Résumés
Résumé
À la suite des différentes vagues d’immigration des dernières décennies, l’Allemagne, comme la plupart des sociétés contemporaines, est fortement caractérisée par sa diversité ethnique. Pourtant, on ne trouve que très rarement des députés issus de l’immigration au sein du Bundestag. Cet article analyse un aspect de plus en plus évident au vu de la littérature scientifique, mais qui reste peu traité pour l’instant : la relation entre les différents modes de sélection des candidats et la représentation parlementaire des minorités d’origine étrangère. L’analyse empirique de l’impact des procédures d’investiture des partis politiques allemands sur la diversité ethnique des candidats parlementaires est réalisée à partir des statuts des différents partis ainsi que des procès-verbaux des congrès d’investiture des partis. Les résultats de notre analyse exploratoire indiquent tout d’abord qu’en raison des prescriptions légales, les modes de sélection des différents partis politiques allemands présentent une grande homogénéité. Pourtant, nous pouvons également montrer qu’il existe des divergences inter-partisanes (entre, d’un côté, les deux grands partis et, de l’autre, les trois petits) ainsi qu’intra-partisanes (entre les différents Länder allemands). En ce qui concerne la sélection des candidats d’origine étrangère, le positionnement idéologique du parti semble jouer un grand rôle : ce sont avant tout les partis de gauche qui sélectionnent les candidats issus des minorités ethniques. Néanmoins, au-delà de cet impact du positionnement idéologique des partis, nous pouvons également établir qu’au sein du groupe des partis de gauche, des modes de sélection plus ouverts semblent pouvoir contribuer à une plus grande accessibilité aux listes par des aspirants-candidats issus de l’immigration.
Mots-clés :
- représentation parlementaire des personnes issues de l’immigration,
- partis politiques,
- modes de sélection des candidats,
- Allemagne
Abstract
As an important result of mass immigration, Germany, as most other modern states, is strongly characterized by its ethnic diversity. At the same time, ethnic minorities are still strongly under-represented in terms of numbers in the German Bundestag. This article aims to contribute to new insights into one often cited but still only poorly researched topic: the impact of candidate selection methods on the parliamentary representation of ethnic minorities. The operationalization of the selection methods is done by drawing on the parties’ statutes as well as the parties’ minutes of the nomination meetings. Our results show, first, a strong homogeneity in the way the five German parties select their candidates. This is mainly because the candidate selection process in Germany is rather strongly regulated by law. However, we can additionally identify inter- (between, on the one hand, the two major German parties and, on the other hand, the three smaller parties) as well as intra-party (between the different German Länder) differences. As regards the selection of ethnic minority candidates, party ideology seems to play an important role because ethnic minority candidates are mainly nominated by left-wing parties. However, beyond the impact of party ideology, we can also show that, within the group of left-wing parties, more open candidate selection methods seem to be more favourable to ethnic minority candidates than more exclusive selection methods.
Keywords:
- ethnic minority representation,
- political parties,
- candidate selection methods,
- Germany
Corps de l’article
En raison des vagues d’immigration des dernières décennies, les sociétés contemporaines sont fortement caractérisées par leur diversité ethnique. C’est également le cas en Allemagne où, en 2011, environ 20 % de la population était issue de l’immigration[1]. Or, dans la sphère politique, on ne trouve que très rarement des députés issus de l’immigration. À la suite des législatives de l’automne 2013, 37 députés fédéraux sur 63 – soit 5,9 % de tous les députés – sont issus de l’immigration[2], dont 19 qui peuvent être qualifiés comme faisant partie d’une minorité visible[3] (Deiss-Helbig, 2014a : 160).
Dans la littérature scientifique, les auteurs donnent différentes raisons pour expliquer pourquoi les parlements (et, à un moindre degré, aussi les assemblées au niveau local) ne sont que très faiblement diversifiés : citons les caractéristiques du système politique et surtout l’impact du mode de scrutin, l’offre des candidats, la demande des électeurs et celle des sélecteurs. Mentionnons enfin le processus du recrutement législatif et avant tout le degré de démocratie interne au sein des partis politiques (Norris, 1997a : 1 ; Jenson et Lépinard, 2009 : 187). Au cours des dernières années, de plus en plus de politologues ont commencé à mettre en évidence l’importance des partis politiques en général et du processus de sélection de candidats législatifs en particulier pour ce qui concerne l’intégration des populations issues de l’immigration dans le monde politique (entre autres : Bird, 2005 : 455 ; Caul Kittilson et Tate, 2005 : 163 ; Black et Erickson, 2006 : 556). Mais, pour l’instant, il n’existe que très peu de travaux qui analysent cette problématique en détail (Caul Kittilson et Tate, 2005 – pour la Grande-Bretagne ; Fonseca, 2011 et Deiss-Helbig, 2014a – pour l’Allemagne ; Soininen, 2011 – pour la Suède).
Non seulement la sélection des candidats est considérée comme le moment décisif dans le processus du recrutement législatif, mais elle peut également être révélatrice de conflits de pouvoir intra-partisans (Gallagher, 1988 : 2 ; Hazan et Rahat, 2010 : 8). L’importance du processus de sélection des candidats peut pareillement être soulignée par le constat que son aboutissement (donc les candidats eux-mêmes) a un impact conséquent à long terme autant sur l’image du parti (Katz, 2001 : 278) que sur la composition des assemblées (Hazan et Rahat, 2006b : 367). Gideon Hazan et Reuven Y. Rahat (ibid. : 368) en concluent que les modes de sélection – la manière dont les partis choisissent leurs candidats – devraient également avoir un effet important sur la composition des assemblées. Ces dernières années, de plus en plus de travaux traitent cette problématique en analysant par exemple l’impact de différents modes de sélection sur la représentativité des partis (Spies et Kaiser, 2014) ou des candidats (Mikulska et Scarrow, 2010) en matière de convergences idéologiques entre élites politiques et électeurs. Cependant, l’incidence des méthodes sur la représentativité des assemblées en matière de sexe ou d’origine ethnique reste encore peu abordée dans la littérature.
Ce constat est particulièrement réel en Allemagne où la sélection des candidats ne suscite en général que peu d’intérêt dans la science politique (Reiser, 2013 : 129)[4]. Par ailleurs, malgré une homogénéité inter-partisane plutôt élevée concernant les modes de sélection (en raison du cadre juridique et institutionnel auquel est soumis le processus de sélection en Allemagne), le système fédéral ainsi que le fait qu’il existe différents types de partis avec différents héritages idéologiques devraient quand même contribuer à une hétérogénéité des modes de sélection aux niveaux inter- et intra-partisans. Et cela fait de l’Allemagne un cas intéressant pour étudier les modes de sélection comme variable indépendante. C’est pourquoi la problématique traitée dans cet article est la suivante : comment les différents modes de sélection affectent-ils l’accessibilité aux partis politiques par les personnes issues de l’immigration ? Pour répondre à cette question, nous allons analyser en détail les investitures aux élections législatives de 2013 au sein des partis politiques. Dans le but de faire ressortir les différences ainsi que les convergences au niveau des modes de sélection, nous examinerons, dans un premier temps, comment les cinq grands partis politiques allemands sélectionnent leurs candidats. Cette analyse des règles formelles et informelles est faite à partir des statuts des partis ainsi que des procès-verbaux des congrès d’investiture. Dans un deuxième temps, la relation entre les modes de sélection et la présence des candidats d’origine étrangère sur les listes de parti sera examinée. Néanmoins, il importe de spécifier que, en raison du petit nombre de candidats d’origine étrangère, la présente analyse ne peut se limiter qu’à une première étude exploratoire de la problématique.
Analyser la représentation politique des minorités d’origine étrangère – dans quel but ?
Contrairement au discours scientifique européen, le modèle de la représentation descriptive ou miroir est présent aux États-Unis depuis déjà quelques décennies. Dans son ouvrage de référence de 1967, The Concept of Representation, Hanna F. Pitkin définit la représentation descriptive comme « the making present of something absent by resemblance or reflection, as in a mirror or in art » (1967 : 11). Selon cette logique, les représentants devraient refléter, notamment en matière de sexe et d’origine ethnique, la population entière (Mansbridge, 1999 : 296). Ce modèle suscite de nombreuses critiques dans le monde intellectuel[5]. Dans le cadre de cet article, nous ne pouvons pas aborder ce débat dans tous ses détails, mais une des critiques principales consiste à dire que ce modèle attribuerait aux membres d’un certain groupe une identité commune que tous ces membres partageraient en exclusivité (ibid. : 237). À cela s’ajoute la question de savoir si les représentants dits minoritaires peuvent vraiment mieux défendre les intérêts de leur groupe minoritaire que des représentants non minoritaires (Bird et al., 2011 : 5).
La recherche sur la représentation miroir était initialement centrée sur l’analyse de la représentation de genre (Sapiro, 1981 ; Vega et Firestone, 1995), mais dans les dernières années elle s’est élargie à d’autres groupes dits minoritaires comme les Afro-Américains ou les Hispaniques et les Latino-Américains (Hero et Tolbert, 1995 ; Mansbridge, 1999 ; Gay, 2002 ; Pantoja et Segura, 2003). Ce n’est que depuis quelques années que la science politique européenne s’intéresse à la question de la représentation politique de ce type de minorité en analysant par exemple la représentativité des participants d’origine étrangère aux assemblées (Donovan, 2007 ; Bloemraad 2013) ou le rôle et le comportement parlementaires des députés issus de l’immigration (Wüst et Saalfeld, 2010 ; Wüst, 2011 ; 2014).
