Recensions

Micheline Labelle, Racisme et antiracisme au Québec. Discours et déclinaisons, Québec, Les Presses de l’Université du Québec, 2010, 198 p.[Notice]

  • Mathieu Forcier

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Disqualifiée scientifiquement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, notamment en 1950, par la Déclaration sur la race et les préjugés raciaux de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture), l’idéologie raciste persiste tout de même au sein de nos sociétés en complexifiant son discours, le racisme culturel venant se surajouter aux formes biologique et coloniale. Gagnant en subtilité, le racisme contemporain rend plus ardue l’identification claire de son discours ainsi que de ses émetteurs, donnant dès lors lieu à davantage de confusion au sein du discours et des moyens de l’antiracisme. Dans cet ouvrage, Micheline Labelle se propose justement d’analyser le discours de l’État québécois, des organisations non gouvernementales (ONG) et des associations de minorités sur le racisme et l’antiracisme. Cet effort a pour objectif de « faire un état des convergences et des divergences entre les protagonistes choisis en ce qui concerne les représentations sociales du racisme et de l’antiracisme, pour une période restreinte, celle des années 2000 » (p. 12). Sur le plan méthodologique, l’auteure procède à une analyse de contenu classique ayant pour corpus la documentation officielle de plusieurs ministères québécois ainsi que des mémoires des ONG et des associations de minorités déposés à l’occasion de la consultation publique de 2006 du ministère de l’Immigration et de Communautés culturelles (MICC) dans le cadre du projet de politique gouvernementale de lutte contre le racisme. La grille analytique mobilisée est constituée de quatre questions, à savoir « Qui sont les cibles du racisme ? Qui est raciste ? Qu’est-ce que le racisme ? Comment le combattre ? » (p. 158). La pertinence d’une telle analyse discursive du racisme et de l’antiracisme au cours des années 2000 est évidente. Alors même que la population québécoise connaît une diversification accrue et que la proportion de minorités racisées y est grandissante, comme le note l’auteure, nous sommes entrés depuis 2001 dans une « nouvelle ère » caractérisée à l’international par la montée de l’extrême-droite et de son discours, des crimes haineux, des discriminations raciales et de l’islamophobie (p. 2). Or, malgré plusieurs passages méritoires, dont une introduction et un premier chapitre convaincants, l’ouvrage ne parvient pas tout à fait à se hisser à la hauteur de son ambition affichée d’apporter un éclairage analytique critique aux enjeux et aux débats concernés. Certes, il est fort intéressant que Labelle souligne, au fil de sa recension des différentes perspectives des acteurs étudiés, les confusions et les généralisations en ce qui a trait, notamment, aux acteurs et aux victimes du racisme ainsi qu’aux moyens d’y lutter. Cependant, bien que le travail descriptif soit louable, celui analytique demeure insuffisant pour proposer une interprétation sociologique qui permette de mettre en lumière les divergences discursives des acteurs étudiés. Au premier chapitre, l’auteure expose sa position théorique à travers la présentation des différentes lectures des transformations du racisme, du rôle de l’État dans l’antiracisme ainsi que du statut de « race » comme terme à mobiliser ou à proscrire au sein des analyses en sciences sociales. Contrairement aux théoriciens antiracistes des whiteness studies et de la critical race theory défendant la validité analytique de la notion de « race », Labelle prône l’abolition du vocable issu du discours raciste pour y préférer le terme de « groupes racisés ». Affirmant la nécessité d’étudier les discriminations et les inégalités découlant du racisme sans emprunter les vocables de l’idéologie raciste, elle mobilise plutôt les concepts de processus de racialisation, de processus de catégorisation et de disqualification sociale. Labelle aborde rapidement les transformations du racisme en traitant de l’articulation du racisme biologique au néoracisme caractérisé par le …