Résumés
Résumé
Cet article affronte l’ambiguïté de l’image ethnographique en prenant comme base le riche corpus fourni par le timbre-poste colonial français de l’entre-deux-guerres. Le timbre offre un champ privilégié d’analyse dans la mesure où l’appropriation d’une image de la vie authentique indigène active un processus de re-présentation de l’objet – son encadrement dans une forme lisible par le récepteur européen –, analogue au processus de transcription ethnographique, où les éléments de la culture étudiée sont intégrés et enregistrés suivant des schémas étrangers à leur nature. Une analyse du timbre, en dégageant ses fonctions à la fois indiciaires et iconiques, révèle une tendance à se structurer en couches sémiotiques, en une superposition de signes, qui se prêtent à une certaine manipulation idéologique. En plus, la compartimentation de la réalité protéiforme indigène par la forme du timbre devient l’instrument d’une appropriation plus générale. Le timbre-poste se transforme en porte-objet microscopique, dans le cadre duquel des aspects de la vie indigène se profilent comme des spécimens ethnographique ou zoologique. La vie et la culture indigènes sont ainsi soumises à une gamme d’optiques dont tous sont hégémoniques parce que saisis du point de vue de la puissance européenne colonisatrice.
Abstract
This paper explores the ambiguity of the ethnographic image on the basis of the rich corpus provided by French colonial stamps during the interwar years. The stamp offers a privileged field of analysis in that its appropriation of images of authentic native life activates a process of re-presentation of the object analogous to the process of ethnographic transcription, where elements of a given culture are integrated and recorded according to patterns alien to its nature. An analysis of both the indexical and iconic functions of the postage stamp reveals a tendency within in it towards a layered semiotic structure in which signs are superimposed on each other, in such a way as to facilitate a certain degree of ideological manipulation. Furthermore, the compartmentalization by the stamp of the complex reality of native life leads to an even more general appropriation. The stamp becomes a microscopic sample framing aspects of native life that appear as ethnographic or zoological specimens. Native life and culture are in this way submitted to a range of viewpoints, all of which are hegemonic to the extent that they are seen from the perspective of the European colonizing power.