Quelles que soient les critiques du concept de représentation miroir, la faible présence des personnes issues de l’immigration dans la sphère politique soulève un certain nombre de questions. D’abord, cette sous-représentation d’un groupe de citoyens remet en cause le droit fondamental d’égalité d’accès aux fonctions politiques pour tous les citoyens (Avanza, 2010 : 746). Cela peut affecter également le sentiment d’inclusion des groupes sous-représentés dans le système politique et contribuer à la défiance de la population envers le monde politique (Bird et al., 2011 : 5). Finalement, les parlements « monocolores » pourraient être interprétés comme un signe de dysfonctionnement démocratique (Avanza, 2010 : 748). C’est pourquoi Anne Phillips plaide en faveur d’une politics of presence visant à améliorer la relation des groupes dits minoritaires avec le monde politique (1995 : 5).
Cadre théorique et hypothèses
Afin de mesurer l’impact des différents modes de sélection sur le profil individuel des candidats et plus particulièrement sur la représentativité du personnel politique en matière d’origine ethnique, nous précisons ici notre cadre théorique pour en déduire les hypothèses qui structurent la suite de l’analyse.
Selon Hazan et Rahat, les modes de sélection peuvent être définis comme « the nonstandardized and predominantly unregimented particular party mechanisms by which political parties choose their candidates for general elections » (2010 : 4). D’une manière générale, ces modes peuvent être caractérisés par les conditions qu’un candidat doit remplir pour avoir le droit de se présenter (plutôt restrictives ou plutôt ouvertes), par la taille du sélectorat (inclusif ou exclusif), la manière dont la sélection est faite (nomination ou vote) et le niveau auquel elle s’opère (d’une manière centralisée ou décentralisée) (Rahat et Hazan, 2001 : 298 et suiv.). Les modes sont aussi fonction des règles ou des quotas, informels aussi bien que formels, définis par la loi ou les statuts des partis eux-mêmes, par exemple des quotas de femmes qui peuvent faire partie des modes de sélection.
Pourquoi les modes de sélection devraient-ils avoir des conséquences sur la représentativité du personnel politique en matière d’origine ethnique ? Hazan et Rahat (2010 : 112 et suiv.) exposent que les méthodes qui privilégient les députés sortants, les sélectorats plus inclusifs, ainsi qu’une sélection qui se fait plutôt d’une manière décentralisée sont moins favorables à la représentation des minorités. Nous reviendrons sur les deux premières dimensions (inclusivité du sélectorat et députés sortants) dans notre argumentation. L’impact de la troisième dimension (centralisé versus décentralisé) ne sera par contre pas analysé dans cet article en raison, comme nous allons le montrer ci-dessous, de la faible variance sur cette dimension dans le cas de l’Allemagne.
Dans la littérature scientifique, les conséquences les plus importantes sont attribuées au sélectorat défini comme « the body that selects the party’s candidates for public office » (Hazan et Rahat 2010 : 33), et ici surtout à la dimension d’inclusivité/exclusivité du sélectorat[6] (Hazan et Rahat, 2006b : 369). La composition du sélectorat est, selon le contexte national, soit déterminée par les lois ou les statuts de partis, soit dérivée des règles et normes informelles. Concernant la représentativité du personnel politique, l’hypothèse mise en avant dans ce contexte indique que des sélectorats plus exclusifs sont mieux placés pour constituer des listes de candidats plus équilibrées que des sélectorats plus inclusifs (Hazan et Rahat, 2006b : 372)[7]. L’argument derrière cette hypothèse est que les différents types de sélecteurs ont des idées et des intérêts différents, ce qui a un impact sur le type de candidats nommés (Mikulska et Scarrow, 2010 : 314 ; Spies et Kaiser, 2014 : 579). Au volet de la représentativité du personnel politique sur le plan de l’origine étrangère, nous pouvons conclure que des sélectorats plus exclusifs sont plus conscients de la nécessité (aussi en matière de stratégie de maximisation de voix) de présenter des listes de candidats équilibrées que des sélectorats plus inclusifs. Cela nous amène à formuler notre première hypothèse :
H1 : Les sélectorats plus exclusifs sont plus favorables à la sélection des candidats d’origine étrangère que les sélectorats plus inclusifs.
En ce qui concerne les députés sortants, Hazan et Rahat (2010 : 112) soulignent que « [i]t is much harder to transform an unrepresentative group of candidates into a more representative one if incumbents are easily and constantly reselected ». Cet argument met en avant le fait que si le statu quo est un parlement peu représentatif de la population entière en matière par exemple de sexe ou d’origine étrangère, des modes de sélection qui privilégient les députés sortants vont contribuer à maintenir ce statu quo. Cela nous amène à formuler notre deuxième hypothèse :
H2 : Des méthodes de sélection qui n’accordent pas systématiquement la priorité aux sortants sont plus favorables aux candidats d’origine étrangère.
Au-delà de ces deux caractéristiques concernant les méthodes de sélection, il importe de mettre en avant également un autre facteur qui est supposé avoir un poids considérable sur la représentativité du personnel politique en matière d’origine étrangère : le positionnement idéologique du parti. Plusieurs études ont montré que le positionnement idéologique a une influence sur l’inclusion des minorités dans les partis (Norris, 1997b : 218 ; Fonseca, 2011 : 120 et suiv.) – les partis de gauche étant plus ouverts à l’inclusion politique des minorités, en général en raison de l’idéologie égalitaire qu’ils défendent (Norris, 1997b : 218). En Allemagne, le lien fort entre les travailleurs « invités » (Gastarbeiter) qui sont arrivés dans les années 1960 et le Parti socio-démocrate (SPD) comme représentant politique des syndicats semble continuer à jouer un rôle important pour la seconde génération de descendants d’immigrés (comme pour la troisième), au moins en ce qui concerne leur comportement électoral (Wüst, 2004 : 351). Toutefois, une simple distinction entre gauche et droite serait insuffisante dans ce contexte. L’émergence des partis « new politics » (Poguntke, 1987) ou, autrement dit, de la gauche libertaire (Kitschelt, 1988) (y compris les partis écologistes) dans beaucoup de pays occidentaux, a eu des conséquences importantes sur le système de partis de ces pays ainsi que sur l’inclusion politique des minorités. Cela est surtout attribuable au fait que la promotion des droits des immigrés, des femmes et des minorités sexuelles occupe une place importante dans l’idéologie de ces partis (Poguntke, 1987 : 78). Les partis de droite, en revanche, ont tendance à montrer une attitude plutôt critique, voire défavorable à l’égard des immigrés. Le parti conservateur en Allemagne, par exemple, la CDU (Union chrétienne démocrate) et son parti frère en Bavière, la CSU (Union chrétienne sociale), ont nié pendant des années le fait que l’Allemagne était un pays d’immigration et, au lieu de cela, ont eu comme but principal de limiter le nombre d’étrangers dans le pays (Demesmay, 2009 : 200). Ce n’est que très récemment que cette politique a commencé à changer[8]. Cela nous amène à formuler notre dernière hypothèse :
H3 : Les aspirants issus de l’immigration qui se présentent aux partis de gauche (socio-démocrate, écologiste et/ou radicale) (SPD, Verts, Die Linke) ont plus de chances d’être nommés candidats que ceux qui essayent de remporter l’investiture dans la CDU.
La sélection des candidats en Allemagne : cadre juridique et institutionnel
Contrairement à la plupart des pays démocratiques, la sélection des candidats en Allemagne est strictement définie par la loi (Schüttemeyer et Sturm, 2005 : 541). C’est tout d’abord l’article 21 (1) de la loi fondamentale (Grundgesetz) qui stipule que la démocratie interne des partis politiques est le principe fondamental de leur organisation interne. À cela s’ajoutent la loi sur les partis politiques (Parteiengesetz) et la loi électorale fédérale (Bundeswahlgesetz) qui imposent des critères juridiques minimaux au processus de sélection intra-partisane des candidats. Ce sont enfin les statuts des partis qui définissent en détail comment les candidats sont sélectionnés.
En outre, c’est surtout une caractéristique du système politique allemand qui a un impact important sur la sélection des candidats : le système électoral pour le Bundestag. Ce dernier est caractérisé par une combinaison de deux modes de scrutin : la moitié des sièges est attribuée aux députés élus au scrutin majoritaire uninominal à un tour et l’autre moitié aux députés élus à la proportionnelle sur des listes fermées de partis (Roberts, 1988 : 95 ; Reiser, 2011 : 239). Compte tenu de cette dualité, les articles 21 (1) et 27 (5) de la loi électorale fédérale prescrivent l’existence de deux procédures de sélection séparées : les investitures au niveau des circonscriptions pour les candidats qui se présentent dans les circonscriptions[9] et la sélection des candidats pour les listes, qui se fait au niveau régional, donc des Länder. Toutefois, il est en réalité difficile de séparer strictement ces deux types de candidatures et, par conséquent, ces deux types d’investitures. Premièrement, une candidature en circonscription est souvent considérée comme une condition préalable pour obtenir une place éligible sur la liste du parti (Schüttemeyer et Sturm, 2005 : 548) et, deuxièmement, et c’est une conséquence de ce qui précède, les candidats concourent souvent simultanément en circonscription et pour une place sur la liste (pour une perspective historique voir Manow et Nistor, 2009 : 608).
