Recensions

Togo, démocratie impossible ? de Jonas Siliadin, Paris, L’Harmattan, 2014, 148 p.[Notice]

  • Bernard Herencia

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Avec Togo, démocratie impossible ? Jonas Komlan Siliadin propose un essai politique qui se révèle être un trompe-l’oeil pour la plus grande satisfaction de tous les démocrates puisque, au-delà du cas togolais, il s’agit de rappeler les valeurs fondamentales constitutives de toute démocratie stable, aujourd’hui comme hier, et en Afrique, comme dans tout autre endroit du monde. L’auteur est membre de l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS), créée en 2008 par l’ancien premier ministre Agbeyomé Kodjo ; tous deux sont d’anciens cadres du Rassemblement du peuple togolais (RPT), longtemps parti unique du général président Gnassingbé Eyadema qu’ils ont, en vain, tenté de réformer de l’intérieur entre 1992 et 2002. L’OBUTS est membre du Collectif Sauvons le Togo fédérant les principales forces d’opposition, tandis que le RPT est devenu l’Union pour la République (UNIR) en 2012, pour tenter de faire évoluer le parti avec un rajeunissement de ses cadres et une ouverture vers quelques figures de l’opposition. Siliadin s’essaie à l’analyse de l’homo togolensis, expression qu’il emprunte au sociologue Richard Aboki, et dresse un bilan, lucide, du politique au Togo. Il en appelle à « la remise à l’endroit du combat pour la démocratie » et esquisse les contours et les principes de ce qu’il nomme un « oecuménisme politique » dont les deux piliers fondamentaux sont, d’une part, l’acceptation par les diverses forces politiques togolaises de travailler ensemble et, d’autre part, la volonté d’inscrire la dynamique coopérative ainsi obtenue dans la durée, de la rendre capable de dépasser les difficultés du passé et du présent, tout comme celles qui surviendront à l’avenir. L’auteur pourfend l’adversité systématique des politiques togolais et « l’incapacité structurelle de parvenir à des moments républicains où l’intérêt de la nation supplante tout ». Il en appelle à la reconnaissance (et au respect) des valeurs sacrées de la démocratie (« la vie, la nation, la république, les libertés publiques ») à distinguer du vulgaire, de l’« ordinaire » écrit-il (« l’appartenance politique, l’opinion, le point de vue, l’ethnie ») : c’est-à-dire le fondamental de l’accessoire, le bon grain de l’ivraie. S’il consacre un court chapitre à sa foi chrétienne, c’est pour dénoncer l’amalgame du religieux et du politique. Car ce livre est aussi l’occasion, pour Siliadin, d’indiquer quelques jalons importants de sa formation d’homme et de politique. Il s’engage dans la politique de son pays dès ses études secondaires. Dans les années 1990, il contribue aux travaux de la commission nationale de vérification du recensement pour l’actualisation des listes électorales. Dans les années 2000, il est chef du cabinet du premier ministre Kodjo et se heurte concrètement aux pratiques gouvernementales et aux contraintes des champs de compétences ministériels lorsqu’il réalise une étude de la filière du coton sans en passer par le ministre de l’Agriculture. Fidèle à son engagement de longue date, l’auteur ne milite pas pour un renversement du pouvoir en place, mais reste favorable à des évolutions qui, de l’intérieur, favoriseront l’émergence d’une véritable démocratie. Le sentiment national ne peut se renforcer que par le recul du tribalisme avec l’engagement des individus, mais surtout de l’État et de l’institution d’éducation ; or, Jonas Siliadin, se méfiant de toute dérive jacobine, en appelle à une décentralisation administrative capable de marier la complémentarité et l’interdépendance des territoires togolais. Si l’idée est séduisante, le pari semble audacieux – à moins d’envisager un véritable fédéralisme – lorsqu’il s’agit de consolider le sentiment national et l’auteur souligne lui-même la dimension paradoxale de la proposition. Il faut encore renforcer la culture politique en favorisant l’émergence du débat démocratique. Il insiste également sur l’exigence morale qui …