Recensions

Ceci n’est pas une idée politique : Réflexions sur les approches à l’étude des idées politiques, sous la dir. de Dalie Giroux et Dimitrios Karmis, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Prisme », 2013, 482 p.[Notice]

  • Isabelle Bernard

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Cet ouvrage contribue certainement à une meilleure compréhension de l’étude des idées politiques en réunissant des chercheurs qui offrent des analyses parfois opposées et couvrent un éventail large d’approches permettant à chacun d’y trouver son compte. Cependant, le public cible de Ceci n’est pas une idée politique a l’inconvénient d’être très restreint, contrairement à ce qui est annoncé en introduction (p. 4). Des chapitres particuliers susciteront l’intérêt principalement de professeurs, de doctorants et de chercheurs en théorie/philosophie/pensée politique. Les problématiques abordées dans la majeure partie des chapitres sont très spécifiques. L’ouvrage ne vise donc pas à introduire les lecteurs aux différentes approches de l’étude des idées politiques, mais plutôt à présenter diverses perspectives particulières d’analyse, des plus classiques aux plus audacieuses. La plupart des chapitres s’adressent à un lectorat qui maîtrise déjà les bases de l’approche qui y est discutée ou critiquée. Le livre se divise en quatre grandes parties : 1) Entre la pensée et l’écriture ; 2) Le texte et son dehors ; 3) La modernité en projet ; et 4) Idées, culture et politique. Le premier chapitre par Ronald Beiner est un excellent point de départ pour cet ouvrage. L’auteur y offre une stratégie de lecture de la philosophie politique nommée « textualisme » et présentée comme anti-méthodologie. Beiner réussit à augmenter notre envie de lire certains classiques de la philosophie politique. Le chapitre 2, « Leo Strauss : d’un art d’écrire oublié à un art de lire retrouvé », consiste en un résumé par Daniel Tanguay de la méthode straussienne de lecture « ésotérique » des textes philosophiques. Cette interprétation aurait pu être remplacée par le texte original de Strauss : « La persécution et l’art d’écrire », un écrit clair et accessible. Tanguay propose simplement de reprendre la procédure de lecture présentée par Strauss. Dans le troisième chapitre, « De l’art ‘ésotérique d’écrire’ à la ‘voie oblique’ », Gilles Labelle rapproche la méthode straussienne à celle d’Abensour. L’auteur semble présumer que le lecteur connaît la proposition de Strauss de l’« art d’écrire ». Le texte est bien écrit, mais vise, comme plusieurs autres chapitres de l’ouvrage, un public très restreint, s’intéressant aux méthodes de lecture des deux philosophes. Certains des chapitres n’ont aucune pertinence pour cet ouvrage particulier, n’étant pas des « réflexions sur les approches à l’étude des idées politiques ». Le cas le plus inattendu est le chapitre 4 (Koula Mellos), qui propose d’analyser l’esthétique de l’ironie dans le roman moderne depuis le Don Quichotte de Cervantès. Nous ne nions aucunement la valeur de la réflexion présentée ici, claire, structurée et intelligente. Néanmoins, l’objet d’analyse n’a aucun lien avec l’étude des idées politiques. Le seul rapport que nous y voyons est que, lors de l’examen du roman, celui-ci est conçu « comme une forme d’art littéraire qui s’inspire des idéaux politiques et philosophiques modernes » (p. 88). Or, l’analyse porte sur l’ironie du roman plutôt que sur ces idéaux. Le chapitre aurait donc dû se trouver dans une publication plus appropriée. La deuxième partie du livre débute avec un texte se voulant polémique par son titre même : « Il n’y a que du hors-texte », inspiré d’une formule de Jacques Derrida, « il n’y a pas de hors-texte ». En opposition directe aux textes des trois premiers chapitres, Jean-Pierre Couture expose une typologie des analyses sociologiques des oeuvres et des auteurs, qui ne s’intéresse pas au contenu des textes. L’approche mésologique (du milieu entourant le texte) à l’étude des idées politiques y est présentée. En s’inspirant de Pierre Bourdieu, notamment, l’auteur tente d’intéresser le lecteur au microcosme intellectuel influant sur la production …