Méthodologie et données
Pour commencer, il importe de souligner que notre analyse se limite aux partis qui, au moment de la composition des listes pour les élections législatives en 2013, avaient une chance réelle de remporter au moins un siège dans l’hémicycle du Bundestag : le SPD (Parti socio-démocrate), la CDU/CSU (Union chrétienne-démocrate et Union chrétienne-sociale en Bavière[10]), L’Alliance 90/Les Verts, le parti de Gauche radicale « Die Linke » et le FDP (Parti libéral démocrate). Une deuxième restriction concerne le type d’investiture analysé. Pour des raisons d’homogénéité d’analyse, seule la sélection des candidats pour les listes des partis dans les Länder sera analysée – la désignation des candidats élus au scrutin majoritaire uninominal à un tour n’est donc pas prise en compte. Cette concentration sur la désignation des candidats de listes est également due au fait que c’est principalement par les listes que les partis, à l’exception de la CDU/CSU et dans un moindre degré aussi du SPD, gagnent une représentation dans le Bundestag[11]. Par conséquent, pour étudier l’impact des méthodes de sélection sur la représentativité du personnel politique en matière d’origine ethnique pour tous les cinq partis, il semble pertinent de se concentrer sur l’investiture des candidats de listes. Une troisième restriction concerne la définition utilisée ici pour les candidats d’origine étrangère – voire celle des minorités visibles. Des études ont montré que le niveau de discrimination et de xénophobie diffère selon les différents groupes d’immigrants. Ce sont surtout les groupes minoritaires visibles qui subissent des discriminations (Beauchemin et al., 2010). En Allemagne, il s’agit principalement des représentants des vagues d’immigration les plus récentes (avant tout les Turcs et les ressortissants de l’ex-Yougoslavie)[12]. Afin d’identifier le plus grand nombre de candidats et d’aspirants que l’on puisse qualifier comme appartenant à une minorité visible, nous prenons en considération les critères suivants : les nom et prénom de la personne, des photographies ainsi que, s’ils sont disponibles, le lieu de naissance et la nationalité d’origine du candidat et de ses parents. Bien que n’étant pas sans défaut, cette opérationnalisation permet de mesurer la situation avec le plus d’exactitude possible[13].
Pour l’analyse empirique des procédures d’investiture, nous avons recours à plusieurs types de données et de documents. D’abord, l’analyse des règles formelles est faite à partir des statuts les plus récents des partis au moment de la composition de la liste au niveau fédéral ainsi qu’au niveau des Länder. Afin d’identifier des règles informelles qui auraient pu jouer un rôle lors de la composition des listes, nous avons recours aux procès-verbaux des congrès d’investiture des partis mis à disposition par les fédérations des partis au niveau des Länder. En général, ces documents contiennent de l’information sur les noms de tous les candidats qui ont remporté l’investiture de leur parti ainsi que ceux qui ne l’ont pas obtenue, l’ordre des candidats sur la liste, en plus des renseignements sur des candidatures opposées et le score que les candidats respectifs ont obtenu[14].
Dans le cadre de cet article, nous avons également recours au concept des candidatures réalistes qui peuvent être définies selon Hazan et Rahat comme « all those positions/districts that are seen at least as winnable before the elections » (2010 : 14). L’opérationnalisation des candidatures réalistes pour les listes des partis est effectuée par l’identification des places éligibles sur les listes. Pour le cas de l’Allemagne, il existe de nombreuses propositions pour identifier les places éligibles sur les listes des partis (voir Manow et Nistor, 2009). Il est possible, par exemple, de prendre en considération les résultats des dernières élections ou de se baser sur des sondages au moment de la sélection des candidats (Hennl et Kaiser, 2008 : 327). Annika Hennl et André Kaiser (2008 : 327) ont montré que la prise en compte des résultats des deux dernières élections est un instrument fiable pour identifier les places éligibles sur les listes, parce que ces chiffres correspondent bien à ce que les responsables dans les partis qualifient de places éligibles. C’est pourquoi nous identifions ces places pour les législatives en 2013 en prenant en considération pour chaque parti dans chaque Land la dernière place sur la liste qui assurait encore un siège dans le Bundestag lors des deux dernières élections législatives (2005 et 2009). Les places éligibles (realistic positions, rpos) pour un parti dans un Land seront donc calculées de la manière suivante :
où lp05 et lp09 signifient la dernière place sur la liste qui assurait encore un siège dans le Bundestag lors des législatives, respectivement en 2005 et en 2009. À la somme de lp05 et lp09 divisée par deux est ajoutée encore une place pour tenir compte du fait qu’il s’agit ici d’identifier des candidatures réalistes et pas nécessairement sûres.
Dans les paragraphes qui suivent, nous verrons dans un premier temps, pour les élections législatives de 2013, comment les cinq partis allemands sélectionnent leurs candidats pour les listes. Pour cette analyse nous nous appuierons sur le cadre analytique proposé par Hazan et Rahat (2006a ; 2010) en prenant en compte les quatre dimensions mentionnées précédemment (candidature, mode et niveau de sélection, sélectorat) ainsi que les quotas ou les règles (in)formels qui jouent un rôle au sein de ces partis. Dans un deuxième temps, nous analyserons la présence des aspirants-candidats issus de l’immigration sur les listes des cinq partis allemands en distinguant les différentes étapes dans le recrutement législatif (aspirants – candidats – candidats à des places éligibles). Enfin, nous décrirons d’une manière exploratoire la relation entre les méthodes de sélection et les chances des candidats d’origine étrangère d’obtenir une place éligible sur les listes.
Différences et convergences inter- et intra-partisanes dans la sélection des candidats
Les différentes modalités de sélection des candidats sont étroitement liées au cadre législatif (loi des partis, loi électorale fédérale), aux statuts des partis qui sont, selon l’article 6 (1) de la loi sur les partis, obligatoires[15], ainsi qu’aux procès-verbaux des congrès d’investiture des partis. Il importe de préciser que cette analyse ne prétend pas être exhaustive, en raison notamment d’une quasi-absence dans la science politique allemande d’études systématiques des méthodes de sélection en général, et des candidatures de liste en particulier.
Concernant d’abord les exigences appliquées à la candidature, la loi électorale fédérale prescrit que seules les personnes de 18 ans et plus ayant la nationalité allemande ont le droit de poser leur candidature aux élections législatives du Bundestag (art. 15 (1)). En théorie, sans prendre en compte les chances de succès, tous les membres d’un parti qui réunissent ces conditions ont le droit d’essayer de remporter l’investiture de leur parti[16].
Quant au mode de sélection (nomination ou vote), le choix se fait selon la loi sur les partis, pour tous les partis, à scrutin secret (art. 17). C’est également le cas en ce qui concerne l’ordre des candidats sur les listes dont doivent décider les sélecteurs – position par position – en vote secret (art. 27 (5) de la loi électorale fédérale). Ce sont finalement les statuts des partis au niveau des Länder et plus précisément leurs règlements de procédures (Verfahrensordnung) ou leurs codes électoraux (Wahlordnung) qui définissent de quelle manière le vote se fait – le cas le plus répandu étant le vote par position, à plusieurs tours si la majorité requise n’est pas obtenue au premier tour[17].
Concernant le niveau auquel la sélection des candidats de liste se produit, nous pouvons d’abord constater que la sélection s’opère dans tous les partis d’une manière décentralisée : elle est faite, en dernière instance, au niveau des congrès d’investiture dans les Länder. À cela s’ajoutent, dans les cas du SPD et de la CDU, dans un nombre limité de Länder (par exemple en Basse-Saxe et en Rhénanie-du-Nord-Westphalie pour le SPD et dans le Bade-Wurtemberg pour la CDU), des congrès d’investiture qui sont formellement prévus à un échelon inférieur à l’intérieur des Länder – c’est-à-dire au niveau des régions ou des districts. Dans ces cas, l’ordre de la liste se fait donc au niveau des régions et des districts, le congrès d’investiture au niveau du Land n’étant qu’une formalité prescrite par la loi électorale fédérale.
À la question du mode de sélection s’ajoute celle de savoir qui sélectionne les candidats (sélectorat). En Allemagne, ce sont les congrès d’investiture au niveau du Land qui réunissent soit tous les membres d’un parti au niveau du Land (investiture par les militants), soit des délégués qui sont à leur tour élus par les militants des sections locales par vote à bulletin secret (investiture par les délégués) et qui prennent les décisions, selon la loi électorale (art. 27 (5)), en dernière instance, concernant la composition des listes. En réalité, l’investiture directe des candidats de liste par les militants est, à la différence des investitures des candidats en circonscriptions, beaucoup moins courante. Pour les législatives en 2013, la composition des listes s’est faite dans 95 % des cas par des délégués[18]. Pourtant, la dimension de l’inclusivité/exclusivité du sélectorat ne se limite pas à la distinction entre militants et délégués. Il faut également identifier d’autres acteurs susceptibles d’intervenir au cours du processus de composition des listes ; il faut ensuite évaluer l’importance du rôle que jouent ces acteurs. Ce rôle peut être soit formalisé – donc inscrit dans les statuts des partis –, soit de nature informelle. Le statut fédéral du SPD, par exemple, souligne que les listes des partis sont établies en concertation avec le comité directeur du parti au niveau du Land (art. 12 (1)). Dans la plupart des cas, cela signifie que le comité directeur du parti régional prépare une proposition de liste qui est à son tour votée, souvent presque à l’unanimité, par les délégués. Cette procédure est prévue également dans les seize statuts régionaux du SPD ainsi que ceux de la CDU[19]. Selon les statuts des Verts, de la Gauche radicale et du FDP, le comité directeur régional ne joue pas de rôle formel[20].
