Résumés
Résumé
Plusieurs chercheurs ont soutenu que depuis le début des années 1990 l’État suédois se transforme en fonction de principes néolibéraux. Néanmoins, les analyses institutionnelles qui ont tenté de valider ou d’invalider cette théorie ont parfois escamoté certains axes de la réforme de l’État. Dans cet article, nous procédons à une analyse de la transformation institutionnelle du secteur des postes depuis la fin des années 1980. Nous observons quels ont été les grands changements pour une organisation telle que Posten, qui a longtemps joui d’un statut de monopole public dans le secteur de la livraison du courrier. Nous nous penchons aussi sur la question de la création d’un marché de la livraison du courrier et des colis et nous tentons de voir si les parts de marché des organisations publiques sont en déclin. En somme, nos recherches indiquent que les changements dans le secteur postal suédois constituent un virage important par rapport aux principes de la social-démocratie traditionnelle, mais que les réformes ne peuvent pas être qualifiées de néolibérales.
Abstract
A number of researchers have argued that since the beginning of the 1990s the Swedish state has been undergoing a transformation in a neoliberal direction. Some institutional analyses have sought to confirm that claim, but such endeavour has been impeded by the paucity of research in specific sectors of the Swedish state. In this article, we analyze the evolution of a specific institution, the Swedish postal sector, since the late 1980s, during which time the publicly-owned company, Posten, lost its monopoly status. We are thus able to follow the development of a market for the mailing of letters and parcels and identify the place of public agencies within that market. While we find that even though the sector no longer conforms to the traditional social-democratic model, the developments in the postal sector cannot either be described as the coming of a neoliberal era.
Corps de l’article
L’élection du gouvernement de coalition de Carl Bildt en 1991 (Rojas, 2005 : 66) mit un terme à un autre long règne du Parti social-démocrate suédois. Pour plusieurs observateurs tels que Mauricio Rojas (2005 : 63-65), Magnus Ryner (1999 : 39-79) ou Mark Blyth (2001), l’émergence d’une coalition de partis de centre-droite sonna le glas du modèle social-démocrate qu’avait connu la Suède au vingtième siècle. Généralement, ces auteurs n’ont pas hésité à y voir la manifestation d’une révolution néolibérale devant mener à un retrait irréversible de l’État dans les années à venir. Il est certain que des réformes importantes ont effectivement eu cours dans certains secteurs publics tels que ceux des transports ou de la santé. Cela dit, lorsqu’on observe l’histoire récente de chacun d’eux, peut-on véritablement confirmer que l’État suédois a bel et bien été transformé en fonction de principes néolibéraux ? Si c’était le cas, on assisterait à une transformation en profondeur de l’État providence suédois qui passerait progressivement du modèle social-démocrate classique (Esping-Andersen, 2007) vers un modèle davantage libéral. Cela impliquerait une modification dans le mode de financement des services publics. On passerait ainsi d’une situation où l’État central taxe et impose le revenu des particuliers et des entreprises afin de financer des services publics universels et gratuits à une situation où les organisations prestataires doivent exiger un paiement de la part des utilisateurs de leurs services. Ensuite, ces mêmes organisations publiques perdraient peu à peu leur statut de monopole sur des marchés précis tels que ceux de l’éducation, de la santé et des postes, au profit d’un régime de concurrence où des organisations publiques ou privées entrent en compétition pour acquérir des parts du « marché des utilisateurs ». Enfin, on pourrait également passer d’un État où la plupart des fournisseurs sont des institutions publiques ou des organisations de l’État à un État où des entreprises privées sont les fournisseurs uniques d’un service donné.
De là, on peut se demander si une révolution néolibérale se produit dès que l’un de ces trois changements organisationnels a lieu. On pourrait par exemple modifier le mode de fonctionnement d’un marché de service (concurrence ou monopole) tout en préservant un financement entièrement public. Similairement, des compagnies privées pourraient être les prestataires uniques d’un service dans un système où l’État débourserait entièrement les frais d’utilisation de l’ensemble des citoyens. Il est également possible de concevoir un monopole d’État qui serait entièrement financé par le principe de l’utilisateur-payeur.
Ainsi, avec Peter Hall (1993 : 279), on peut penser que, pris isolément, aucun des changements institutionnels que nous avons cités ne permet de confirmer la création d’un paradigme néolibéral de politique publique et qu’ils doivent donc être tous trois réunis pour rendre le néolibéralisme effectif dans un secteur. En nous concentrant sur le secteur postal suédois, nous tenterons de montrer que malgré de nombreux changements institutionnels amenés par la mondialisation des échanges et par l’adhésion de la Suède à l’Union européenne (UE), les organisations publiques se sont montrées remarquablement résilientes. Autrement dit, l’État suédois semble se transformer en fonction d’une dépendance au sentier (path dependency) (Palier et Surel, 2005 : 21) plutôt qu’en raison d’une révolution néolibérale (Blyth, 2001).
