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Cet ouvrage, qui a été revu et augmenté en vue de cette cinquième édition, suscitera l’intérêt à la fois des étudiants et des professeurs. Plusieurs chercheurs des premières éditions ainsi que des jeunes recrues, pour la plupart d’universités québécoises, ont été réunis dans le but de remplir le mandat de ce manuel introductif (p. 8). Le fait de choisir plusieurs auteurs a pour avantage de rassembler différentes perspectives théoriques (droit, science politique, économie, histoire, sociologie, etc.) et des approches complémentaires afin d’enrichir l’ouvrage. Le système politique américain couvre les grandes facettes du système politique ainsi que les enjeux émergents formant l’actualité politique américaine. On y trouve entre autres des chapitres entièrement consacrés à l’analyse des fondements de la politique américaine, comme les principaux éléments de la constitution (chap. 2) et le fonctionnement du système fédéral (chap. 3). Les mandats de Barack Obama et les effets de la crise financière de 2008 sont des sujets qui sont abordés à plusieurs reprises, assurant l’actualité et la pertinence du livre.
Bien que certains chapitres restent essentiellement descriptifs, ils présentent non seulement une thématique, mais également une profondeur historique, des postulats et des concepts théoriques ou encore des problématiques de recherche qui sont en vogue. Au final, l’ensemble des chapitres du livre constitue une mine d’informations, de faits historiques, de statistiques et de graphiques alimentant la curiosité du lecteur. À titre illustratif, le manuel propose au total 22 tableaux et graphiques. Ceux-ci aident à comprendre, en quelques coups d’oeil, certaines des grandes tendances du système politique américain souvent moins connues du grand public, mais qui sont éclairantes. En outre, chaque chapitre offre une bibliographie complémentaire permettant au lecteur d’aller explorer une littérature spécialisée, ainsi qu’une liste de sites Internet reliés au thème traité pour qui voudra poursuivre la réflexion ou la recherche sur la question. L’ouvrage est donc un outil pédagogique efficace pour un cours d’introduction ou un cours thématique portant sur la politique américaine.
Une autre des qualités de ce livre réside dans sa structure, même si les auteurs qui ont supervisé l’ouvrage soulignent que chaque chapitre peut être lu séparément (p. 10). L’ordre des sections et des chapitres fait en sorte que ces derniers se complètent bien, passant de grandes thématiques à des sujets plus spécialisés. La première section, « Contexte et héritage », traite des fondements du système américain, dont la culture politique (chap. 1) et les grandes idées politiques comme le fédéralisme. Les chapitres de cette première partie permettent de comprendre comment se sont développées jusqu’à aujourd’hui les institutions, sujets de la deuxième section. Le fonctionnement et les pouvoirs du Congrès (chap. 4) et de la présidence (chap. 5) y sont abordés selon leurs changements historiques. Ces deux sections permettent également de mieux comprendre le contexte et les paramètres politiques qui ne sont pas présentés par les auteurs de la troisième section sur les forces politiques (les partis politiques, les groupes d’intérêts, etc.). Les caractéristiques du système électoral américain mis en lumière par Richard Nadeau et Éric Bélanger, tous deux spécialistes du comportement, sont beaucoup mieux comprises après la lecture des chapitres précédents. Il en va de même de la dernière section, dont les quatre chapitres sont dédiés à une politique sectorielle. Par exemple, le chapitre 12 sur la politique économique explique principalement la crise économique de 2008 ainsi que la manière dont les institutions orientent, interagissent et mettent en oeuvre les politiques économiques aux États-Unis afin de conjurer la crise (p. 354). Quelques chapitres des sections précédentes peuvent alors être mis à profit pour comprendre davantage les explications de Mark Brawley et de Pierre Martin sur la politique économique actuelle des États-Unis.
Pour ceux et celles qui sont intéressés par les sujets d’actualité, ceux-ci sont abordés selon des perspectives d’analyse distinctes, ce qui a pour résultat d’offrir au lecteur des regards différents d’une même situation. Par exemple, d’une part, Claude Corbo et Frédérick Gagnon (chap. 7) analysent la venue du Tea Party comme parti politique et les pronostics quant à son avenir (p. 196-197) et, d’autre part, Charles Noble aborde ce même parti non pas sous l’angle du système politique américain bipartisan, mais plutôt comme un mouvement social (p. 312), démontrant que le Tea Party aurait un impact à long terme sur la culture politique américaine. De plus, la comparaison préliminaire qu’effectue Noble entre le Tea Party et Occupy Wall Street sous l’angle théorique des mouvements sociaux (p. 320-321) m’apparaît novatrice et éclairante pour comprendre le contexte sociopolitique américain des dernières années.
Le nombre de collaborateurs entraîne des styles d’écriture inégaux. Quelques textes, contrairement à d’autres, ne sont pas rédigés dans un esprit pédagogique ou introductif comme le chapitre sur la Cour suprême, où l’on peut par ailleurs perdre le fil conducteur en raison du peu d’intertitres. Le chapitre 6 demandera fort probablement une relecture… Le chapitre 15 est certes très bien ficelé, bien argumenté, pertinent et porte un regard englobant sur la politique de défense américaine, mais il aurait été important d’y inclure une courte discussion sur le concept de culture stratégique pour permettre au lecteur profane de comprendre la perspective théorique dans laquelle ce chapitre s’inscrit.
Pour terminer, voici une brève discussion de chapitres qui ont, pour une raison ou une autre, retenu mon attention. Le chapitre 3 sur le fédéralisme ne semble de prime abord que présenter des différences générales entre les États dans leurs interactions avec les institutions du gouvernement fédéral. Pourtant la conclusion, qui s’attarde à expliquer les dimensions financières, amène à bien saisir l’ampleur et les effets de la structure fédérale sur les politiques publiques des États. Ce chapitre démystifie l’impact fondamental du système fédéral sur les États américains. Il en va de même de la présidence, où Guy-Antoine Lafleur et Félix Grenier brossent un tableau contrasté de l’évolution des pouvoirs de cette institution à travers le temps. Par exemple, les présidents utilisent de moins en moins leur pouvoir de veto depuis 1933, alors que sont créés différents départements au fil du temps, multipliant les champs d’intervention du président. Les auteurs en viennent à postuler que la personnalité du président dans des circonstances exceptionnelles (par exemple les attentats du 11 septembre ou la crise de 1929) serait l’un des facteurs clés pour comprendre l’évolution des grandes orientations de la politique américaine (p. 148). Enfin, la conclusion du manuel ne propose pas un ou des programmes de recherche en particulier, mais plutôt une synthèse bien articulée de l’ensemble des contributions. En dépit « des sentiments contradictoires que peut inspirer l’étude approfondie du système politique américain » (p. 479), Michel Fortmann et Pierre Martin choisissent d’adopter un sentiment optimiste à l’égard de la politique américaine.