dire par un usage critique de la philosophie. » (p. 18) Marx a affirmé l’importance d’unir théorie et pratique, proposition qui a amené certains de ses successeurs à argumenter que la théorie était inféodée à la pratique. Contre cette position, Fischbach affirme le caractère actif de la philosophie de Marx. La critique théorique formulée par Marx a eu des effets beaucoup plus concrets sur les différentes transformations sociales que son militantisme de la Première Internationale ou du Parti social-démocrate allemand. C’est à partir de ces a priori que Fischbach développe trois dimensions particulières de la philosophie de Marx : la philosophie de l’activité, la philosophie sociale et la philosophie critique, la dernière étant celle qui nourrit les deux premières. La première dimension est celle de l’activité. Pour Fischbach, au coeur de la philosophie de Marx, se trouve une manière spécifique d’aborder l’Homme et la société, soit par l’étude de leurs activités et de leurs relations. Dans les thèses sur Feuerbach, écrites en 1845, Marx a développé un point de vue nouveau qui tentait à la fois de dépasser l’idéalisme qui comprend le monde par ses représentations idéelles en mouvement et le matérialisme feuerbachien qui engage son analyse à partir des objets tels qu’ils sont perçus par les sens. De la sorte, Marx comprenait le monde à partir des activités et des relations des individus. Fischbach affirme alors que « L’essence humaine est donc dans les rapports sociaux : c’est là qu’elle existe réellement ou effectivement. » (p. 35) Ceci étant dit, Marx a immédiatement joint à ce postulat philosophique que les rapports sociaux existants ne permettent pas la réalisation de l’essence humaine. Dès lors, Marx a formulé une critique des pratiques sociales qui dissocient l’individu de son pouvoir social. Comme le souligne Fischbach, pour Marx « il faut passer de rapports qui isolent à des rapports qui accomplissent [essence humaine] » (p. 41). La philosophie sociale est la deuxième dimension de la pensée de Marx. Si l’essence de l’homme se situe dans ses rapports et que ceux-ci sont coupés de lui-même, alors surgit l’importance de faire la critique des pratiques et des institutions qui coupent l’individu de son essentialité. La philosophie sociale est la méthode par laquelle Marx a essayé …