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1. Introduction : les risques routiers professionnels et le téléphone au volant

Depuis le 1er janvier 2013 la communauté européenne a mis en place une nouvelle codification des sinistres dans le recueil de statistiques AT/MP[1] (SEAT : Statistiques européennes sur les accidents du travail) avec une modification des éléments matériels. Le risque routier est la première cause de mortalité au travail. Environ 52 % des accidents mortels du travail sont des accidents routiers et 12 à 14 % des tués sur les routes en France sont tués dans un déplacement en mission ou lors d’un trajet domicile/travail (Arrestier, 2016). Un appel a été lancé en octobre 2016 pour que les entreprises s’engagent « pour une route plus sûre ». Les entreprises qui choisissent de le faire signent une charte qui comprend sept engagements dont l’un porte spécifiquement sur l’usage du téléphone au volant (annexe 1).

Ces dernières années, le téléphone est devenu l’une des principales causes d’accidents sur la route avec la vitesse et l’alcool. Près d’un accident corporel sur dix serait lié à l’utilisation du téléphone en conduisant (ONISR, 2017). Téléphoner au volant multiplierait par trois le risque d’avoir un accident et lire un message multiplierait par 23 ce risque (www.securite-routiere.gouv.fr). La littérature scientifique confirme que l’utilisation d’un téléphone portable au volant représente une source importante de distraction. En effet, Gauld, Lewis, Haque et Washington (2015) identifient plusieurs types de distractions : une distraction physique, une distraction visuelle et enfin une distraction cognitive. Les auteurs précisent que même les meilleurs conducteurs éprouvent des difficultés à traiter deux ou plusieurs informations en même temps. Dès 2000, et l’élargissement de l’utilisation des téléphones mobiles à la conduite, Haigney, Taylor et Westerman (2000) montrent via l’évolution de la fréquence cardiaque que l'utilisation d'un téléphone mobile augmente la demande cognitive des conducteurs entraînant une réduction des marges de sécurité. Törnros et Bolling (2006) ont proposé une étude portant sur les effets des conversations téléphoniques mobiles, en mains libres ou non, sur la simulation de conduite dans différents environnements de circulation (ruraux et urbains). Les performances lors de tâches de détection périphériques ont été médiocres dans tous les contextes, mais la vitesse de conduite a été réduite lors de conversations avec le téléphone tenu en main. Ceci pourrait laisser penser à une forme de compensation et de « ré-équilibrage » du risque face à l'augmentation de la charge de travail mental. Törnros et Bolling ont cependant remarqué que cette diminution de la vitesse ne s’était pas produite dans les mêmes circonstances et de la même façon en mode mains libres, ce mode d’utilisation pouvant finalement présenter une forme de sur-risque.

Au niveau réglementaire, le code de la route proscrit clairement l’usage du téléphone « tenu en main » ainsi que des oreillettes. Un appel/réponse avec le téléphone tenu en main ou l'envoi d'un SMS correspond ainsi à une infraction sanctionnée d'un procès-verbal avec une amende de quatrième classe de 135 € et un retrait de trois points sur le permis de conduire. Dans le cadre de la mesure numéro 13 du Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du 9 janvier 2018, il a été décidé qu’à partir de 2019,

« lorsque le téléphone est tenu en main et qu'au moins une autre infraction au Code de la route est commise en même temps »,

le permis de conduire pourra être retenu par les forces de l'ordre et qu'une suspension administrative du permis par le préfet pourra s’en suivre.

Il n’est pas fait mention des kits mains-libres de type « connexion par bluetooth », néanmoins, en cas d’accident, la responsabilité du conducteur peut être engagée, ce, même avec l’usage d’un dispositif non interdit, s’il est établi que l’inattention du conducteur est à l’origine de la perte de contrôle du véhicule. Notons qu’après un accident de la route ayant entrainé un dommage corporel, les autorités de police ou de gendarmerie établissent un procès-verbal d’enquête. Celui-ci doit conduire à établir ou non la responsabilité́ pénale de l’auteur de l’infraction ainsi que la responsabilité́ civile qui oblige à indemniser la victime. Dans ce cas, un conducteur jugé responsable d’un accident alors qu’il téléphonait se verra reprocher le non-respect de l’article R412-6 du Code de la route qui stipule que

« Tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent » [2] .