Dans un premier temps, nous présenterons le processus de libéralisation légale du marché postal. En ce sens, cette première vague de réformes qui ont été mises en branle par le gouvernement Bildt aura pour objectif et pour effet de mettre un terme au monopole d’État et de renforcer la compétition. Nous verrons que la création d’un marché de concurrence a été difficile et que l’émergence de compagnies privées d’importance a été un échec parce que la Poste nationale n’a pas été démantelée. Malgré les réformes du début des années 1990, l’organisation publique est encore le joueur le plus important du marché postal suédois.
Ensuite, nous verrons que l’abolition du système de monopole va permettre à la nouvelle société d’État Posten AB de devenir plus concurrentielle et d’entreprendre un virage organisationnel. Grâce à son nouveau statut, Posten a pu accroître sa présence sur les marchés internationaux et a été en mesure de tisser des liens avec Post Danmark, ce qui a mené à la création d’une nouvelle multinationale publique, PostNord. Cela lui a permis d’élargir son éventail de services dans les secteurs des transports et des télécommunications. Bref, nous verrons que la libéralisation des postes s’est soldée par une présence renforcée d’entreprises publiques suédoises sur d’autres marchés que celui des postes.
Enfin, nous nous pencherons sur les impacts de ces réformes sur le marché postal suédois à moyen et long terme. Malgré l’instauration d’un système de concurrence, nous pourrons constater que Posten AB conserve près de 90 % des parts du marché postal après plus de quinze années de fonctionnement.
Le processus de libéralisation postale
Au début des années 1990, le gouvernement suédois fut l’un des premiers du monde occidental à libéraliser son marché postal national. Pour être plus précis, c’est en 1993 (Andersson, 2007 : 8) que le monopole d’État des postes suédoises, qui était en vigueur depuis 1888, fut aboli. L’appareil d’État réfléchissait en fait à une réforme du secteur des postes et des télécommunications depuis 1988, puisque le gouvernement social-démocrate qui était alors au pouvoir avait mis une commission d’enquête sur pied. Bref, les conservateurs n’étaient pas le seul groupe politique à promouvoir certains changements dans le secteur des postes. Également, l’immobilisme du gouvernement était difficilement envisageable pour deux raisons. D’une part, à la fin des années 1980, il devenait de plus en plus clair que les progrès technologiques et les télécommunications électroniques mèneraient une dure bataille à la communication écrite et que cela aurait des conséquences sur le volume de lettres envoyées. Dès lors, il devenait nécessaire d’envisager une restructuration importante de la Poste nationale, même dans l’éventualité d’un maintien du système de monopole. D’autre part, en 1991, la Suède vit apparaître son premier opérateur privé, CityMail (Andersson, 2009 : 299), qui entreprit de distribuer le courrier corporatif dans Stockholm. À cette époque, la législation en vigueur proscrivait ce type d’activités et il fallut que la direction de la Poste suédoise porte plainte auprès du procureur public avant que le problème n’apparaisse à l’agenda du gouvernement. Les partis composant la coalition Bildt n’avaient donc pas formulé de programme détaillé concernant l’organisation du secteur postal avant leur élection et ils ont été contraints de réagir à un nouveau problème une fois au pouvoir.
La nécessité d’agir rapidement déboucha sur l’ouverture temporaire du marché postal aux entreprises privées en 1992 (Bergdahl, 2005) et sur l’abolition légale du monopole d’État dès le premier janvier 1993 (Campbell, 2002 : 148). Les décisions relativement improvisées du gouvernement aboutirent finalement à la préservation du statu quo. La Poste suédoise poursuivait ses opérations de livraison universelle du courrier alors que des entreprises comme CityMail (qui déclara faillite en 1992) pouvaient offrir des services privés similaires. Néanmoins, l’absence de fondements légaux plus solides ralentissait considérablement la montée du secteur postal privé. Comme nous l’avons mentionné, la Poste nationale était alors une organisation plus que centenaire qui pouvait réaliser des économies d’échelle et qui pouvait exercer une concurrence redoutable à de nouvelles entreprises privées de plus petite taille. Également, elle conservait encore un accès privilégié à des infrastructures de tri par codes postaux et aux boîtes aux lettres publiques. Paradoxalement, pour favoriser le développement d’entreprises privées, il devenait nécessaire de maintenir un assez haut niveau de régulation à plus ou moins long terme. C’est dans cet esprit que la Loi sur les services postaux (Campbell, 2002 : 148), qui aurait des conséquences importantes sous deux aspects, entra en vigueur le 1er mars 1994. Tout d’abord, elle entraînait la création du PTS Service och konkurrens (Post-och telestyrelsen, 2011) responsable de réguler le nouveau marché libre du courrier et de la livraison de colis. Son mandat principal sera alors de prévenir les comportements monopolistiques de certaines entreprises (Anonyme, 2005 : 32), au premier chef de l’ancienne Poste suédoise. En effet, cette organisation avait pu profiter de son statut de monopole pendant plusieurs siècles, était bien rodée et possédait des ressources sans commune mesure avec celles des petites entreprises qui tenteraient éventuellement de percer le marché. Pour donner davantage de chances aux nouvelles entreprises du secteur des postes, le service de concurrence PTS va par exemple s’assurer que tous les opérateurs aient accès à certaines infrastructures publiques telles que les boîtes aux lettres communautaires.