En raison du manque de variance concernant la distinction entre militants et délégués dans le cas de la composition des listes pour les législatives allemandes en 2013, nous allons mesurer la dimension inclusivité/exclusivité du sélectorat en recourant à la distinction entre militants/délégués versus comité directeur ou autre forme de présélection. Cette dernière distinction nous paraît plus pertinente pour mesurer l’inclusivité du sélectorat en matière de composition des listes. Pour opérationnaliser cette dimension, nous avons pris comme proxy la moyenne des scores que les aspirants-candidats aux places éligibles ont obtenus lors de la composition officielle d’une liste dans un Land[21]. Cela peut être interprété comme suit : une moyenne élevée de scores pour les aspirants-candidats aux places éligibles laisse supposer qu’il y avait déjà une présélection des candidats avant la composition officielle de la liste, et donc un sélectorat plus exclusif. Nos résultats montrent que, tous Länder confondus, les scores moyens que les aspirants-candidats aux places éligibles ont obtenus sont, avec 88,3 %, les plus élevés pour la CDU/CSU, suivie par le SPD, les Verts, la Gauche radicale[22] et finalement, avec 69,8 %, le FDP (voir figure 1, lignes verticales). Néanmoins, nous trouvons également de grandes différences intra-partisanes qui vont d’un minimum de 72,9 % à un maximum de 99,4 % pour le SPD, de 78,5 à 96,3 % pour la CDU/CSU, de 63,7 à 88,8 % pour les Verts, de 57 à 84,2 % pour la Gauche radicale et de 55,6 à 93,3 % pour le FDP (figure 1). Ces résultats peuvent être interprétés d’abord comme un signe pour des sélectorats plus exclusifs (au-delà de la distinction militants/délégués) dans le cas des deux grands partis, et des sélectorats plus inclusifs dans le cas des petits partis. Ensuite, ils soulignent l’importance des divergences intra-partisanes au volet des méthodes de sélection et, dans ce cas particulier, concernant l’inclusivité/exclusivité du sélectorat.
Toutefois, l’analyse des modes de sélection serait incomplète si nous ne prenions pas également en compte les règles ou les quotas intra-partisans inscrits formellement dans les statuts des partis ou qui jouent un rôle d’une manière informelle lors du processus de sélection de candidats. S’agissant des cinq plus grands partis allemands, Marion Reiser (2014 : 59 et suiv.) identifie les quotas intra-partisans suivants : des quotas de femmes (adoptés volontairement par tous les partis eux-mêmes, à l’exception de la CSU et du FDP, sans que cela constitue une obligation légale)[23], des places sur les listes réservées à des candidats qui se présentent aussi en circonscription, aux députés sortants, ainsi qu’aux novices, et enfin ‒ et c’est une des règles les plus importantes ‒ des quotas régionaux, c’est-à-dire une répartition des listes par districts ou régions (c’est-à-dire au sein d’un Land). Même si, contrairement au SPD et à la CDU/CSU[24], le critère de la représentation des différentes régions n’est pas inscrit formellement dans les statuts, celui-ci est important également tant chez la Gauche radicale[25] qu’au FDP (ibid. : 60).
La préférence pour des députés sortants lors de la composition des listes n’est pas formellement inscrite dans les statuts des partis, mais elle constitue quand même un critère fortement institutionnalisé pour tous les partis analysés (ibid. : 59). Nous observons pour les législatives en 2013 des différences inter- mais aussi intra-partisanes concernant le taux de députés sortants parmi les aspirants-candidats pour les places éligibles des listes de partis. Tous Länder confondus, la moyenne par parti montre que, dans le cas de la CDU/CSU, seuls 18 % des aspirants aux places éligibles des listes sont des novices (définis comme n’ayant pas eu une place dans le dernier Bundestag, de 2009 à 2013) ; dans le cas du SPD le taux des novices est le double (41,2 %), suivi de la Gauche radicale (50,2 %), du FDP (57,7 %) et des Verts avec 62,3 % de novices en moyenne parmi les aspirants pour des places éligibles[26]. Ces résultats montrent que l’importance accordée au nombre des députés sortants sur les places éligibles des listes varie surtout entre la CDU/CSU – à la dernière place et de loin – et les quatre autres partis, mais aussi entre le SPD et les trois petits partis. Ces résultats peuvent être également compris comme une marque significative de l’importance que les Verts attachent au renouvellement du personnel politique. Cela va de pair avec le fait que, pour l’instant, ce soit le seul parti à avoir imposé un quota (formel) pour les novices lors de la composition des listes pour les élections législatives – même si ce n’est que dans un seul Land (art. 14 (4) du statut dans la Basse-Saxe). S’agissant des variations au niveau des Länder, nous pouvons constater de grandes différences intra-partisanes : le taux de novices va de 0 à 66,7 % dans le cas du SPD, de 0 à 100 % pour la CDU/CSU, de 21,4 à 100 % chez les Verts, de 28,6 à 81,5 % pour la Gauche radicale et, finalement, de 25 à 87,5 % dans le cas du FDP (voir la figure 2). Dans le cas de la CDU/CSU, il y a même sept Länder dans lesquels on ne trouve parmi les aspirants-candidats à des places éligibles aucun novice.
Ainsi, au-delà des points communs qui résultent surtout du cadre juridique et du contexte institutionnel, il y a d’importantes différences inter-partisanes. Celles-ci concernent tout particulièrement le sélectorat (plus exclusif dans les cas de la CDU/CSU et du SPD), les quotas de femmes (absents dans le cas du FDP et de la CSU et institutionnalisés, mais à différents niveaux, dans le cas des autres partis) et la place accordée aux députés sortants (on trouve un plus grand nombre de novices parmi les aspirants aux places éligibles des listes des Verts, de la Gauche radicale et du FDP). Néanmoins, nous avons pu également montrer qu’il y avait une grande variance concernant les modes de sélection au niveau intra-partisan, c’est-à-dire au sein d’un même parti. C’est pourquoi, dans les paragraphes qui suivent, cet aspect doit être également considéré quand il s’agit d’explorer l’impact des méthodes de sélection sur l’accessibilité aux listes par des aspirants d’origine étrangère.
Présence de candidats d’origine étrangère sur les listes des partis allemands et modes de sélection : des aspirants-candidats aux places éligibles
Après avoir décrit en détail les modes de sélection des candidats de listes pour les législatives de 2013 en Allemagne, nous nous penchons maintenant sur la présence des aspirants-candidats d’origine étrangère sur les listes des cinq grands partis allemands.
Aux législatives de 2013, ce sont en tout 1831 aspirants qui ont tenté d’avoir une place sur une des seize listes de Länder des cinq grands partis allemands[27]. Parmi eux, 96 étaient issus de l’immigration, dont 71 que nous pouvons qualifier de minorités visibles (soit respectivement 5,2 et 3,9 % de tous les aspirants-candidats). Les pays d’origine de la grande majorité des aspirants qui peuvent être qualifiés comme appartenant à une minorité visible sont la Turquie (53 %) suivie de l’Iran (11 %). Cette présence importante de personnes d’origine turque peut s’expliquer par le fait qu’elles constituent également dans la population allemande le groupe le plus large de personnes issues de l’immigration. Une autre explication serait l’existence d’une forte tradition de mobilisation politique ainsi que des réseaux sociopolitiques bien établis dans le cas des populations turques en Allemagne (Schönwälder, 2013 : 642). Nous pouvons en outre identifier une accumulation régionale : près des deux tiers (59,2 %) de ces aspirants que l’on peut qualifier comme appartenant à une minorité visible ont essayé de remporter l’investiture de leur parti dans quatre Länder (12 en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, 11 dans le Bade-Wurtemberg, 10 en Bavière, 9 à Berlin)[28]. Cela va de pair avec le fait qu’en Allemagne, selon les statistiques officielles, 65,6 % des personnes issues de l’immigration vivent aussi dans ces quatre États régionaux[29].
La répartition inter-partisane des aspirants d’origine étrangère indique, déjà au niveau des aspirants, que l’hypothèse concernant l’impact du positionnement idéologique du parti semble pouvoir être confirmée : parmi les aspirants faisant partie d’une minorité visible (mv) sur les listes des partis, un tiers (25 sur 71) ont essayé d’avoir une place sur une liste des Verts, 19 sur une liste du SPD, 15 sur une liste de la Gauche radicale, 7 pour le FDP et, finalement, 5 ont essayé d’avoir une place sur une liste de la CDU (tableau 1).
Si nous regardons le nombre d’aspirants qui ont finalement été nommés candidats sur une des seize listes des partis, nous constatons que presque tous ceux qui s’étaient présentés au congrès d’investiture de leur parti ont finalement remporté cette investiture : 1684 des 1831 aspirants ont ainsi été nommés candidats pour les législatives de 2013 (92 % de tous les aspirants). C’est surtout dans les deux grands partis que trois aspirants-candidats seulement (trois pour le SPD comme pour la CDU/CSU) n’ont pas été nommés candidats sur une liste. Cela peut être interprété soit comme une indication que les partis essaient de placer le plus grand nombre possible de candidats sur les listes pour, finalement, avoir des listes qui attirent le plus grand nombre d’électeurs possible, soit encore comme la preuve que, conformément à une hypothèse mise en avant dans la littérature scientifique, la sélection des candidats se ferait préalablement au congrès d’investiture. Cette dernière hypothèse est soutenue par nos données qui ont montré une tendance pour des sélectorats plus exclusifs qui interviennent au préalable, avant les congrès d’investiture dans le cas de la CDU/CSU et du SPD.
