Présentation : Échos et résonances[Notice]

  • Catherine Mavrikakis et
  • Catherine Morency

Est-il possible de penser la modernité sans évoquer ce que Walter Benjamin a théorisé comme la perte de l’aura, sans la possible disparition d’une unicité, sans l’effacement d’une singularité d’un être, d’un objet ou encore d’un corps ? À cette époque de reproductibilité technique, de reproductions assistées par les technologies de toutes sortes, de « réplication » de la vie même, est-il encore permis de croire à la saisie d’une originalité, d’une signature ? Et n’est-ce pas dans la multiplication, la prolifération, la reprise que désormais nous sommes condamnés à penser le singulier ou ce qu’il en reste dans les chaînes de montage que sont devenues les existences ? Si les réseaux de fast-food à travers le monde clonent indéfiniment le même restaurant qui ne renvoie à aucun original réel, si, de Singapour à Brazzaville, les hôtels donnent partout naissance aux mêmes chambres aux lits à couvertures et moquettes synthétiques, si les guerres se multiplient en se répétant, en se voyant être deux fois mondiales en moins de trente ans et deux fois en Irak en moins de quinze ans, si les présidents américains se doublent de père en fils pour refaire le même scénario et arborent le même nom à une lettre près qui les distingue à peine et qui porte d’ailleurs en elle le redoublement, si les films se font sur le principe de la reprise (Star Trek XI sortira en 2008, nous annonce-t-on déjà), force est de constater que ce qui caractérise le temps actuel, c’est un désir de production du même, du sériel qui relève d’une véritable pauvreté de la pensée fondée sur un sentiment de peur devant ce qui est inconnu ou qui n’a pas déjà eu lieu. Le futur sera la copie de notre présent, voilà ce que les bandes-annonces des films prédisent. Le sentiment de « déjà-vu » des modernes, dont parle le philosophe Paolo Virno, s’explique non seulement par le cynisme d’un sujet blasé, mais aussi par l’impossibilité, qui est le lot actuel du social planétaire, de se donner de nouvelles formes de pensée, d’esthétique ou d’espoir. L’histoire ne peut que se répéter pour qu’elle puisse croire qu’elle a le mot de sa propre fin. Face à cette folie du même, qui influence jusqu’à notre compréhension du temps historique, face à cette volonté d’entrer dans le clonage du présent que l’on conserve pour mieux le vivre plus tard, il semble important de penser les lieux de résistance au narcissisme forcené du redoublement, de la reprise. Il s’agit non pas de refuser l’inévitable et peut-être nécessaire marche vers la démultiplication, mais de parvenir à penser la question du double, de la doublure, de la répétition en tant qu’inquiétante étrangeté et non en tant que repère, antre pour un moi hypertrophié. La copie et la reproduction doivent rester le produit d’une altération, d’une trahison et d’une interprétation qui permet l’inscription d’une altérité imprévue. Nous avons choisi l’écho pour en faire un concept permettant de penser le double dans l’idée d’une distorsion. Il nous a semblé, en effet, que c’était en lui que nous pouvions opposer un refus à l’idée du « cloné ». Le psychanalyste, qui vient ponctuer certaines phrases de ses patients par des respirations, des expectorations, des soupirs, des raclements de gorge ou encore par une répétition écholalique des mots qui lui sont dits, parvient, par sa capacité à faire de son cabinet une chambre d’écho, à faire écouter au sujet quelque chose de sa propre parole jusque-là répétée comme même et donc non entendue. Grâce à ce modèle ou à cette fable psychanalytique où le « narcisse » du patient …

Parties annexes