Ensuite, pour adoucir autant que possible la transition vers un marché libéralisé, il fut convenu que la Poste suédoise serait métamorphosée en société d’État, Posten AB. Le gouvernement allait lui donner trois nouvelles fonctions principales : « la croissance économique, le profit des prestataires et le maintien du service universel » (Andersson, 2009 : 299). Autrement dit, même si elle était forcée d’offrir des services dans des régions de la Suède où elle serait exposée à des pertes, Posten devait se conduire comme une entreprise privée capable de générer des revenus pour son propriétaire, l’État (jusque-là, c’était l’État qui finançait la Poste nationale plutôt que le contraire). Conséquemment, bien que le secteur public y demeura profondément impliqué, les transformations légales qui eurent cours en 1994 renforcèrent le principe de l’utilisateur-payeur (Falkehed, 2005 : 41) dans le domaine des postes, sans lequel aucun système de concurrence n’aurait été possible.
Il fallut attendre décembre 1997 avant qu’une nouvelle vague de réformes du secteur postal suédois se mette en branle. Cette fois, l’appareil d’État suédois devait notamment se conformer à des directives émises par l’Union européenne en matière de services postaux. Les exigences du Parlement européen concernant les réformes postales ressemblaient alors étrangement à celles qui venaient d’avoir cours en Suède. On y affirmait assez clairement que l’on souhaitait procéder à une libéralisation contrôlée des marchés (Anonyme, 1998 : L14/15) où certains services minimums devraient être assurés aux différentes communautés nationales, à prix abordable pour tous les usagers (ibid. : L15/15). La libéralisation impliquait donc que des entreprises privées pouvaient entrer en compétition avec les services publics en matière de distribution du courrier et qu’un marché paneuropéen dépourvu de frontières protectionnistes entrait progressivement en vigueur. L’augmentation de la productivité grâce à un meilleur niveau de concurrence était le principal objectif visé par la politique.
Heureusement pour elle, la Suède avait déjà entrepris la plupart des réformes que l’Union européenne exigeait des pays membres en 1997. Le gouvernement social-démocrate dut donc procéder à certains ajustements mineurs en 1998 (ibid. : L14/15) et modifia la Loi sur les services postaux. Cette seconde vague de changements contribua notamment à instaurer un système d’enregistrement obligatoire pour les opérateurs privés auprès du service de concurrence PTS en plus de clarifier la définition d’un service universel duquel Posten devait s’acquitter. Sur les 100 compagnies qui s’enregistreront auprès du PTS, seulement 80 entreront effectivement en service (OECD, 2009 : 485).
Vers une politique postale suédoise transfrontalière
Dix années s’écoulèrent avant que d’autres transformations ne se produisent dans le secteur suédois des postes. Malgré certaines obligations qui lui furent imposées par l’organisme de régulation, il faut rappeler que la libéralisation du début des années 1990 permit à Posten d’acquérir une autonomie (OECD, 2009 : 478-479) que la Postverket n’avait pas avant l’arrivée du gouvernement Bildt. La métamorphose de la compagnie de monopole en société d’État permettait aux administrateurs de prendre des décisions avec un minimum d’interférence politique. Il était désormais possible de donner de nouvelles directions à l’entreprise, tant que cela permettait de générer de meilleurs surplus. C’est ce qui fit en sorte que Posten AB put tenter, dès 2008, de s’associer à Post Danmark A/S (Posten Norden, 2010 : 4), l’ancienne compagnie de monopole danoise. Une lettre d’intention traitant d’une éventuelle fusion fut en fait signée dès le 1er avril de cette même année (Posten AB, 2008 : ii) et une demande officielle fut déposée au Conseil de régulation de la Commission des communautés européennes le 26 février 2009 (Commission of the European Communities, 2009 : 1). Cette dernière instance approuva alors la requête, ce qui permit la création de Posten Norden le 24 juin 2009 (Posten Norden, 2010 : 9). La fusion permettait à l’État suédois de détenir 60 % des actions de la nouvelle compagnie, alors que l’État danois détiendrait les 40 % d’actions restantes. Les deux nouveaux propriétaires détiendraient toutefois 50 % des votes chacun (ibid. : 41).
