FR :
Dans cet article, nous examinons le cas de la Turquie qui présente un exemple original en termes des politiques populistes menées depuis l’instauration du régime multipartite en 1950. L’originalité du cas turc réside dans deux aspects bien caractéristiques. Le premier est qu’en Turquie, contrairement aux cas de certains pays de l’Amérique latine, les politiques populistes ont été conduites par les gouvernements conservateurs de centre-droit. Ceux-ci, à travers les réseaux de patronage qu’ils ont organisés, ont bénéficié des relations patron-client qui caractérisent la structure sociale. Les organisations de parti représentaient plus des « partis-machines » que des partis ayant un programme national et une idéologie cohérents. Ils ont ainsi distribué généreusement les ressources qu’ils ont pu facilement obtenir, notamment lors de la période de guerre froide, grâce à la position géostratégique du pays en tant que membre de l’OTAN. Le second concerne le cercle vicieux auquel ont abouti les politiques populistes. Ce cercle vicieux est constitué par le cycle populisme/crise/coup d’État/politiques d’austérité. Mais, avec la fin de la période de guerre froide et le début de l’ère de mondialisation, la Turquie a commencé à éprouver des difficultés à trouver des ressources extérieures, obtenues notamment sous forme d’aide intergouvernementale, pour mener les politiques populistes. Ces ressources ont été remplacées par l’entrée des capitaux à court terme à des taux d’intérêt élevés, ce qui a paradoxalement facilité l’application du populisme mais aggravé ses effets néfastes. Cela a entraîné la montée tant du mouvement islamiste que du mouvement ultranationaliste avec d’importantes tensions sociopolitiques.
EN :
In this article, we examine the Turkish case for populism that was applied since the establishment of the multi-party regime on 1950. The originality of the Turkish case resides in two facts. First, in Turkey, populist policies were implemented by conservative center-right governments rather than by left governments as in some Latin American countries. Based on patron-client relations as a dominant characteristic of the rural social structure, these parties organized themselves as patronage networks. These party organizations can be characterized as machine-parties rather than as parties with coherent ideologies and national programs. Thus, they distributed to their clients the resources obtained more or less easily from foreign suppliers during the cold war, due to Turkey’s geo-strategic importance as a NATO member. Second, it entails a vicious circle provoked by these populist policies. This vicious circle manifests itself as a cycle of populist policies/crisis/ military intervention/austerity measures. However, with the end of the cold war period and the beginning of the globalization era, it became harder for governments in Turkey to obtain long-term foreign debt in terms of multilateral agreements to carry out their populist policies. As a result, these resources were replaced by short-term, high-cost capital inflows. These inflows paradoxically facilitated the implementation of populist policies and, at the same time, worsened their severe consequences. As a result, socio-political tensions created by these severe conditions triggered the rise of radical movements such as political Islam and ultra-nationalism.