Résumés
Résumé
Cet article tente de rassembler quelques éléments de réponse à une question à laquelle les théories contemporaines de la reconnaissance n’ont jamais véritablement répondu : qu’est-ce qu’une lutte pour la reconnaissance ? Nous cherchons d’abord à dégager les propriétés prêtées à la lutte qui pourraient expliquer la place centrale qu’elles lui confèrent. Nous procédons ensuite par comparaison, afin de mettre en évidence certaines caractéristiques qui la distinguent d’autres types de conflits, sur le thème de l’Ennemi et de son mode de désignation. Nous considérons enfin l’aboutissement qui est attendu de la lutte. Nous dégageons ainsi trois propriétés prêtées à la lutte pour la reconnaissance : elle porte un mouvement d’autoassertion du sujet qui suppose une résistance ; cette résistance est celle d’un Ennemi doté de capacités éthiques ; et cela de manière à ce que celui qui déclenche la lutte puisse avérer en l’arrachant son statut de changeur de monde.
Abstract
This paper aims at squarely addressing the question : what is a struggle for recognition ? We first identify the properties attributed to struggle that could explain its central place in current theories. We then raise the question of the enemy by comparing the struggle for recognition to other types of conflicts. We finally consider the limits of struggle, in terms of the expected outcome. It allows to identify three major features of the struggle for recognition, such as it is thought in contemporary Hegelian theories : it enables the subject’s self-assertion, which implies a certain resistance ; the one who resists is an enemy with ethical capacities ; what is at stake in a struggle against a resisting enemy is the status of world-changer.
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Parties annexes
Notes
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[1]
Celle de Nancy Fraser constituant une exception.
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[2]
Jürgen Habermas, 1992, De l’éthique de la discussion, Paris, Cerf, p. 67.
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[3]
Axel Honneth, 2005, « Between Aristotle and Kant – Sketch of a Morality of Recognition », Advances in Psychology, no 137, p. 51.
-
[4]
Alexandre Kojève, 2000, Introduction à la lecture de Hegel, Paris, Gallimard, coll. « Tel », p. 18. [C’est nous qui soulignons.]
-
[5]
Axel Honneth, 1989, Kritik der Macht, Frankfurt/Main, Suhrkamp.
-
[6]
Axel Honneth, 2000, La lutte pour la reconnaissance, Paris, Cerf, p. 194.
-
[7]
Nancy Fraser, 2005, Qu’est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution, Paris, La Découverte, p. 74.
-
[8]
Honneth, La lutte pour la reconnaissance, p. 194.
-
[9]
Axel Honneth, 2003, « Redistribution as Recognition : A Response to Nancy Fraser », dans Nancy Fraser et Axel Honneth, Redistribution or Recognition ? A Political-Philosophical Exchange, New York, Verso, p. 137.
-
[10]
Jean-Paul Sartre, 1985, Réflexions sur la question juive, Paris, Gallimard, coll. « Folio », p. 96-97.
-
[11]
Frantz Fanon, 1971, Peau noire, masques blancs, Paris, Seuil, p. 179.
-
[12]
Id., p. 174.
-
[13]
Glen S. Coulthard, 2007, « Subjects of Empire : Indigenous Peoples and the Politics of Recognition in Colonial Contexts », Contemporary Political Theory, vol. 6, no 4, p. 448.
-
[14]
Avishai Margalit, 1999, La société décente, Castelnau-Le-Lez, Climats.
-
[15]
Le nécessaire dépassement de l’expérience individuelle sous la forme de revendications universelles se trouve par exemple chez Axel Honneth (La lutte pour la reconnaissance, p. 194-195). Le second élément est impliqué par la rupture avec l’approche utilitariste de la conflictualité. Cf. supra.
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[16]
Luc Boltanski, 1990, L’amour et la justice comme compétence, Paris, Métailié, p. 284.
-
[17]
Jürgen Habermas, 1998, L’intégration républicaine, Paris, Fayard, p. 213. [C’est nous qui soulignons.]
-
[18]
Honneth, La Lutte pour la reconnaissance, p. 196.