Selon le Code des assurances, téléphoner au volant constitue également une infraction de premier plan. En cas d’accident ayant causé un dommage, l’usage du téléphone pendant la conduite est considéré comme une circonstance aggravante. Les conducteurs reconnus responsables d’un accident alors qu’ils téléphonaient se voient en effet pénalisés d’une augmentation du montant de la prime d’assurance ou même d’une résiliation du contrat dans les cas les plus graves. Notons d’ailleurs qu’en vertu de l’article R412-6-2 (legifrance.gouv.fr, 2018a, 2018b), les constructeurs automobiles et d’appareils autorisés à l’aide à la conduite mentionnent dans les conditions générales d’usage de leurs produits que ces derniers doivent être utilisés à l’arrêt.

Téléphoner au volant est ainsi considéré comme une activité entrainant une importante source de distraction au volant, celle-ci étant considérée comme l’un des facteurs déterminants dans les accidents de la route depuis la fin des années 1970 (Treat et coll., 1979)[3].

Cet effet perturbateur des conversations téléphoniques serait la conséquence d’une réorientation de l’attention du conducteur de la conduite vers le sujet de la conversation téléphonique (Strayer, Cooper et Drews, 2004). Mack et Rock (1998) qualifient cette défaillance de « perceptivo-attentionnelle », et l’associent au concept de cécité attentionnelle (Hills, 1980) qui explique un phénomène de « regarder sans voir » (looked but failed to see) chez les conducteurs, ces derniers se montrant incapables de détecter un objet saillant et inattendu dans leur champ visuel. Les explications de cette déficience sont souvent formulées en termes d'augmentation globale de la charge de travail cognitive, conduisant à un traitement cognitif plus lent et à une diminution du contrôle exécutif (Amado et Ulupinar, 2005; McKnight et McKnight, 1993). En effet, la recherche sur les mouvements oculaires chez des conducteurs menant de front une activité de conduite et de communication téléphonique démontre un effet de tunnel cognitif et visuel (Briggs, Hole et Land, 2011; Recarte et Nunes, 2002), amenant ces derniers à « regarder mais échouer à voir » des éléments pertinents dans la scène de conduite (Langham, Hole, Edwards et O'Neil, 2002; Mack et Rock, 1998).

Cette approche est étayée par des recherches démontrant que, comparés aux conducteurs non perturbés, les conducteurs à double tâche montrent une diminution de la perception du danger et des temps de réaction plus longs (Galpin, Underwood et Crundall, 2009).

Cependant, s’il est démontré que le téléphone est dangereux au volant, tout comme l’alcool ou la vitesse, il y a des facteurs psychosociaux qui sont déterminants dans l’adoption des comportements. Ainsi, les travaux sur la théorie de la conditionnalité (Gaymard, 2007, 2014a; Gaymard et Tiplica, 2014, 2019) ont montré l’importance des « transgressions légitimes ». Celles-ci renvoient au système de normes sociales qui concurrence le système de normes légales (ou Code de la route). Dans ce domaine, la conduite en lien avec le travail justifie un certain nombre de transgressions (e.g. « Je ne respecte pas la limite de vitesse si je vais au travail »).

