Recensions

Parole d’historiens. Anthologie des réflexions sur l’histoire au Québec, d’Éric Bédard et Julien Goyette (Choix de textes et présentation), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, collection « Corpus », 2006, 487 p.[Notice]

  • Charles-Philippe Courtois

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  • Charles-Philippe Courtois
    Doctorant, Université du Québec à Montréal / Institut d’études politiques de Paris ; chargé de cours, Université de Montréal

L’appréciable collection « PUM-Corpus » s’enrichit d’un nouveau volume. Éric Bédard (TELUQ – UQAM) et Julien Goyette (UQAR) ont établi, avec le soutien du Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités (CIRCEM, Université d’Ottawa), une anthologie des réflexions des historiens québécois, allant de François Xavier de Charlevoix à Jocelyn Létourneau en passant par Benjamin Sulte et Maurice Séguin. Parole d’historiens vient certainement combler un vide. Cette anthologie rendra service autant aux praticiens de l’histoire qu’à tous ceux qui, au Québec, s’intéressent à l’histoire intellectuelle nationale, qu’ils soient sociologues, politologues, philosophes ou autres. Éric Bédard a rédigé la présentation et Julien Goyette, la postface. La présentation expose le but du recueil : « nourrir [l]es réflexions sur l’histoire au Québec et les finalités de la recherche » (p. 11), c’est-à-dire présenter la variété des points de vue des historiens sur l’histoire du Québec et les finalités de leur discipline à travers l’histoire. Le public cible est constitué des étudiants, des enseignants et des professeurs d’histoire. S’ajoutent les épistémologues et les divers théoriciens intéressés par les questions de la mémoire. Quatre types de textes, produits par des historiens du Québec à propos de l’histoire québécoise, ont été retenus : « paratexte » (avant-propos, etc.), essai (polémique), bilan et réflexion théorique. Il y est donc question des démarches de l’historien, de sa conception de l’histoire, de méditations sur le chemin parcouru après une thèse ou des années de pratique, mais aussi des finalités sociales et nationales de son travail de recherche et des points de vue sur l’Histoire qui entrent en débat. Le recueil contient près de cinquante textes représentatifs de l’évolution de l’historiographie québécoise et de ses conflits [polémiques ?]. Il ne convient donc pas ici de les recenser tous. La présentation des textes est dépourvue du paragraphe de mise en contexte coutumier de la collection. Malgré tout, les auteurs réussissent le tour de force de présenter les historiens de toutes les écoles avec impartialité et équité. Pourtant, une présentation succincte du contexte dans lequel s’inscrit le texte retenu serait utile. Cela aiderait l’étudiant à aborder ce corpus considérable. On trouve en revanche en fin de volume un compendium bibliographique utile. Les textes se divisent en quatre parties chronologiques inégales : les « Anciens », suivie de la « modernisation », des « modernistes » et de « l’éclatement ». Bédard et Goyette ne se sont pas aventurés parmi les plus jeunes : sage décision sans doute. Un peu plus de distance permettra de mieux déterminer les textes représentatifs des générations montantes. Les plus jeunes historiens présents sont en effet dans la cinquantaine (Ronald Rudin et Jocelyn Létourneau). On appréciera trouver rassemblés différents jalons de l’historiographie québécoise autrement épars. Remarquons deux textes épistolaires, l’un de François-Xavier Garneau au gouverneur Elgin, l’autre de Lionel Groulx à l’intellectuel François-Albert Angers. Chacun présente de façon claire et succincte sa perspective et ses objectifs en tant qu’historien. Groulx marque nettement ses divergences avec l’École de Montréal, expliquant comment et pourquoi il refuse son fatalisme. Les textes susciteront à n’en pas douter une multitude de réflexions, comme l’espèrent Bédard et Goyette. Notons par exemple que, de façon très moderne, de Charlevoix se donne des devoirs d’historien envers sa patrie d’abord, envers l’Église ensuite, alors que cet ordre est inversé dans les présentations de Groulx. L’oeuvre de de Charlevoix s’inscrivait dans une série ambitieuse, à la mesure de la portée intercontinentale des jésuites, mais elle attend encore un éditeur québécois, comme tant d’autres écrits de la Nouvelle-France, que souvent nous nous privons d’appréhender dans leur intégrité. Le texte de Jocelyn Linteau sur la nouvelle histoire …