Bref, la libéralisation paneuropéenne des postes engendra un phénomène qui n’avait probablement pas été prévu au départ, soit la fusion de compagnies de monopoles publiques nationales. Plutôt que de subir isolément la compétition de plus en plus féroce des grandes compagnies privées sur le marché du courrier, Posten et Post Danmark seraient désormais des marques de commerce (ibid. : 11) à l’intérieur d’une entreprise publique « post-nationale » plus efficiente, Posten Norden. D’ailleurs, les récents rapports annuels de cette dernière précisent à maintes reprises que ces transformations organisationnelles avaient essentiellement pour but de s’adapter à la nature de plus en plus compétitive du marché (PostNord, 2011 : 18) et de trouver des secteurs d’activité alternatifs à celui du courrier. À ce titre, en se référant à la Corporation internationale des postes, la nouvelle multinationale publique considérait que le volume des postes était appelé à diminuer de 43 % de 2009 à 2020 (ibid. : 22). Autrement dit, il devint clair pour l’administration de la nouvelle entreprise que le marché des communications physiques légères comme celles des postes (ibid. : 18) était inéluctablement voué à un déclin. Si l’organisation souhaitait continuer sa croissance financière à moyen terme, il devenait dès lors impératif de percer de nouveaux secteurs dans lesquels il lui serait possible de générer des profits. En ce sens, une des premières décisions à être prises par la direction de l’entreprise fut de scinder Posten Norden en quatre filiales dont deux seulement s’occuperaient désormais de services postaux. Effectivement, la majorité des actifs dont disposait préalablement Post Danmark A/S seraient intégrés à Breve Danmark (Posten Norden, 2010 : 5), alors que ceux de Posten AB se retrouveraient dans la filiale Meddelande Sverige. Deux autres nouvelles entités, qui oeuvreraient essentiellement dans les domaines du transport, de la logistique et des communications, furent donc créées à l’intérieur du groupe Posten Norden. Elles allaient prendre les noms de Stralfors et de Logistics.
Tant dans le cas de Breve Danmark que dans celui de Meddelande Sverige, le déclin rapide du volume de lettres qui avait été prévu par la direction tend à s’avérer. Dans le cas danois, le volume de courrier diminue de 10,15 % (Posten Norden, 2010 : 24) entre 2009 et 2010 et de près de 12 % (PostNord, 2011 : 30) entre 2010 et 2011. Dans le cas suédois, la première baisse substantielle du volume de lettres se produit plutôt entre 2008 et 2009 où la régression est de l’ordre de 8,26 % (Posten Norden, 2010 : 27). Paradoxalement, cela n’empêche pas les deux filiales d’être la source de profits la plus importante pour l’ensemble du groupe puisque les dépenses ont diminué encore plus rapidement que les ventes (PostNord, 2011 : 31-34). En 2010, lorsqu’on considère les déficits enregistrés par les autres divisions, Meddelande Sverige et Breve Danmark représentent respectivement 64 % et 47 % des profits d’exploitation de l’ensemble du groupe Posten Norden, ce qui a été possible grâce à l’accroissement des ventes dans le secteur de la publicité non adressée, l’augmentation des prix et la diminution des dépenses internes liées, entre autres, à la masse salariale. Dans son rapport annuel de 2010, Posten Norden ne précise malheureusement pas dans quelle division les coupures de postes ont été effectuées. On sait toutefois que, pour cette seule année, le groupe en entier a supprimé 3600 emplois (PostNord, 2011 : 116-117) et que les employés de Breve Danmark et de Meddelande Sverige représentaient 78,5 % de tout le personnel du groupe.
Bien qu’à court terme la viabilité financière de Posten Norden repose sur l’industrie du courrier et les vestiges de Post Danmark A/S et de Posten AB, le virage stratégique vers les marchés du transport, de la logistique et des communications allait se faire à l’intérieur des deux autres filiales, Stralfors et Logistics. La première offrirait donc des services de communication numérique aux entreprises en se spécialisant notamment en marketing personnalisé (Posten Norden, 2010 : 18-19). Parce que les dirigeants du groupe estimaient que le commerce électronique connaissait une progression annuelle de 10 %, Stralfors a également étendu ses activités à ce domaine du « E-commerce » (PostNord, 2011 : 20) en fondant notamment un site de paiement sécurisé accessible dans les différentes langues scandinaves. Non seulement cela permettait à Stralfors de créer de nouveaux services qui augmenteraient ses revenus, mais cela pourrait avoir des effets bénéfiques pour d’autres divisions du groupe Posten Norden. Par exemple, il est certain qu’en augmentant le commerce électronique dans la zone scandinave, les entreprises postales pourraient mieux compenser la baisse de demande qu’elles subissaient dans le courrier standard en livrant davantage de paquets (ibid. : 21) expédiés par les entreprises présentes sur la toile. Ultimement, en se développant dans un secteur qui n’était soumis à aucune régulation nationale, Posten Norden pouvait aussi tenter de conquérir de nouveaux marchés étrangers. Dès les premiers mois de sa création, Stralfors réussit d’ailleurs à s’implanter dans huit pays, dont la France et la Grande-Bretagne (ibid. : 28).
En 2011, les ventes de Stralfors s’élevaient à 3 048 000 de couronnes norvégiennes, c’est-à-dire 8 % des ventes de l’ensemble du Groupe Posten Norden. Néanmoins, depuis sa création, les ventes annuelles de Stralfors ont continuellement été en baisse. On peut ajouter que la division a fréquemment enregistré des déficits annuels allant de 3000 à 351 000 couronnes norvégiennes. Il est toutefois certain que le secteur conserve un attrait pour l’ensemble du groupe Posten Norden parce qu’il est à la source de synergies intéressantes pour Logistics et les deux filiales postales. En outre, Stralfors est une entreprise jeune qui semble toujours en période de rodage. En effet, puisque le niveau des ventes n’a pas encore été stabilisé (diminuant par exemple de 9,86 % entre 2009 et 2010), il devient difficile d’organiser une structure de coûts plus statique à moyen terme. Les dirigeants de Stralfors et de Posten Norden demeurent optimistes et estiment que les secteurs des communications numériques et du commerce électronique offrent beaucoup d’opportunités qui pourraient permettre à la division de générer des surplus dans les années à venir.