En revanche, seule une minorité des places sur les listes peuvent être qualifiées d’éligibles[30]. Au total, 23 candidats aux places éligibles appartiennent à des minorités visibles – dont encore la majorité (52 %) est d’origine turque, mais avec une proportion montante de personnes d’origine iranienne (17 %) ; 8,9 % des candidats à qui une place éligible a été attribuée chez les Verts peuvent être qualifiés de membres d’une minorité visible, 6,0 % dans le cas de Die Linke, 4 % dans celui du FDP, 3,8 % du SPD et 1,9 % dans le cas de la CDU/CSU (tableau 1). L’hypothèse selon laquelle le positionnement idéologique a un impact fort sur la sélection des candidats d’origine étrangère semble donc pouvoir être confirmée pour tous les trois niveaux de la « multi-step ladder [to Parliament] » (aspirants, candidats, places éligibles) (Norris et Lovenduski, 1993 : 376). Contrairement par exemple au Canada où le parti conservateur nomme aussi des candidats d’origine étrangère en grand nombre pour conquérir les minorités visibles en tant qu’électeurs (Bird, 2011 : 68), le clivage gauche-droite concernant les minorités d’origine étrangère continue d’exister dans le système partisan allemand (surtout entre la CDU/CSU et les trois partis de gauche). En revanche, il importe de souligner deux points : tout d’abord, en ce qui a trait à la proportion de personnes appartenant à une minorité visible dans le total des aspirants-candidats au sein d’un parti donné, il existe non seulement un clivage entre la gauche et la droite, mais également entre les partis de gauche – le SPD d’un côté et les Verts et la Gauche radicale de l’autre (respectivement 3,8 % contre 8,9 et 6,0 % des places éligibles, voir le tableau 1)[31]. Ces résultats sont particulièrement intéressants au regard des études sur le comportement de vote des personnes issues de l’immigration en Allemagne. Andreas Wüst (2004 : 351) a démontré que, comme ce sont surtout les citoyens d’origine turque qui tendent à voter très majoritairement pour le SPD, c’est ce dernier qui profite le plus du vote de la population d’origine étrangère (visible). En outre, si nous analysons la chance relative des minorités visibles d’obtenir une place éligible sur une liste comparée à celle des autres aspirants-candidats (les odds ratios), nous observons que si un des leurs a été nommé candidat, les minorités visibles ont une plus grande chance d’obtenir une place éligible sur les listes dans le cas du FDP, de la CDU et des Verts (tableau 2)[32]. Ajoutons tout de même que les résultats doivent être lus avec discernement compte tenu des effectifs très faibles.
Après avoir montré les différences inter-partisanes chez les aspirants-candidats aux différentes étapes du recrutement législatif, nous allons dans les paragraphes qui suivent mettre en relation les modes de sélection avec les chances des minorités visibles d’avoir une place éligible sur les listes. Premièrement, nous remarquons le taux relativement élevé de femmes parmi les personnes des minorités visibles en position éligible : ce taux passe de 35,4 % pour les aspirants-candidats d’origine étrangère à 47,8 % des places éligibles (contre 41,2 % des candidats aux places éligibles qui ne peuvent pas être identifiés comme étant membres d’une minorité visible). Cela pourrait être interprété comme une conséquence des quotas de femmes imposés pour les listes : avec le choix d’une telle candidate, deux critères de sélection peuvent être considérés comme remplis en une fois (le sexe et l’origine étrangère – à condition de considérer cette dernière comme un critère).
Deuxièmement, en ce qui concerne la présence de députés sortants sur les listes de candidats, nous avons déjà montré que le taux de députés sortants parmi les aspirants aux places éligibles est plus élevé dans les cas de la CDU/CSU et du SPD que dans les autres partis (Die Linke, FDP et Verts). À première vue, cela va de pair avec le constat selon lequel il y a plus de personnes issues des minorités visibles en position éligible dans le cas de ces trois derniers partis que chez les deux grands partis. Mais ce constat ne se vérifie pas au niveau des Länder pour la totalité des partis (tableau 3) : il n’y pas de corrélation entre le taux de novices et le taux de succès[33] (coefficient de corrélation de Pearson = 0,032). Si nous distinguons entre les différents partis, les résultats sont les suivants : dans le cas de la CDU/CSU, dans les quatre Länder où des représentants des minorités visibles se portaient candidats pour une place sur la liste, un taux élevé de députés sortants (voire un taux supérieur à la moyenne) va de pair avec un taux de succès plutôt bas pour les aspirants identifiés comme membres d’une minorité visible et, respectivement, un taux bas de députés sortants avec un taux de succès plutôt élevé pour les minorités visibles ; pour le SPD, c’est le cas dans 5 Länder (sur 8 où il y a des aspirants-candidats issus de l’immigration) ; pour la Gauche radicale dans 3 sur 7 Länder ; chez les Verts dans 4 sur 10 États régionaux ; et finalement pour le FDP dans 1 seul sur 4 États régionaux. Autrement dit, la forte présence de députés sortants n’a pas toujours un effet négatif sur la sélection des candidats d’origine étrangère : dans le cas du FDP, 3 candidats d’origine étrangère visible à des places éligibles étaient eux-mêmes des députés sortants, pour la CDU 1 des 2 places éligibles était occupée par un député sortant ; pour le SPD, 2 sur 5, pour les Verts 3 sur 7, et pour la Gauche radicale 2 candidats sur 5 étaient issus de l’immigration.
Finalement, nous allons tester l’hypothèse selon laquelle des sélectorats plus exclusifs sont plus favorables aux minorités (Hazan et Rahat, 2010 : 114). Pour mesurer la taille du sélectorat, nous avons pris comme proxy la moyenne des scores que les aspirants-candidats aux places éligibles ont obtenus lors de la composition officielle de la liste (en interprétant des scores élevés comme indication d’une présélection des candidats de listes et par conséquent un sélectorat plus exclusif). Nos analyses font apparaître, pour le cas des investitures lors des législatives en 2013, une corrélation négative plutôt faible entre les scores et le taux de succès (coefficient de corrélation de Pearson = 0,130)[34]. En distinguant encore une fois entre partis et Länder, nos résultats montrent des relations négatives pour tous les partis à l’exception de la CDU/CSU (tableau 3). Pourtant, dans le cas de ce dernier, les deux seules personnes issues d’une minorité visible sur des places éligibles se trouvent sur une même liste (celle de la CDU en Rhénanie-du-Nord-Westphalie) ; le taux de succès ici est de 100 %, alors que dans tous les autres Länder il est de 0 % – ce qui explique la corrélation positive. Pour résumer, les observations empiriques ne confirment pas l’hypothèse mise en avant dans la littérature scientifique que des sélectorats plus exclusifs sont plus favorables aux candidats minoritaires – ce serait même plutôt le contraire. Nous pouvons en conclure qu’un effet positif d’un sélectorat exclusif dépend fort probablement de l’intérêt des sélecteurs à prendre en considération le critère de l’origine étrangère.
Conclusion
L’objectif principal de cet article était d’explorer la relation entre les modes de sélection et la représentativité du personnel politique, en particulier en matière de diversité ethnique des listes de candidats aux élections législatives de 2013. En science politique, les études réalisées à ce jour sur ces deux aspects – les modes de sélection des candidats en général et la sélection des candidats d’origine étrangère – sont lacunaires, en particulier en Allemagne.
Nous avons montré qu’en raison des prescriptions légales, les modes de sélection des différents partis politiques allemands présentent une grande homogénéité. Néanmoins, nous avons observé des différences surtout entre les deux grands partis (SPD et CDU/CSU) et les trois petits (Verts, Gauche radicale, FDP) : les premiers accordent, même formellement, un plus grand rôle au comité directeur au niveau des Länder (ou dans quelques cas des districts) dans la présélection des candidats. Pour les trois petits partis, nos analyses ont montré qu’il y avait un plus haut taux de compétition lors de la composition officielle de la liste, ce qui correspond à des sélectorats plus inclusifs. En d’autres termes, la composition de la liste est vraiment faite par les délégués/militants lors du congrès d’investiture, contrairement à ce qui se passe dans des partis avec des sélectorats plus exclusifs où la décision a déjà été prise par le comité directeur et où les délégués/militants n’ont fait que donner leur bénédiction. En outre, le SPD et surtout la CDU/CSU semblent attacher plus d’importance à la re-sélection des députés sortants que les trois petits partis.
