Le court film intitulé Portrait in Motion (2001-2002) introduit de façon expérimentale et poétique le rôle particulier de la mémoire dans les oeuvres de Nadia Myre. Les deux minutes trente secondes pendant lesquelles un canoë s’approche lentement à la surface lisse et brumeuse d’un lac sont à peine suffisantes pour saisir le sens de ce mouvement. Au moment où la proximité de l’objet avec la caméra livre une image plus tangible, plus saisissable, le canoë effectue un virage et le film s’interrompt. L’attente est suspendue à ce portrait en mouvement pourtant fort simple mais insondable, et le film recommence sa boucle. Avant que l’image réapparaisse sur l’horizon à travers la brume, on entend d’abord des sons d’oiseaux, puis le bruit des déplacements sur l’eau. Dans cette brève vidéo comme dans plusieurs de ses oeuvres, Nadia Myre utilise des thèmes et des images « clichés » de ses origines pour transformer de telles représentations en une expérience purement visuelle et contemplative. L’atmosphère brumeuse de Portrait in Motion fait obstacle à la clarté et à l’objectivité, la mobilité du portrait défie son habituelle stabilité, et c’est ainsi que Nadia Myre fait basculer le mythe éthnographique de l’autochtone dans le récit d’une identité en quête d’elle-même et de sa reconnaissance. Portrait in Motion suggère le geste de réappropriation d’une mémoire, d’une identité et d’un imaginaire dont History in Two Parts (2001-2002) présente la part de dualisme en mettant en contact deux matérialités symbolisant la rencontre de deux réalités difficilement assimilables. Ce projet interroge en quelque sorte l’espace clos et statique de l’écriture, en recouvrant un texte de loi grâce à un geste partagé collectivement par nombre d’individus, un geste qui s’inscrit dans la durée et dont les propriétés relationnelles ne sont pas sans lien avec l’oralité. The Distance Between Us (1997-2002) ainsi que Grandmother’s Circle (2002) proposent aussi un tel rapprochement. Mais si ces dernières oeuvres tentent de reconstruire symboliquement l’idée de communauté, d’espaces d’échange, de partage et de médiation, c’est afin d’en montrer la fragilité et la précarité.