Logistics, l’autre nouvelle filiale fondée lors de la création de Posten Norden, a aussi développé ses activités dans un secteur extérieur à celui du courrier traditionnel, soit le transport lourd. Logistics offre en effet un éventail de services de livraison assez large, englobant notamment la distribution de paquets, de palettes et de fret. Grâce à cette filiale, Posten Norden pouvait renforcer sa présence sur le marché des livraisons issues du commerce électronique et, surtout, se tailler la part du lion dans le marché plus général du transport international. Tous les documents rendus publics par Posten Norden tendent à présenter l’intégration de la région nordique à l’économie mondiale comme une occasion d’affaires importante (Posten Norden, 2010 : 17). C’est à l’évidence pour cette raison que Logistics a développé des terminaux de transport en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne dès les premiers mois, de manière à étendre sa présence en Europe continentale, en particulier dans les principaux ports commerciaux. De plus, cette filiale de Posten Norden a acquis la compagnie de transport belge EKL en 2009 (PostNord, 2011 : 6) pour augmenter ses opérations de transport dans la région du Benelux. Toutefois, Logistics a surtout concentré ses efforts de développement au marché scandinave dans l’espoir d’y devenir un des joueurs majeurs sur le marché des transports. En Norvège, la filiale a fondé Tollpost Globe (Posten Norden, 2010 : 30) pour poursuivre ses activités sous un nom différent. En mai 2011, elle a aussi signé un accord d’acquisition avec Eek Transport (ibid. : 7), une entreprise privée spécialisée en transport routier et en logistique dont les activités sont basées dans le sud de la Norvège. Enfin, en juin 2011, Logistics a acquis la compagnie suédoise Nils Hansson Logistics afin d’accroître la place de Posten Norden sur le marché du transport en Suède.
L’ensemble de ces transformations a permis à la filiale de devenir un joueur majeur au sein du groupe Posten Norden, et ce, dès les premières années. En fait, quand on observe les statistiques des ventes nettes, Logistics s’est hissée rapidement au deuxième rang des ventes les plus importantes parmi les différentes divisions du groupe. Alors qu’elle accaparait 29 % (Posten Norden, 2010 : 31) des ventes de l’ensemble du groupe en 2010, cette proportion est passée à 31 % (PostNord, 2011 : 5) en 2011. Il faut cependant préciser que sa marge de profits sur les quelque 12 millions de couronnes de ventes annuelles réalisées par Logistics demeura assez mince au cours de ses premières années de fonctionnement. La nouvelle filiale enregistra même un déficit en 2009 (Posten Norden, 2010 : 30), mais dégagea des surplus toutes les années subséquentes. Pour l’ensemble de la période allant de 2008 à 2011, la division cumula un profit total de 350 000 couronnes suédoises (PostNord, 2011 : 30). Comme pour Stralfors, il semble donc que Logistics soit encore en période de rodage, ce qui explique les importantes variations annuelles de ses revenus et dépenses.
En résumé, grâce à tous ces changements organisationnels, Posten Norden, qui modifia officiellement son nom pour PostNord le 15 avril 2011, est devenue un conglomérat public avec des activités dans plusieurs secteurs et dans plusieurs pays. En 2011, c’était déjà 14 % des ventes du groupe qui s’effectuaient à l’extérieur des marchés traditionnels du Danemark et de la Suède. PostNord a effectivement réalisé 9 % de ses ventes en Norvège contre 2 % en Finlande et 3 % dans le reste du monde. Si l’on prend le groupe dans son ensemble, il est certain que PostNord a été en mesure de générer des profits chaque année de 2009 à 2011. Les deux premières années, Posten Norden a enregistré des profits de 2,414 et 1,031 millions de couronnes suédoises (Posten Norden, 2010 : 3), alors que PostNord a connu un surplus de 1,225 million de couronnes suédoises en 2011 (PostNord, 2011 : 11). Les profits dégagés ont permis à l’administration du groupe d’accélérer l’intégration des différentes divisions pour diminuer les coûts, par exemple en recourant davantage au transport par train. En 2010, Posten Norden a d’ailleurs investi 2,5 milliards de couronnes suédoises dans sept nouveaux terminaux ferroviaires en Suède (Posten Norden, 2010 : 33). Cela permet notamment à Logistics de transporter du fret et des palettes à un coût plus bas que par transport routier. L’augmentation du prix du pétrole a des conséquences importantes pour la profitabilité de PostNord (2011 : 9) et le transport ferroviaire s’impose comme un moyen plus efficace pour déplacer les marchandises dans les trajets internationaux et interurbains. Pendant ce temps, Meddelande peut elle aussi effectuer certaines parties de