La situation du téléphone au volant est problématique à plusieurs niveaux; tout d’abord l’utilisation du bluetooth est tolérée, mais on reconnaît par ailleurs que cela peut être dangereux et en cas d’accident le conducteur peut être poursuivi. Ensuite, parmi les accidents de la route il est difficile de trouver exactement les chiffres en lien avec l’usage du téléphone. Par exemple dans un accident où une seule personne est impliquée on peut faire des hypothèses, mais pour attester l’implication du téléphone, il faudrait par exemple le témoignage des conducteurs sur la voie opposée qui peuvent clairement voir que le conducteur en face était en conversation téléphonique avant l’accident. Enfin que se passe-t-il réellement en situation de conduite, quelle est l’utilisation réelle du téléphone et le ressenti des conducteurs sur les risques? Il s’avère difficile de répondre à ces questions sans interroger les conducteurs, ce que nous avons fait dans cette enquête.

2. Méthode

2.1 Population

La population est composée de commerciaux qui travaillent majoritairement dans le secteur du conseil et des assurances. Une entreprise commerciale a accepté de diffuser le questionnaire auprès de ses commerciaux. Cette procédure totalement anonyme nous a permis d’obtenir 59 retours.

2.2 Outil

L’élaboration du questionnaire s’est faite à partir d’échanges avec des commerciaux qui ont été contactés à la suite d’une rencontre dans un stage de récupération de points. Le questionnaire est constitué de 28 questions dont 6 permettant le recueil d’informations sociodémographiques. Une première partie concerne le sentiment de pression au travail, les habitudes de conduite, d’utilisation du téléphone et les motivations à répondre (appels et SMS). Une seconde partie a porté sur les sanctions, la perception des risques et la connaissance des risques courus. Le questionnaire est composé majoritairement de questions fermées et d’échelles de Likert.

3. Résultats

Après avoir présenté les caractéristiques de la population et les résultats aux deux principales parties mentionnées ci-dessus, seront présentés les aspects différentiels liés au sexe, à la variable « séparation vie professionnelle/vie privée » et à la situation familiale. Aucun résultat ne comporte de valeurs manquantes, sauf indication contraire.

3.1 Caractéristiques de la population

Parmi ces 59 commerciaux, il y a 62,71 % d'hommes (N = 37) et 37,29 % de femmes (N = 22). Ils sont âgés entre 22 et 60 ans (moyenne d’âge = 41,05 ans, ET = 9,50). Ils ont le permis en moyenne depuis 22 ans (écart-type = 9,69) (minimum = 4 ans; maximum : 42 ans). Parmi ces professionnels, 78 % exercent les fonctions de conseiller commercial, 12 % sont responsables commerciaux, 7 % inspecteurs commerciaux et 3 % sont spécialisés dans les ressources humaines. Concernant les équipements, 57,63 % possèdent une voiture de fonction, 88,14 % possèdent un téléphone portable professionnel et 84,7 % ont une voiture équipée du bluetooth. Enfin, parmi ces commerciaux, 83,05% sont parents (ont un ou des enfants).

3.2 Les habitudes de conduite

En préambule les commerciaux ont répondu à deux questions. Il leur a été demandé quelle était la pression ressentie liée au travail. La moyenne obtenue est de 3,75 (ET = 0,99) sur une échelle allant de 1 (aucune pression) à 5 (énorme pression). Ils ont ensuite déclaré majoritairement qu’ils arrivaient à séparer leur vie professionnelle de leur vie personnelle (72,88 % contre 27,12 %). Les commerciaux interrogés déclarent majoritairement passer entre 2 et 3 heures par jour dans leur véhicule (Figures 1 et 2).

Figure 1

Estimation des temps passés quotidiennement en voiture

Estimation des temps passés quotidiennement en voiture

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Figure 2

Estimation des temps passés quotidiennement en voiture pour les trajets professionnels

Estimation des temps passés quotidiennement en voiture pour les trajets professionnels

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Les commerciaux ont été interrogés sur leurs habitudes dans l’utilisation des infrastructures avec des échelles en 5 points (1: jamais; 2 : rarement; 3 : parfois; 4 : souvent et 5 : toujours). Ils déclarent utiliser davantage le réseau secondaire (Tableau 1). S’ils déclarent globalement respecter le Code de la route, ils déclarent également faire des excès de vitesse, ressentir de la fatigue en conduisant et utiliser le téléphone (Tableau 2).

