Recensions

Qui t’a fait roi ? Légitimité, élections et démocratie en Afrique, de Guy Rossatanga-Rignault, Paris, Éditions Sépia, 2011, 176 p.[Notice]

  • Patrice Moundounga Mouity

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  • Patrice Moundounga Mouity
    Directeur de collection, Éditions Publibook Université, Paris
    patricemm2000@yahoo.fr

Dans Qui t’a fait roi ? Légitimité, élections et démocratie en Afrique, Guy Rossatanga-Rignault, politiste et juriste, professeur à l’Université de Libreville, revient sur l’universalité de la démocratie. La difficile implantation de la démocratie en Afrique permet à l’auteur, à partir d’un arrière-plan historique global, de comprendre l’élection en Afrique. L’objet de cet ouvrage est le délitement de l’universalisation de la démocratie électorale. Pour comprendre cet effritement, l’auteur revient sur un postulat souvent affirmé : l’Afrique se trouve en démocratie importée. Or, sa position est de concevoir la démocratie non pas comme un état, une nature de la société, mais bien plutôt comme une construction qui n’est possible que si la greffe tient compte des dynamiques du dedans et du dehors. La démocratie comme un accomplissement à l’oeuvre en Afrique sans les Africains expose dès lors le modèle de l’élection importée à un échec. Le livre en s’intéressant à l’idée d’universalité de la démocratie prend appui sur les travaux de Pierre Rosanvallon (2006, 2008) sur la contre-démocratie, de Tzvetan Todorov (2012) sur les ennemis intimes de la démocratie, de Guy Hermet (2011) sur l’illusion démocratique et de Marcel Gauchet (2002) sur la démocratie contre elle-même. Rossatanga-Rignault demande : comment est-il possible d’autodiffuser la démocratie en Afrique en niant la spécificité de l’âme africaine alors que le processus est fondamentalement un construit et non un donné ? Cette interrogation d’ensemble le conduit à exposer de manière globale dans les deux premiers chapitres les considérations préliminaires sur la légitimité et l’élection à partir d’une tentative de déconstruction de l’illusion universaliste de la démocratie, devenue un totem et perçue comme le terreau d’un nouveau messianisme ayant atteint son apogée avec la guerre en Irak. Ainsi, l’auteur aborde la question du processus de légitimité et de légitimation du pouvoir par les élections. S’appuyant sur des exemples d’échec et d’enlisement démocratiques en Afrique, il tire un bilan mitigé suscitant plusieurs interrogations : la démocratie électorale est-elle un véritable progrès politique pour l’Afrique ? Est-elle adaptée au contexte culturel actuel du continent noir ? La réponse à ces questionnements l’amène dans le premier chapitre à se placer dans la perspective wébérienne pour interroger la démocratie électorale à partir de la légitimité charismatique, traditionnelle et légale-rationnelle. Pour lui, aucun pouvoir ne recouvre véritablement la totalité de l’une de ces formes de légitimité. Dès lors, aucune d’entre elles ne saurait être disqualifiée a priori. Cette affirmation est accréditée par la pensée de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord – communément nommé Talleyrand –, politicien royaliste, homme d’État et diplomate français, connu pour son cynisme et son opportunisme : l’illégalité et l’illégitimité d’un régime politique peuvent absolument évoluer dans le temps. Cette caractérisation se confirme, pour Rossatanga-Rignault, dans le deuxième chapitre : la crise universelle de la démocratie électorale, tantôt raillée tantôt célébrée, parfois teintée d’angélisme ou d’ironie. Le troisième chapitre revient sur ce que le vote traduit en Afrique en termes des dynamiques du dedans, notamment quand les ethnies revendiquent la meilleure part du gâteau démocratique national, menaçant ainsi l’équilibre ethno-démographique dès lors que la minorité sociologique peut s’ériger en majorité politique et inversement. Dans le quatrième chapitre, Rossatanga-Rignault nous renseigne sur les formes générales et les fondements du pouvoir traditionnel en Afrique grâce à l’imbrication des liens entre pouvoir, parenté et terre. Mieux, il considère la vision traditionnelle du monde comme fondement de la sacralité du pouvoir traditionnel africain. Pour illustrer son propos, il prend l’exemple de la tradition politique d’un peuple du Gabon, les Mpongwè ; il tente de signaler l’existence, au sein des sociétés africaines ante-coloniales et contrairement à la vision répandue, de modèles démocratiques …

Parties annexes