trajets à moindre coût pour ses services de courrier et de paquets. Pour ses livraisons de longue distance, la filiale utilise de plus en plus systématiquement le train. En 2010, c’était déjà 60 % de son courrier qui était transporté par voie ferroviaire (Posten Norden, 2010 : 35). On peut aussi penser que le fait de recourir de plus en plus à ce moyen de transport permettra d’accélérer la livraison certains mois d’hiver, puisque l’efficacité de Meddelande et de Posten AB tend à ralentir considérablement par jour de tempête. Du reste, plusieurs terminaux ont été construits dans des villes à proximité des frontières finlandaises et norvégiennes (Umeä, Luleä, Sundsvall et Östersund, par exemple), ce qui permet d’utiliser l’ensemble du réseau ferroviaire suédois comme épine dorsale du commerce entre les marchés d’Europe continentale et de Scandinavie. Dès 2010, Posten Norden estimait que 80 % des paquets et des palettes qu’elle acheminait en Norvège étaient transportés à un moment ou à un autre par train. Enfin, ces projets, qui orientent désormais les stratégies d’affaires de toutes les filiales de PostNord, permettent aussi d’atteindre des objectifs secondaires qui sont malgré tout très importants pour la direction du groupe. En particulier, PostNord a l’ambition de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2020 (PostNord, 2011 : 28). Elle compte y parvenir grâce au développement des ses infrastructures ferroviaires et à la modernisation de ses véhicules routiers dont 3000 fonctionnaient déjà à l’énergie électrique en 2010 (Posten Norden, 2010). Comme plusieurs autres entreprises publiques scandinaves, PostNord dispose également de son propre « fonds du climat » qui lui permet de financer ces différentes améliorations.
Les effets de la réforme postale sur le marché suédois
L’impact des réformes des années 1990 et de la fondation de Posten Norden sur la structure du marché des postes en Suède demeure très difficile à évaluer. D’abord, si l’on compare la situation de 1988 avec celle de 2010, on constate que le secteur privé a effectivement gagné une place qu’il n’avait pas précédemment. Cela dit, il faut aussi avouer qu’après plusieurs années de marché concurrentiel, Posten AB domine (Falkenhall et Kolmodin, 2005 : 17) encore très largement celui-ci. En 2009, la marque de Posten Norden détenait toujours 88,6 % du marché des postes alors que son plus proche concurrent, CityMail, comblait à lui seul presque toutes les parts restantes avec 11,1 % du marché (PTS, 2011 : 14). Pour le moment, il semble que les réformes aient surtout mené à une division assez claire des tâches entre CityMail et Posten AB. La première concentre ses efforts dans les grands centres urbains et le courrier d’affaires, ce qui limite ses besoins en infrastructures de tri où elle pourrait difficilement concurrencer Posten AB. Quant à cette dernière, l’absence de compétition dans les milieux ruraux et sur le marché des lettres individuelles lui permet d’augmenter le niveau général des prix du service universel et du courrier standard (Campbell, 2002 : 163). Cela lui donne d’ailleurs les moyens de soutenir une compétition très féroce (Falkenhall et Kolmodin, 2005 : 20) à CityMail dans les régions où celle-ci fait meilleure figure. Mentionnons aussi que cette entreprise privée, qui fut la seule à profiter véritablement de la libéralisation, a fait faillite à deux reprises, en 1992 (Andersson, 2009 : 299) et en 1997 (Cohen, 2006 : 3). Il lui fallut plus de dix ans, au cours desquels ses actionnaires principaux changèrent continuellement, avant de devenir rentable (Andersson, 2009). Il est intéressant de noter que la Poste norvégienne (Cohen, 2006) et la Royal Mail (Campbell, 2002) ont toutes deux été actionnaires à différents niveaux et à différents moments de CityMail. En fait, Posten Norge, la Poste norvégienne, possède aujourd’hui la totalité des actions de l’entreprise suédoise (PostNord, 2011 : 23). Ultimement, la libéralisation paneuropéenne instiguée par l’UE aura surtout eu pour conséquence à court terme de créer une situation oligopolistique où ce sont des entreprises publiques de différentes nations qui entrent en compétition. Si l’on se fie à l’exemple suédois, il s’avère que la longue expérience et la qualité des organisations publiques rendent très difficile l’entrée dans le marché de nouveaux joueurs privés. Il est certain que cette situation n’est pas la même dans tous les pays du monde occidental. Néanmoins, il semble que des institutions publiques telles que Posten ou Royal Mail soient parfaitement en mesure de jouer efficacement au jeu du capitalisme contemporain et qu’on puisse difficilement prévoir un retrait majeur de l’État suédois dans le marché des postes à court et moyen terme.