Il apparaît par ailleurs que très peu de candidats sélectionnés par les cinq grands partis allemands sont issus de l’immigration. Le positionnement idéologique du parti semble jouer un grand rôle : ce sont avant tout les partis de gauche et ici surtout les Verts qui sélectionnent majoritairement des candidats issus de minorités ethniques. Néanmoins, nous avons également pu établir que, pour la CDU/CSU, une fois désignés candidats, les personnes appartenant à une minorité visible avaient aussi une grande chance d’obtenir une place éligible. Les résultats de notre analyse exploratoire font ressortir pareillement l’importance de tenir compte des modes de sélection quand il s’agit de comprendre le déséquilibre en matière d’origine ethnique au volet de la composition des assemblées : des méthodes de sélection plus ouvertes (moins d’implication du comité directeur, plus de places pour des novices) semblent pouvoir contribuer à une plus grande accessibilité aux listes par des aspirants-candidats issus de l’immigration. D’une part, cela peut être compris comme étant une première piste à suivre pour mieux comprendre le déséquilibre entre les trois partis de gauche : la Gauche radicale et les Verts d’un côté et le SPD de l’autre. D’autre part, il faut souligner que ces résultats sont en contradiction avec l’hypothèse mise en avant dans la littérature scientifique selon laquelle des sélectorats plus exclusifs sont plus favorables à l’intégration des minorités que des sélectorats plus inclusifs. Un autre point que nos analyses font ressortir est qu’en raison du système fédéral et d’une forte autonomie des associations des partis au niveau des Länder, des différences intra-partisanes importantes apparaissent sur le plan des modes de sélection. Des taux différents de novices dans les différents Länder peuvent donc faciliter (ou rendre plus difficile) l’accessibilité aux listes par les aspirants d’origine étrangère (à condition que ces derniers ne soient pas des députés sortants eux-mêmes).
Compte tenu de leur caractère exploratoire, nos analyses sur la relation entre les modes de sélection et la sélection des candidats d’origine étrangère n’ont pu montrer que des tendances. Les effectifs très faibles rendent une analyse systématique difficile. En outre, seule une pièce dans le puzzle de la sélection des candidats en général et des minorités d’origine étrangère était analysée. Dans des recherches futures, les autres facteurs qui sont supposés influencer la sélection des candidats d’origine étrangère devraient également être pris en considération. Il s’agit surtout de comprendre pourquoi le taux des personnes d’origine étrangère qui aspirent à une place sur une liste de parti est si bas – en particulier chez les deux grands partis allemands – et si cela est lié à des processus de sélection qui semblent être trop fermés pour des minorités et, par conséquent, dissuadent les personnes appartenant à ces minorités de poser leur candidature. D’une manière plus générale, il importe également d’étudier en détail le rôle – positif, négatif ou neutre – que joue l’origine ethnique lors du processus de sélection des candidats aux différents partis politiques.
Parties annexes
Note biographique
Elisa Deiss-Helbig est doctorante en sciences politiques et enseignante à l’Université de Stuttgart. Son domaine de recherche se concentre sur les partis politiques et leur rôle dans le processus de recrutement des élites politiques ainsi que sur la représentation parlementaire. Parmi ses publications : « Les deux Sénats : mode de scrutin et profil des sénateurs français », Pôle Sud, 2011, no 35, p. 113-128 (avec Eric Kerrouche, Tinette Schnatterer et Sylvain Brouard) et « From Theory to Practice : Citizens’ Attitudes about Representation in France », Journal of Legislative Studies, 2013, vol. 19, no 2, p. 178-195 (avec Sylvain Brouard, Olivier Costa et Eric Kerrouche).
Notes
-
[1]
(https://www.destatis.de/DE/Publikationen/Thematisch/Bevoelkerung/MigrationIntegration/Migrationshintergrund2010220117004.pdf?__blob=publicationFile), consulté le 1er novembre 2016.
-
[2]
(http://mediendienst-integration.de/integration/politik.html) consulté le 2 décembre 2016.
-
[3]
Le concept des minorités visibles est défini comme suit dans la loi canadienne sur l’équité en matière d’emploi de 1986 : « les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n’ont pas la peau blanche ». Absent dans le discours européen jusqu’à tout récemment, ce concept est de plus en plus utilisé aussi dans les sciences sociales européennes (voir par exemple Wüst et Saalfeld, 2010).
-
[4]
À l’exception de Roberts (1988) ou de Schüttemeyer et Sturm (2005) et de quelques études dans les années 1970 (Kaack, 1969 ; Zeuner, 1970), nous trouvons récemment plusieurs publications de Reiser sur ce sujet (2011 ; 2013 ; 2014).
-
[5]
Pour une discussion détaillée des critiques du concept de la représentation miroir, voir notamment Phillips (1995 : 22 et suiv.) ou Mansbridge (1999 : 629 et suiv.).
-
[6]
Selon Rahat et Hazan (2001 : 301), cette dimension doit être comprise comme étant un continuum avec, sur un des deux pôles extrêmes, les sélectorats les plus inclusifs où tous les citoyens ayant le droit de vote peuvent participer à l’investiture, et sur l’autre pôle extrême les sélectorats les plus exclusifs où un seul leader décide qui va se présenter comme candidat.
-
[7]
En revanche, Hazan et Rahat (2010 : 116) soulignent également que la mise en oeuvre de mécanismes correcteurs, comme des quotas, peut aider à garantir la représentativité des candidats, notamment dans le cas des sélectorats inclusifs.
-
[8]
En revanche, dans le programme de la CDU, nous trouvons le terme « pays d’intégration » au lieu de « pays d’immigration » que tous les autres partis utilisent.
-
[9]
Il faut souligner que, pour les candidats qui se présentent dans les circonscriptions, il y a aussi la possibilité des candidatures hors parti, ce qui n’arrive cependant que très rarement.
-
[10]
Ici il s’agit d’un cas particulier : la CSU est le parti frère de la CDU qui se présente exclusivement en Bavière. La coopération des deux partis sur le plan fédéral est appelée la CDU/CSU.
-
[11]
À la suite des législatives en 2009, le FDP n’avait aucun représentant dans le Bundestag qui était élu au scrutin majoritaire (sur 93 au total), les Verts un seul (sur 68 au total), la Gauche radicale en avait 16 (sur 76) et le SPD 64 (sur 146). C’est finalement seulement la CDU/CSU qui avait gagné plus de mandats directs élus au scrutin majoritaire (218) que par les listes (21). Voir : (https://www.bundeswahlleiter.de/de/bundestagswahlen/BTW_BUND_09/presse/75_EndgueltigesErgebnis.html), consulté le 30 septembre 2016.
-
[12]
Les Allemands rapatriés ([Spät-]Aussiedler), venus de l’Europe centrale et de l’Est ainsi que de l’ex-Union soviétique et qui font partie de groupes de personnes venus récemment, ne vont pas être pris en considération ici. Pour des raisons historiques, le statut juridique de ces migrants diffère considérablement de celui des migrants non allemands (voir par exemple Fonseca, 2011 : 117).
-
[13]
D’autres études ont également utilisé cette méthode (notamment Wüst, 2011).
-
[14]
Selon l’article 21 (6) de la loi électorale, les partis sont obligés de rédiger un procès-verbal du congrès d’investiture. La mise à disposition du procès-verbal au public n’est en revanche pas obligatoire. Afin d’obtenir les procès-verbaux des congrès d’investiture, nous avons contacté par courriel tous les bureaux des cinq partis au niveau des seize Länder. La plupart des partis nous ont donné accès à leurs procès-verbaux ; quelques-uns ne nous ont transmis que les informations demandées (les noms de tous les aspirants-candidats, l’existence des candidatures opposées, les scores que les candidats ont obtenus). Ajoutons que nous n’avons obtenu aucune information de la part des partis pour six congrès d’investiture (sur 80 au total) – quatre dans le cas de la Gauche radicale et dans un seul Land pour la CDU et le FDP. Dans ces cas, seuls les candidats finalement placés sur la liste ont été pris en considération (ces données sont accessibles au public). Quant aux scores que les candidats ont obtenus, ces informations manquent dans 15 cas. C’est pourquoi, dans les analyses qui suivent, ces cas vont être qualifiés comme manquants.
-
[15]
En revanche, il faut souligner qu’en raison des prescriptions que fait la loi électorale, les procédures de sélection sont décrites d’une manière moins détaillée dans les statuts qu’elles ne le sont dans d’autres pays (Bukow et Poguntke, 2013 : 181).
-
[16]
Dans tous les statuts fédéraux, cela est défini comme droit des membres du parti : Statut fédéral des Verts 2012 art. 6 (1) ; statut fédéral de la Gauche radicale 2012 art. 4 (1) ; statut fédéral du SPD 2012 art. 5 (1) ; statut fédéral de la CDU 2006 art. 6 (1) et de la CSU 2010 art. 6 (1) ; statut fédéral du FDP 2012 art. 4 (1).
-
[17]
C’est, par exemple, le cas pour le SPD dans tous les seize Länder (art. 7 (4) du code électoral fédéral du SPD). Quelques codes électoraux prévoient aussi la possibilité de votes en bloc pour lesquels l’ordre des candidats est établi par le nombre des voix que ceux-ci obtiennent (par exemple : art. 6 (5) du code électoral des Verts au Brandebourg ; art. 6 (4) du code électoral fédéral du parti de la Gauche radicale).
-
[18]
L’investiture des candidats de liste par les militants ne se faisait que dans quatre cas sur 80 (les Verts en Hambourg, en Brême et en Hesse, et la Gauche radicale en Brême).
-
[19]
Dans quelques statuts régionaux, la formation d’une commission électorale (Wahlausschuss) est aussi prévue pour préparer une proposition de liste qui, en dernière instance, est soumise au vote au congrès d’investiture. Dans ces cas, la composition de la commission est aussi définie dans les statuts (notamment : CDU Hambourg art. 24 (1+2) ; Hesse art. 63 (1)).
