Résumés
Résumé
À la différence du zazen, la forme méditative du zen la plus connue, qui cherche à annihiler le rapport aux choses terrestres par le retrait dans la méditation (assise), le ko̅an zen choisit d’emprunter aux « choses terrestres » pour mieux en libérer l’esprit. Le ko̅an zen, en effet, se caractérise par son recours au langage en des phrases qui ne font pas sens (du type « Qu’est-ce que la Voie ? » – « Oui. ») ; autrement dit, les « devinettes » et autres « historiettes absurdes » que propose le ko̅an zen à ses pratiquants utilisent le signe, mais pour mieux le démystifier et défaire tous les liens qui le rattachent au sens. Il s’agit de dérouter non pas tant pour révéler l’absurdité ou le vide de toute pensée (langagière), mais surtout pour bousculer l’esprit dans son carcan de signification dans le but de l’amener à accéder au « non-moi (wu-wo) », à la « non-pensée (wu-nian) » qui sont autant de définitions négatives de l’illumination bouddhiste. Si le monde est conçu comme un langage, pour emprunter la formule de Lacan, le ko̅an zen propose une sortie du monde par la destruction du sens, afin d’ouvrir l’esprit à la vérité du « non-mental (wu-nian) », soit à l’éveil. On observera donc la stratégie du signe employée dans ces ko̅an par les maîtres zen pour sortir l’esprit de ses habitudes.
Abstract
Whereas Zazen, the best known form of Zen meditation, aims at annihilating all ties with mundane matters through (seated) meditation, Ko̅an Zen chooses other means to free the mind from such “mundane” attachement: it uses language and communication, but in such a way that it appears absurd and utterly nonsensical (such as “What is the Way?” – “Yes.”). Described as a “special transmission outside the scriptures, not founded upon words and letters,” Ko̅an Zen uses the codes and signs of language only to best demystify and undo its ties to any kind of signified or meaning. By doing so the Zen master intends to free the disciple’s mind from its belief that the signs point to some external reality or to some transcendental truth. It is only when the language is thus demystified that the disciple can come to the realization that there is nothing to be signified – and Zen then talks of vacuity. But vacuity itself is merely a word, another sign, the ultimate achievement lying in the extinction of the mental mind, the generator of all (false) thoughts and discourses. Ko̅an Zen masers would agree with Lacan when he said the world was structured by language, and it is therefore Ko̅an zen’s goal to explode the language and liberate the world (which ultimately does not even exist) from the discursive structure our mind is bound to apply. Only then can the mind become “non-mental (wu-nian)” and realize its true nature (that of Buddhahood).
Parties annexes
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