En ce qui concerne les prix et les volumes d’envois pour les différents services postaux, on remarque des changements plus importants par rapport à la situation qui prévalait avant les années 1990. D’après Bjorn Falkenhall et Anne Kolmodin, le prix pour l’envoi de lettres individuelles a augmenté de plus de 30 % entre 1994 et 2003 (2005 : 21-25), ce qui a permis à Posten AB d’augmenter de 25 % ses revenus sur ce type de courrier. Avec les progrès technologiques, les citoyens suédois ont toutefois tendance à modifier leurs habitudes de communication. Dès 2003, 68 % des envois postaux se faisaient des entreprises vers les ménages et 26 % d’une entreprise à une autre. Autrement dit, les communications interpersonnelles tendent à représenter une portion de plus en plus marginale du marché suédois des postes. Entre 1994 et 2003, le volume de lettres « timbrées » a d’ailleurs diminué de moitié. En revanche, le volume d’envois de courrier non adressé s’est accru de 55 % entre 1993 et 2003, ce qui renforce l’idée que les services postaux sont de plus en plus destinés aux entreprises. Ultimement, ce sont les clients de ce type de service qui ont été les grands gagnants de la libéralisation (Crew, 2009 : 310) ; c’est effectivement dans ce secteur que les prix ont le plus diminué entre 1991 et 2006.
Enfin, c’est sans doute au niveau des nouvelles stratégies managériales de Posten AB, puis de Posten Norden, que l’on observe le plus de différences entre la situation de 1990 et celle de 2010. La métamorphose d’une compagnie de monopole en société d’État commerciale a eu des conséquences importantes sur le fonctionnement interne de l’institution publique. On remarque notamment que le nombre d’employés dans les postes publiques a diminué, passant de 49 000 en 1990 à 33 000 en 2005 (Cohen, 2006 : 6), ce qui représente une réduction de 32,6 %, alors que la baisse du volume de courrier traité par Posten n’a été que de 6,5 % au cours de la même période. Cela peut s’expliquer par deux facteurs. D’une part, de nombreux analystes évoquent une augmentation de la charge de travail demandée aux facteurs et aux autres employés qui n’ont pas été touchés par les licenciements (Falkehed, 2005 : 42). Des améliorations ont par ailleurs été apportées à l’équipement dans le but de permettre à une seule personne de distribuer davantage de courrier, en particulier non adressé. D’autre part, plus de 1000 bureaux de poste ont été abolis depuis le début des années 1990, ce qui explique aussi partiellement la baisse d’effectifs qu’a connue Posten AB dans les deux dernières décennies. Cela témoigne aussi d’une nouvelle philosophie en matière de relation avec la clientèle. Sous Posten AB, ce sont des sous-traitants, surtout des stations services, des supermarchés et des pharmacies, qui ont pris la relève des bureaux de poste traditionnels de manière à diminuer significativement les coûts de fonctionnement. Et la tendance n’a fait que s’accélérer avec Posten Norden qui s’enorgueillit d’avoir mis 4400 points de services sur pied partout en Scandinavie (2010 : 4). Le consommateur moyen y trouve lui aussi son compte, ces nouveaux comptoirs étant généralement ouverts un plus grand nombre d’heures par jour et tous les jours de la semaine (Falkehed, 2005 : 43). Avant que les réformes soient mises en place, Posten AB estimait qu’un colis pouvait demeurer dans ses entrepôts de 11 à 13 jours. En 2008, les clients suédois ne prenaient plus que 3,2 jours avant de venir réclamer leurs paquets (Crew, 2009 : 307). Plusieurs analystes confirment qu’en 2005, en combinant les bureaux de poste qui n’ont pas été fermés aux comptoirs auxiliaires, on trouvait déjà plus de points de services qu’il y en avait en 1990 (voir entre autres Falkehed, 2005 : 38-39). Ajoutons par ailleurs que la direction de la société d’État se montre de plus en plus intransigeante en ce qui concerne les demandes salariales de ses employés. La métamorphose de Posten AB a mené à des conditions de travail précaires et à un recours accru aux travailleurs à temps partiel (Crew, 2009 : 308). Dans tous les cas, certains auteurs, dont Peter Andersson (2007), soulignent qu’entre 1993 et 2008 la croissance du revenu moyen du secteur des postes était inférieure de 20 % à la moyenne nationale du secteur privé.
Au regard de sa compétition avec CityMail, Posten a aussi modifié certains autres aspects de sa stratégie commerciale. Puisque ce sont les entreprises qui envoient de très grands volumes de courrier qui constituent désormais le coeur du marché postal, la société d’État a avantage à fidéliser ses clients. Pour ce faire, Posten a offert régulièrement des tarifs préférentiels négociés et a même exigé la signature de contrats d’exclusivité en certaines occasions, une pratique qui sera plus tard interdite par l’organisme de concurrence PTS (Falkenhall et Kolmodin, 2005). Finalement, bien que la société d’État ait fermé plusieurs bureaux de poste, elle n’en a pas moins développé de nouveaux centres d’affaires, où elle peut accueillir les entrepreneurs et leur offrir les services les mieux adaptés à leurs besoins. Bref, depuis la libéralisation, la société d’État fait tout en son pouvoir pour conserver sa position de domination sur le marché suédois des postes en jouant aussi bien que possible le jeu du capitalisme contemporain.