-
[20]
En revanche, dans le cas de la Gauche radicale, les statuts dans deux Länder d’Allemagne de l’Est prévoient qu’une commission électorale chargée de préparer une proposition de liste soit formée, ou que cette proposition soit faite par le comité directeur. Il importe également de souligner que même si les statuts ne prévoient pas explicitement l’implication d’un autre acteur-sélecteur que les délégués/membres eux-mêmes, une telle implication ne peut pas être complètement exclue.
-
[21]
Cela peut être complété par la prise en considération des candidatures opposées pour les places éligibles de la liste. L’absence (complète) de ces dernières peut également indiquer une présélection des candidats par un sélectorat plus exclusif. Nos données pour les législatives de 2013 montrent que ces deux indicateurs sont fortement liés.
-
[22]
Il faut préciser qu’il manque de données disponibles dans six Länder dans le cas de la Gauche radicale, dans quatre pour la CDU/CSU, dans trois Länder dans le cas du FDP et dans un État régional chez le SPD et les Verts.
-
[23]
Néanmoins, il y a des différences inter-partisanes concernant le taux du quota : dans les cas des Verts et de la Gauche radicale, les statuts fédéraux demandent que 50 % de places sur les listes soient occupées par des femmes ; pour le SPD 40 % ; et pour la CDU, ce sont un tiers des places sur les listes. De plus, le degré d’institutionnalisation varie entre les partis.
-
[24]
Nous trouvons des paragraphes sur l’implication des régions/districts dans le cas du SPD dans les statuts en Basse-Saxe (art. 5a (1+6)), en Saxe-Anhalt (art. 10), en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (art. 14 (2)), en Rhénanie-Palatinat (art. 4 (3)) et en Bavière (art. 18) ; pour la CDU, dans les statuts en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (art. 17 (2)) et en Bade-Wurtemberg (art. 13) ; et pour la CSU (art. 22). En revanche, à l’exception de la CDU dans le Bade-Wurtemberg (art. 7 (2) du règlement de procédure), la clé de répartition des places sur la liste par région ou district n’est pas définie dans les statuts, mais se fait d’une manière informelle, néanmoins fortement institutionnalisée (Reiser, 2014 : 60).
-
[25]
Les statuts de la Gauche radicale en Saxe comprennent notamment un paragraphe qui souligne l’importance de prendre en compte une représentation conforme des régions lors de la composition des listes (art. 42 (3)).
-
[26]
Par contre, il faut souligner que le pourcentage des novices aspirant à une place éligible sur une liste de parti ne nous dit rien, ni sur la distribution des novices sur les places éligibles, ni sur leurs chances d’obtenir finalement une place éligible sur la liste. Néanmoins, il faut se rappeler que ces résultats ne peuvent être interprétés que comme un premier indice quant à l’accessibilité aux listes par des novices.
-
[27]
Dont un tiers (31,7 %) qui ont essayé d’avoir une place uniquement sur une liste de parti et 68,3 % sur une liste et, en même temps, dans une circonscription.
-
[28]
Tous les aspirants-candidats d’origine étrangère qualifiables en tant que minorité visible ont essayé d’obtenir une place sur une liste dans un des douze Länder d’Allemagne de l’Ouest, à l’exception d’un seul aspirant qui postulait une place sur la liste du SPD dans le Saxe-Anhalt.
-
[29]
(https://www.destatis.de/DE/Publikationen/Thematisch/Bevoelkerung/MigrationIntegration/Migrationshintergrund.html), consulté le 1er novembre 2016.
-
[30]
Comparé au nombre total des sièges dans le Bundestag, le nombre relativement grand (499) de places éligibles (voir tableau 1) peut être expliqué, premièrement, par le fait qu’il s’agit des places éligibles et non nécessairement sûres et, deuxièmement, par la nature du système électoral. En raison de la pratique répandue des doubles candidatures, un certain nombre de candidats à des places éligibles se portent également candidats dans des circonscriptions (fortement) gagnables et, finalement, font leur entrée dans le Bundestag allemand comme candidats de circonscription.
-
[31]
Néanmoins, pour le SPD, il faut spécifier qu’en prenant aussi en compte les candidatures dans les circonscriptions, le nombre des minorités visibles monte – contrairement aux Verts ou à la Gauche radicale qui, en outre, n’ont que très peu de chances de gagner une circonscription –, mais continue quand même de rester inférieur à celui des Verts et de la Gauche radicale (Deiss-Helbig, 2014b).
-
[32]
Les odds ratios sont calculés sur la base des résultats indiqués au tableau 1, suivant la formule suivante : , où p1 = la probabilité pour une minorité visible d’avoir une place éligible sur la liste, et p0 celle pour les aspirants-candidats ne pouvant pas être identifiés comme faisant partie d’une minorité visible.
-
[33]
Le taux de succès se calcule par le nombre des minorités visibles qui finalement obtiennent une place éligible sur une liste divisé par le nombre de personnes d’une minorité visible qui posaient leur candidature pour une place sur cette liste (multiplié par 100).
-
[34]
Comme il ne s’agit pas d’un échantillon aléatoire mais d’un recensement de tous les aspirants-candidats pour les législatives en 2013, nous ne prenons pas en compte la signification statistique des résultats.
Bibliographie
- Avanza, Martina, 2010, « Qui représentent les élus de la ‘diversité’ ? Croyances partisanes et points de vue de ‘divers’ », Revue française de science politique, vol. 60, no 4, p. 745-767.
- Beauchemin Cris, Christelle Hamel, Maud Lesné et Patrick Simon, 2010, « Les discriminations : une question de minorités visibles », Population & Sociétés, no 466, p. 1-4.
- Bird, Karen, 2005, « The Political Representation of Visible Minorities in Electoral Democracies : A Comparison of France, Denmark, and Canada », Nationalism and Ethnic Politics, vol. 11, no 4, p. 425-465.
- Bird, Karen, 2011, « Party Choices among Immigrants and Visible Minorities in Comparative Perspective : Canada », dans Karen Bird, Thomas Saalfeld et Andreas M. Wüst (sous la dir. de), The Political Representation of Immigrants and Minorities. Voters, Parties and Parliaments in Liberal Democracies, London/New York, Routledge, p. 66-69.
- Bird, Karen, Thomas Saalfeld et Andreas M. Wüst, 2011, « Ethnic Diversity, Political Participation and Representation : A Theoretical Framework », dans Karen Bird, Thomas Saalfeld et Andreas M. Wüst (sous la dir. de), The Political Representation of Immigrants and Minorities. Voters, Parties and Parliaments in Liberal Democracies, London/New York, Routledge, p. 1-21.
- Black, Jerome H. et Lynda Erickson, 2006, « Ethno-racial Origins of Candidates and Electoral Performance. Evidence from Canada », Party Politics, vol. 12, no 4, p. 541-561.
- Bloemraad, Irene, 2013, « Accessing the Corridors of Power : Puzzles and Pathways to Understanding Minority Representation », West European Politics, vol. 36, no 3, p. 652-670.
- Bukow, Sebastian et Thomas Poguntke, 2013, « Innerparteiliche Organisation und Willensbildung » [Organisation interne des partis politiques et formation de la volonté], dans Oskar Niedermayer (sous la dir. de), Handbuch Parteienforschung [Manuel des études sur les partis politiques], Wiesbaden, Springer VS, p. 179-209.
- Caul Kittilson, Miki et Katherine Tate, 2005, « Political Parties, Minorities and Elected Office. Comparing Opportunities for Inclusion in the United States and Britain », dans Christina Wolbrecht et Rodney Hero (sous la dir. de), The Politics of Democratic Inclusion, Philadelphia, PA, Temple University Press, p. 163-185.
- Deiss-Helbig, Elisa, 2014a, « Im ‘secret garden of politics’ : Visible Minority-Aspiranten zur Bundestagswahl 2013 » [Dans le ‘jardin secret de la politique’ : les aspirants-candidats issus des minorités visibles lors des élections législatives allemandes de 2013], Mitteilungen des Instituts für Parteienrecht und Parteienforschung [Communiqué du Centre de recherche sur les partis politiques et le droit des partis politiques], vol. 20, p. 160-669.
- Deiss-Helbig, Elisa, 2014b, « The Nomination of Minority Candidates for the 2013 German Legislative Elections : Testing the ‘Catch-all Party’ Hypothesis », European Consortium for Political Research General Conference, Glasgow.
- Demesmay, Claire, 2009, « Identité et diversité culturelle, enjeux polarisants du débat politique », dans Claire Demesmay et Manuela Glaab (sous la dir. de), L’avenir des partis politiques en France et en Allemagne, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, p. 191-208.
- Donovan, Barbara, 2007, « ‘Minority’ Representation in Germany », German Politics, vol. 16, no 4, p. 455-480.
- Fonseca, Sara Claro, 2011, « New Citizens – New Candidates ? Candidate Selection and the Mobilization of Immigrant Voters in German Elections », dans Karen Bird, Thomas Saalfeld et Andreas M. Wüst (sous la dir. de), The Political Representation of Immigrants and Minorities. Voters, Parties and Parliaments in Liberal Democracies, London/New York, Routledge, p. 109-127.
- Gallagher, Michael, 1988, « Introduction », dans Michael Gallagher et Michael Marsh (sous la dir. de), Candidate Selection in Comparative Perspective : The Secret Garden of Politics, Beverly Hills/London, Sage Publications, p. 1-19.