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[19]
S’il détaille le mécanisme de la subjectivation, c’est plutôt en relation avec une reconnaissance qui ne serait pas déniée qu’en discutant les effets propres de la lutte. La conception de l’autonomie d’Axel Honneth implique ainsi que si une personne n’est pas reconnue comme membre de la communauté de ceux qui sont dotés d’une capacité d’agir, elle n’est pas en mesure de nourrir la conviction que ses aspirations valent la peine d’être poursuivies, de développer une relation pratique à elle-même, c’est-à-dire de se constituer en sujet. (Axel Honneth et Joel Anderson, 2005, « Autonomy, Vulnerability, Recognition, and Justice », dans Autonomy and the Challenges to Liberalism : New Essays, sous la dir. de John Christman et Joel Anderson, New York, Cambridge University Press, p. 127-149.)
-
[20]
Honneth, La lutte pour la reconnaissance, p. 196.
-
[21]
Fanon, Peau noire, masques blancs, p. 176.
-
[22]
Kelly Oliver, 2001, Witnessing. Beyond Recognition, Minneapolis, University of Minnesota Press, en particulier p. 85-106.
-
[23]
Id., p. 9.
-
[24]
George Sorel, 2007, Réflexions sur la violence, Bruxelles, Éditions Labor, p. 164.
-
[25]
Id., p. 141.
-
[26]
Jacques Rancière, 1995, La mésentente. Politique et philosophie, Paris, Galilée, p. 56-61. Sur un rapprochement possible des théories de la reconnaissance et de celle de Rancière, voir Jean-Philippe Deranty, 2003, « Mésentente et lutte pour la reconnaissance : Honneth face à Rancière », dans Où en est la théorie critique ?, sous la dir. d’Emmanuel Renault et Yves Sintomer, Paris, La Découverte, p. 185-199.
-
[27]
Paul Ricoeur, 2004, Parcours de la reconnaissance, Paris, Stock, p. 21.
-
[28]
Carl Schmitt, 1992, La notion de politique, Paris, Flammarion, coll. « Champs », p. 64-65.
-
[29]
Voir, par exemple, Carl Schmitt, 1998, Le Nomos de la Terre, Paris, Presses universitaires de France.
-
[30]
Voir notamment Ernesto Laclau, 2005, « On “Real” and “Absolute” Enemies », New Centennial Review, vol. 5, no 1, p. 4.
-
[31]
Rainer Forst, 2007, « To Tolerate Means to Insult », dans Recognition and Power. Axel Honneth and the Tradition of Critical Social Theory, sous la dir. de Bert van den Brink et David Owen, New York, Cambridge University Press, p. 216 ss.
-
[32]
Comme l’a mis en évidence Robin Celikates dans un article de 2007 intitulé « Nicht versöhnt. Wo bleibt der Kampf im “Kampf um Anerkennung” ? » [Irréconciliés. Où se situe la lutte dans « la lutte pour la reconnaissance » ?], dans Socialité et reconnaissance, sous la dir. de Georg W. Bertram, Robin Celikates, Christophe Laudou et David Lauer, Paris, L’Harmattan.
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[33]
Axel Honneth, 2006, « Invisibilité : sur l’épistémologie de la “reconnaissance” », dans La Société du mépris, Paris, La Découverte, p. 231.
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[34]
Id., p. 239.
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[35]
Axel Honneth, 2002, « Recognition », Inquiry, no 45, p. 502.
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[36]
Il la constitue en « force morale qui alimente le développement et le progrès de la société humaine ». (Honneth, La lutte pour la reconnaissance, p. 171.)
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[37]
Patchen Markell, 2003, Bound by Recognition, Princeton, Princeton University Press.
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[38]
Anthony Simon Laden, 2007, « Reasonable Deliberation, Constructive Power, and the Struggle for Recognition », dans Recognition and Power, sous la dir. de van den Brink et Owen, op. cit., p. 270-289.
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[39]
Miranda Fricker, 2006, « Powerlessness and Social Interpretation », Epistemê, vol. 3, no 1, p. 96-108.
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[40]
Fraser, Qu’est-ce que la justice sociale ?, p. 49. [C’est nous qui soulignons.]
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[41]
Albert O. Hirschman, 1995, Défection et prise de parole, Paris, Fayard, p. 35.