Conclusion
Après une analyse aussi exhaustive que possible, nous ne pouvons pas conclure que le secteur postal suédois a été transformé en vertu de principes néolibéraux. D’abord, le gouvernement Bildt, qui amorça la libéralisation du secteur postal au début des années 1990, n’avait aucun agenda clair avant d’implanter des réformes. Il fallut en fait que CityMail contrevienne au monopole de la Poste pour que la question de l’accessibilité au marché devienne un enjeu public important. On commença d’ailleurs par attribuer un droit d’exploitation temporaire à CityMail avant que l’infrastructure légale du secteur des postes ne soit modifiée durablement par le gouvernement. Cela ouvrit certainement la porte à un système postal où un marché concurrentiel remplacerait progressivement le monopole traditionnel et où le principe de l’utilisateur-payeur se substituerait à celui du financement par l’État central. Néanmoins, il ne fut jamais question de privatiser la Poste nationale. Les transformations apportées aux lois et aux institutions ne servirent qu’à développer un marché de la livraison du courrier dans lequel on espérait que la nouvelle société d’État, Posten, deviendrait un joueur comme un autre. Du reste, lorsque les sociaux-démocrates reprirent le pouvoir au milieu des années 1990, ils n’apportèrent que des changements mineurs aux politiques qui avaient été mises en place par le gouvernement précédent. En fait, à aucun moment les principes de base de la libéralisation postale ne furent remis en question.
Comme nous l’avons vu, dans les faits, la société d’État Posten demeura, de loin, la compagnie postale la plus influente en Suède durant les 17 années qui suivirent la libéralisation de ce secteur. Ironiquement, pour que des entreprises privées puissent lui faire concurrence, il fallut également qu’une agence gouvernementale, le PTSService och konkurrens, soit établie. Après plus de dix ans d’existence, le marché libéralisé tendit à devenir assez clairement oligopolistique. La seule compagnie privée d’importance, CityMail, réussit à ravir un peu plus de 10 % du marché à Posten, mais les autres concurrents demeuraient très marginaux. Étrangement, CityMail est passée sous contrôle complet de Posten Norge, ce qui veut dire que des entreprises publiques contrôlent 99,7 % des parts du marché suédois du courrier.
La bonne performance commerciale de Posten fut partiellement le résultat de changements au niveau de sa philosophie et de sa stratégie organisationnelle. Par exemple, plus d’employés travaillent à temps partiel et leurs conditions salariales progressent moins vite que celles du travailleur moyen du secteur privé. On a lentement remplacé la majorité des bureaux de poste par des points de services dans des supermarchés et des stations services. En contrepartie, Posten a développé des centres d’affaires de manière à offrir le meilleur service possible aux entreprises, qui représentent une part toujours plus grande des envois postaux en Suède.
Évidemment, certaines des transformations les plus importantes se sont toutefois produites au tournant des années 2010, lorsque Posten Norden fut fondée. La fusion avec Post Danmark A/S a donné lieu au développement d’un conglomérat en bonne et due forme où l’importance des services postaux décline. La multinationale publique scandinave est désormais présente dans plusieurs pays d’Europe et développe rapidement ses services dans différents secteurs des communications et du transport. En ayant escompté, avec raison, une baisse rapide du volume de courrier léger, Posten Norden s’est notamment lancée dans le transport de fret et de palettes. Ce type de services représente désormais près du tiers des activités de l’entreprise, part qui continue de croître. Pour l’instant, puisque PostNord maintient sa licence d’exploitation suédoise sous l’appellation Posten AB, l’entreprise demeure tenue de fournir le service postal universel (PostNord, 2011 : 62). Paradoxalement, PostNord semble de moins en moins préoccupée par les tâches qui étaient autrefois imparties à la Postverket, et ce, même si elle continue de dominer le secteur suédois du courrier.
À l’instar d’une compagnie privée, l’organisation publique que nous avons présentée ici a essentiellement cherché à assurer sa survie en diversifiant ses services et en assurant sa rentabilité financière. Avec ces changements, il est certain que le mandat principal de l’organisation que constituait initialement la Poste suédoise n’est plus de fournir un service de livraison de courrier universel de qualité financé principalement par l’État. Les frais qui sont exigés par les usagers de ce service public se rapprochent désormais des prix qui seraient exigés sur un marché dérèglementé composé uniquement de compagnies privées. Cela dit, le maintien d’organisations publiques désormais actives sur les marchés internationaux ne permet pas de confirmer un triomphe du néolibéralisme. Dans certains secteurs moins liés à la mission de justice sociale et d’égalité économique de la social-démocratie, tels que les postes ou les ressources naturelles, tout porte plutôt à croire que certaines organisations publiques du monde scandinave sont désormais prêtes à jouer au jeu du capitalisme d’État (The Economist, 2012).
Parties annexes
Note biographique
Détenteur d’une maîtrise en relations internationales de l’Université du Québec à Montréal, Pier-Luc Lévesque poursuit des études doctorales à l’École nationale d’administration publique. Son projet de thèse porte sur la réforme de l’État suédois depuis 1990. Ses champs de spécialisation sont les politiques publiques et l’économie politique internationale et comparée. Il est chercheur-boursier de la Chaire de recherche du Canada en économie politique internationale et comparée (CREPIC).
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