- Gay, Claudine, 2002, « Spirals of Trust ? The Effect of Descriptive Representation on the Relationship between Citizens and Their Government », American Journal of Political Science, vol. 46, no 4, p. 717-732.
- Hazan, Reuven Y. et Gideon Rahat, 2006a, « Candidate Selection : Methods and Consequences », dans Richard S. Katz et William Crotty (sous la dir. de), Handbook of Party Politics, London/Thousand Oaks/New Delhi, Sage Publications, p. 109-121.
- Hazan, Reuven Y. et Gideon Rahat, 2006b, « The Influence of Candidate Selection Methods on Legislatures and Legislators : Theoretical Propositions, Methodological Suggestions, and Empirical Evidence », The Journal of Legislative Studies, vol. 12, nos 3-4, p. 366-385.
- Hazan, Reuven Y. et Gideon Rahat, 2010, Democracy within Parties. Candidate Selection Methods and Their Political Consequences, Oxford, Oxford University Press.
- Hennl, Annika et André Kaiser, 2008, « Ticket-balancing in Mixed-member Proportional Systems. Comparing Sub-national Elections in Germany », Electoral Studies, vol. 27, no 2, p. 321-336.
- Hero, Rodney E. et Caroline J. Tolbert, 1995, « Latinos and Substantive Representation in the US House of Representatives : Direct, Indirect, or Nonexistent ? », American Journal of Political Science, vol. 39, no 3, p. 640-652.
- Jenson, Jane et Éléonore Lépinard, 2009, « Penser le genre en science politique. Vers une typologie des usages du concept », Revue française de science politique, vol. 59, no 2, p. 183-201.
- Kaack, Heino, 1969, Wahlkreisgeographie und Kandidatenauslese [Géographie des circonscriptions électorales et sélection de candidats], Köln/Opladen, Westdeutscher Verlag.
- Katz, Richard S., 2001, « The Problem of Candidate Selection and Models of Party Democracy », Party Politics, vol. 7, no 3, p. 277-296.
- Kitschelt, Herbert P., 1988, « Left-Libertarian Parties : Explaining Innovation in Competitive Party Systems », World Politics, vol. 40, no 2, p. 194-234.
- Manow, Philip et Martina Nistor, 2009, « Wann ist ein Listenplatz sicher ? Eine Untersuchung der Bundestagswahlen 1953 bis 2002 » [Quand une place sur une liste électorale peut-elle être considérée comme éligible ? Une étude des élections législatives de 1953 à 2002], Zeitschrift für Parlamentsfragen [Revue des questions parlementaires], vol. 40, no 3, p. 603-620.
- Mansbridge, Jane, 1999, « Should Blacks Represent Blacks and Women Represent Women ? A Contingent ‘Yes’ », The Journal of Politics, vol. 61, no 3, p. 628-657.
- Mikulska, Anna B. et Susan E. Scarrow, 2010, « Assessing the Political Impact of Candidate Selection Rules : Britain in the 1990s », Journal of Elections, Public Opinion and Parties, vol. 20, no 3, p. 311-333.
- Norris, Pippa, 1997a, « Introduction : Theories of Recruitment », dans Pippa Norris (sous la dir. de), Passages to Power. Legislative Recruitment in Advanced Democracies, Cambridge, Cambridge University Press, p. 1-14.
- Norris, Pippa, 1997b, « Conclusion : Comparing Passages to Power », dans Pippa Norris (sous la dir. de), Passages to Power. Legislative Recruitment in Advanced Democracies, Cambridge, Cambridge University Press, p. 209-231.
- Norris, Pippa et Joni Lovenduski, 1993, « ‘If Only More Candidates Came Forward’ : Supply-side Explanations of Candidate Selection in Britain », British Journal of Political Science, vol. 23, no 3, p. 373-408.
- Pantoja, Adrian D. et Gary M. Segura, 2003, « Does Ethnicity Matter ? Descriptive Representation in Legislature and Political Alienation among Latinos », Social Science Quarterly, vol. 84, no 2, p. 441-460.
- Phillips, Anne, 1995, The Politics of Presence, Oxford, Clarendon Press.
- Pitkin, Hanna Fenichel, 1967, The Concept of Representation, Berkeley/Los Angeles, University of California Press.
- Poguntke, Thomas, 1987, « New Politics and Party Systems : The Emergence of a New Type of Party ? », West European Politics, vol. 10, no 1, p. 47-88.
- Rahat, Gideon et Reuven Y. Hazan, 2001, « Candidate Selection Methods : An Analytical Framework », Party Politics, vol. 7, no 3, p. 297-322.
- Reiser, Marion, 2011, « „Wer entscheidet unter welchen Bedingungen über die Nominierung von Kandidaten ?“ Die innerparteilichen Selektionsprozesse zur Aufstellung in den Wahlkreisen » [« Qui décide de la nomination des candidats, et selon quelles conditions ? » Les processus de sélection intra-partisane des candidatures en circonscription], dans Oskar Niedermayer (sous la dir. de), Die Parteien nach der Bundestagswahl 2009 [Les partis politiques après les élections législatives de 2009], Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, p. 237-259.
- Reiser, Marion, 2013, « Ausmaß und Formen des innerparteilichen Wettbewerbs auf der Wahlkreisebene : Nominierung der Direktkandidaten für die Bundestagswahl 2009 » [Ampleur et formes de la compétition intra-partisane à l’échelon des circonscriptions : nomination des candidats de circonscription pour les élections législatives de 2009], dans Thorsten Faas, Kai Arzheimer, Sigrid Roßteutscher et Bernhard Weßels (sous la dir. de), Koalitionen, Kandidaten, Kommunikation [Coalitions, candidats et communications], Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, p. 129-147.
- Reiser, Marion, 2014, « The Universe of Group Representation in Germany : Analysing Formal and Informal Party Rules and Quotas in the Process of Candidate Selection », International Political Science Review, vol. 35, no 1, p. 55-66.
- Roberts, Geoffrey, 1988, « The German Federal Republic : The Two-lane Route to Bonn », dans Michael Gallagher et Michael Marsh (sous la dir. de), Candidate Selection in Comparative Perspective : The Secret Garden of Politics, Beverly Hills/London, Sage Publications, p. 94-118.
- Sapiro, Virginia, 1981, « When Are Interests Interesting ? The Problem of Political Representation of Women », The American Political Science Review, vol. 75, no 3, p. 701-716.
- Schönwälder, Karen, 2013, « Immigrant Representation in Germany’s Regional States : The Puzzle of Uneven Dynamics », West European Politics, vol. 36, no 3, p. 634-651.
- Schüttemeyer, Suzanne S. et Roland Sturm, 2005, « Der Kandidat - das (fast) unbekannte Wesen : Befunde und Überlegungen zur Aufstellung der Bewerber zum Deutschen Bundestag » [Le candidat – l’être (quasi) inconnu : Constats et réflexions quant à la sélection des candidats pour le Bundestag allemand], Zeitschrift für Parlamentsfragen [Revue des questions parlementaires], vol. 36, no 3, p. 539-553.
- Soininen, Maritta, 2011, « Ethnic Inclusion or Exclusion in Representation ? Local Candidate Selection in Sweden », dans Karen Bird, Thomas Saalfeld et Andreas M. Wüst (sous la dir. de), The Political Representation of Immigrants and Minorities. Voters, Parties and Parliaments in Liberal Democracies, London/New York, Routledge, p. 145-163.
- Spies, Dennis C. et André Kaiser, 2014, « Does the Mode of Candidate Selection Affect the Representativeness of Parties ? », Party Politics, vol. 20, no 4, p. 576-590.
- Vega, Arturo et Juanita M. Firestone, 1995, « The Effects of Gender on Congressional Behavior and the Substantive Representation of Women », Legislative Studies Quarterly, vol. 20, no 2, p. 213-222.
- Wüst, Andreas M., 2004, « Naturalised Citizens as Voters : Behaviour and Impact », German Politics, vol. 13, no 2, p. 341-359.
- Wüst, Andreas M., 2011, « Migrants as Parliamentary Actors in Germany », dans Karen Bird, Thomas Saalfeld et Andreas M. Wüst (sous la dir. de), The Political Representation of Immigrants and Minorities. Voters, Parties and Parliaments in Liberal Democracies, London/New York, Routledge, p. 250-265.
- Wüst, Andreas M., 2014, « A Lasting Impact ? On the Legislative Activities of Immigrant-origin Parliamentarians in Germany », The Journal of Legislative Studies, vol. 20, no 4, p. 495-515.
- Wüst, Andreas M. et Thomas Saalfeld, 2010, « Abgeordnete mit Migrationshintergrund im Vereinigten Königreich, Frankreich, Deutschland und Schweden : Opportunitäten und Politikschwerpunkte » [Les parlementaires issus de l’immigration au Royaume-Uni, en France, en Allemagne et en Suède : Opportunités et spécialisations politiques], Politische Vierteljahresschrift [Revue politique trimestrielle], vol. 44 (numéro spécial), p. 312-333.
- Zeuner, Bodo, 1970, Kandidatenaufstellung zur Bundestagswahl 1965. Untersuchungen zur innerparteilichen Willensbildung und zur politischen Führungsauslese [La sélection des candidats pour les élections législatives de 1965. Analyses de la formation de la volonté intra-partisane et de la sélection des leaders], Den Haag, Martinus Nijhoff.