À l’heure où le processus de transition démocratique au Mexique continue de faire des sceptiques, après la victoire d’un candidat issu du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) lors de la dernière élection présidentielle, les éclairages sur les dynamiques très particulières de ce système politique sont plus que jamais nécessaires. L’ouvrage d’Hélène Combes, en proposant une analyse fine et très complète d’un des acteurs majeurs de la politique mexicaine, contribue certainement à une meilleure compréhension de ces enjeux. Dans Faire parti, l’auteure propose une étude du processus de création et de consolidation du Parti de la révolution démocratique (PRD), devenu la principale force de gauche du pays. Elle adopte une perspective originale puisque c’est à travers des « dirigeants multipositionnés », soit ceux occupant des fonctions officielles à la fois au sein du parti et dans des organisations sociales, qu’elle fonde son analyse. C’est bien cette notion de multi-engagement et au-delà le « milieu partisan » dans lequel le PRD s’est développé qui constituent l’objet principal de cet ouvrage, qui investigue dans le détail les liens multiples et parfois contradictoires entre le parti et les organisations contestataires. Sur le plan disciplinaire, Hélène Combes plaide pour un décloisonnement entre sociologie et science politique permettant de rapprocher l’étude des mouvements sociaux de celle des partis politiques. Elle insiste également sur la nécessité de contextualisation historique et la prise en compte des spécificités propres à chaque organisation. Sur le plan méthodologique, elle use d’une large palette d’approches qualitatives comme quantitatives, allant de l’étude ethnographique aux sondages, appliquées lors d’un terrain de recherche impressionnant par sa durée et sa densité. Les deux premiers chapitres, de nature essentiellement historique, retracent les principaux épisodes de la contestation politique au Mexique entre 1950 et 2000. L’auteure y révèle des liens intéressants entre sphères institutionnelle et contestataire qui nourriront éventuellement la création du PRD et ses rangs militants. Elle insiste par ailleurs sur l’existence d’un mouvement contestataire pré-1968, notamment le Mouvement de libération nationale, qui aura un impact fort sur le futur parti. Ces chapitres offrent une grille de lecture intéressante de la succession des différentes luttes (étudiantes, paysannes, pour l’accès au logement, contre la dette…) et de leur rôle dans la constitution du tissu militant qui contribuera à la fondation du PRD. À cet égard, l’implication très forte du Mouvement urbain populaire et des Assemblées de quartier dans le lancement et la structuration du parti, à la fin des années 1980, est exposée de façon très détaillée au chapitre 2. Le chapitre 3 poursuit cette analyse en étudiant l’apparition des tendances au sein du parti et leur articulation avec les organisations sociales. Combes y discute non seulement de la dimension charismatique de Cuauhtémoc Cárdenas, mais aussi de la façon dont ce dernier a bâti sa légitimité en s’appuyant sur les organisations sociales face à la tendance « Arcoíris », plus favorable à une transition « pactée traditionnelle ». Le chapitre 4 se concentre sur la question des fraudes électorales et de la répression subie par le PRD pendant ses premières années d’existence, là encore en insistant sur les impacts sur la structuration du parti. L’auteure y avance que les répertoires d’action utilisés par le PRD pendant cette période (manifestations, campements, marches, gouvernements parallèles…) furent fortement influencés par les organisations contestataires et les dirigeants multipositionnés qui ont contribué à fonder le parti. On notera en particulier dans ce chapitre les allusions aux stratégies utilisées par Andrés Manuel López Obrador, alors candidat défait au poste de gouverneur de l’État de Tabasco, qui précèdent (et inspirent) celles dont il usera à la suite de sa courte défaite à la présidence du …
Faire parti. Trajectoires de gauche au Mexique, d’Hélène Combes, Paris, Karthala, 2011, 452 p.[Notice]
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Thomas Collombat
Université du Québec en Outaouais
thomas.collombat@uqo.ca