Si en ouverture l’auteur clame la république, illustre inconnue de la politique québécoise, une des raisons explicatives se situe en allégro moderato dans le monarchisme québécois ou la politique de l’irréel tant de la part des fédéralistes que des souverainistes fort peu républicains. Qu’à cela ne tienne, sous le magistère de l’Église, le Canadien français peut vivre dans le cadre d’un État whig anglais (le Parti whig devient le Parti libéral anglais au milieu du XIXe siècle), celui-là même qui a été garant de la douce conquête écossaise. Cette situation qu’a facilitée l’ultramontanisme (p. 82) trinitaire (France, Angleterre, États-Unis) n’aurait pas été propice à l’éclosion d’une tradition de pensée sur les obligations et les fondements de la vie publique (p. 89) ; sans compter la nation qu’il faut constamment purifier de ses relents d’ethnicisme et affubler de « citoyennisme » tout sujet/objet d’intérêt public… (p. 102) en attente de la république. Pourtant, au chapitre « Andante non troppo », la Nouvelle-France revisitée par l’auteur contient déjà des espaces de liberté et des tendances égalitaires qui n’ont rien à envier à la célèbre libéralité de la monarchie anglaise (p. 167). Il en ira tout autrement à partir de la Conquête anglaise de 1760. Dès lors, Chevrier passe en revue, au chapitre « Intermezzo », les tribulations d’une « province » de sa Majesté britannique depuis la Proclamation royale de 1763 jusqu’à aujourd’hui (p. 169), en prenant soin au départ de bien spécifier que le terme « province » signifie en français « État ». Un État dont le statut et la liberté ont suscité des périodes de sursaut civique ou de ressaisissement collectif et des périodes de repli civique. Cette histoire qu’il relate lui permet de considérer les leçons des échecs fédéralistes et souverainistes québécois (p. 203) jusque dans les basses eaux postréférendaires. Comme solution de rechange à ces échecs, Chevrier propose en « Allegro risoluto » la république québécoise et sa constitution. Telle est la thèse centrale de l’ouvrage. Même si le républicanisme est une notion politique complexe qui renvoie à l’histoire et à la théorie, deux dimensions fort bien documentées à ce chapitre, il importe à l’auteur d’élucider le sens de l’idée républicaine pour les enjeux d’aujourd’hui tels qu’ils se posent au Québec. Plusieurs raisons motivent pour lui l’adoption d’une constitution d’inspiration républicaine pour le Québec (p. 289) ; entre autres, organiser le droit politique québécois, établir un projet de réforme démocratique, actualiser la souveraineté populaire, clarifier les valeurs communes. En tant que régime politique démocratique vers lequel devrait tendre le Québec, l’auteur en considère les dispositions légales possibles comme la constitution interne d’un État fédéré ou comme la constitution d’un Québec indépendant. Parmi ces dispositions, il précise notamment le rôle d’un président chef d’État qu’il différencie de celui de premier ministre, chef de gouvernement, la justice constitutionnelle, l’équilibre des pouvoirs et la nationalité québécoise plus assurée, sans négliger les étapes du processus constituant. L’auteur rappelle à bon escient la vision plus égalitaire des Patriotes, celle qui s’apparente au républicanisme américain en reprenant l’idée de la pondération des pouvoirs dont la légitimité procède d’une seule source, le peuple (p. 365). Or, en lieu et place d’une république, nous vivons au Canada, écrit-il en « Scherzo », sous le régime d’un gouvernement mixte. Si le modèle de la constitution mixte anglaise (King – Lords – Commons) n’a pu être calqué dans l’Union canadienne de 1867 faute de dynastie et d’aristocratie, la « monarchie » canadienne serait toute en imagination (p. 382). Celle-ci se traduit par le gouvernement mixte canadien recomposé, notamment dans le projet d’un sénat fédéral élu (p. …
La République québécoise. Hommages à une idée suspecte, de Marc Chevrier, Montréal, Boréal, 2012, 554 p.[Notice]
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Lucille Beaudry
Département de science politique, Université du Québec à Montréal
beaudry.lucille@uqam.ca