En lisant la presse ou en regardant le journal télévisé, le citoyen doit quotidiennement faire face à un flot d’informations où les récits de catastrophes passées, présentes ou à venir occupent une place prépondérante. Cette médiatisation concourt au développement d’un sentiment d’insécurité qui a pour corollaire une demande grandissante d’interventions publiques en vue d’anticiper ou de surmonter les aléas de la « société du risque ». Le risque est devenu une préoccupation majeure des sociétés en ce début de xxie siècle. Il interpelle les autorités publiques qui font face à de nouvelles exigences en matière de sécurité (par exemple nucléaire, industrielle, alimentaire, sanitaire). Étant donné que les risques sont multiples, voire démultipliés, et que leur origine varie, les missions régaliennes traditionnelles de l’État évoluent même si « la puissance publique ne peut pas répondre à tous les risques auxquels sont confrontés les individus, parce qu’elle n’en a pas les moyens et que, surtout, on aboutirait à un système totalitaire ». Les décideurs doivent donc procéder à un tri dans les « menaces » en opérant un arbitrage entre l’importance réelle, c’est-à-dire les conséquences anticipées, et la perception (parfois très subjective ou mise en scène) des risques. En effet, en matière de risque les incertitudes sont nombreuses, à commencer par les origines même des phénomènes que l’on cherche à éviter. Pour certains, ils s’expliquent par la fatalité des fléaux naturels (séisme, ouragan, inondation, sécheresse, etc.), pour d’autres, par les retombées de l’action humaine (marée noire, vache folle, explosion nucléaire, etc.). Cette dernière conception est de plus en plus dominante et s’impose même pour expliquer les risques « naturels », comme en témoignent les débats contemporains sur les origines du réchauffement climatique et des perturbations (sécheresse, ouragan, inondation, etc.) qui en découlent. Ainsi, « c’est l’occupation humaine qui, fondamentalement, crée le risque, transforme, par une exposition plus ou moins volontaire à leurs effets, des événements plus ou moins naturels, en danger ». Les évolutions de la société induisent l’apparition de nouveaux risques, mais aussi de nouvelles manières de les réguler, comme nous allons le voir dans ce numéro de Politique et Sociétés qui présente plusieurs exemples de politiques publiques du risque. En introduction, Steve Jacob et Nathalie Schiffino, après avoir esquissé une typologie des risques contemporains, présentent les principales caractéristiques des politiques publiques du risque. La société adopte parfois des attitudes ambiguës, voire paradoxales, à l’égard du risque et de sa gestion publique. Les citoyens développent des besoins de protection accrus et revendiquent un risque zéro, une sécurité absolue, sans accepter que les pouvoirs publics empiètent sur leur vie privée et leurs libertés individuelles ; ils sont réticents face à la sur-réglementation, mais exigent une prévoyance élargie à tous les aléas imaginables et plaident pour une réduction de la dépense publique tout en exigeant une indemnisation financière importante lorsqu’ils sont victimes d’une catastrophe. Pour répondre à ces diverses demandes et à ces multiples besoins sociaux, l’État est donc amené à prendre des décisions dans un contexte empreint bien souvent d’un degré très élevé d’incertitude. Ces décisions sont délicates, car les certitudes en ce domaine sont parfois évanescentes et les gestionnaires publics n’ont pas le droit à l’erreur, d’autant plus que les conséquences d’une gestion « déficiente » sont amplifiées par le sensationnalisme des images et de l’émotion qui entoure les situations catastrophiques de détresse. Si une catastrophe survient, les observateurs rechercheront les carences de l’intervention publique et, s’il ne se passe rien, des voix ne manqueront pas de s’élever pour dénoncer l’emprise d’un État paternaliste, omniprésent, voire tentaculaire. Bref, face à toutes ces mutations de la gestion publique contemporaine, l’État …
Présentation du numéro
Les politiques publiques du risque[Notice]
- Steve Jacob et
- Nathalie Schiffino
Diffusion numérique : 27 février 2008
Un document de la revue Politique et Sociétés
Volume 26, numéro 2-3, 2007, p. 19–26
Les politiques publiques du risque
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