Tableau 1

Utilisation des infrastructures routières (1 : Jamais/5 : Toujours)

Utilisation des infrastructures routières (1 : Jamais/5 : Toujours)

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Tableau 2

Réponses des commerciaux à la question : « En voiture vous avez tendance à … » (1 : jamais à 5 : toujours)

Réponses des commerciaux à la question : « En voiture vous avez tendance à … » (1 : jamais à 5 : toujours)

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Une partie du questionnaire portait spécifiquement sur un approfondissement de l’usage du téléphone au volant. Tout d’abord aucun des répondants n’a déclaré que son téléphone était éteint quand il conduisait. Le téléphone est d’abord en mode sonnerie (67,80 %), puis en mode vibreur (25,42 %) et enfin en mode silencieux (6,78 %). 54,2 % possèdent un support de téléphone dans leur voiture. Concernant la fréquence d’utilisation du bluetooth (de 1 : jamais à 5 : toujours), la moyenne est de 4,43 (ET = 1,25; min = 1; max = 5). Neuf personnes n’ont pas répondu car elles n’ont pas de système bluetooth. Les commerciaux déclarent utiliser le téléphone d’abord sur les routes nationales (Figure 3) qui est l’infrastructure qu’ils utilisent le plus (cf. Tableau 1).

Figure 3

Pourcentages de répondants utilisant le téléphone selon les infrastructures

Pourcentages de répondants utilisant le téléphone selon les infrastructures

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La figure 3 est le résultat d’un questionnaire à choix multiples. Les participants devaient choisir la ou les infrastructures sur lesquelles ils avaient l’habitude de téléphoner. Le cas contraire, ils devaient cocher la réponse « Je ne téléphone pas au volant ». Une réponse « autre » était disponible avec une précision à noter dans le cas de ce choix. La seule personne l’ayant cochée a complété ainsi : « J’essaye de m’arrêter pour téléphoner ».

Les commerciaux ont été interrogés sur la fréquence d’utilisation des appels et SMS réceptionnés et passés. Ils déclarent davantage recevoir les appels et les SMS que les passer, cependant la moyenne pour envoyer des SMS est à 2,53 ce qui reste important quand on connaît la dangerosité liée au fait d’écrire des SMS en conduisant (Tableau 3). De même on leur a demandé plus précisément les motivations à répondre en fonction de l’interlocuteur. Si l’on constate que la personne avec laquelle ils ont rdv est la première source de motivation à répondre au téléphone, la deuxième source concerne le supérieur hiérarchique, puis vient en troisième position, le(a) conjoint(e); par contre les réponses aux SMS concernent en premier lieu le(a) conjoint(e) (Tableau 4). Enfin sur cette partie il leur a été demandé quelles autres utilisations ils faisaient du téléphone en conduisant; si la fonction GPS est importante, l’utilisation des courriels et des réseaux sociaux n’est pas négligeable (Figure 4).

Tableau 3

Réponses des commerciaux à la question : « Lorsque vous conduisez, à quelle fréquence... » (1: jamais; 5: toujours)

Réponses des commerciaux à la question : « Lorsque vous conduisez, à quelle fréquence... » (1: jamais; 5: toujours)

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Tableau 4

Réponses des commerciaux à la question : « Sur un trajet professionnel, vous répondez lorsque vous recevez un appel ou SMS de… »

Réponses des commerciaux à la question : « Sur un trajet professionnel, vous répondez lorsque vous recevez un appel ou SMS de… »

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Pour chaque situation, le participant devait dire s’il répondait ou s’il ne répondait pas à l’appel. De même, le participant disait s’il répondait ou s’il ne répondait pas à un SMS en fonction de chaque interlocuteur proposé. (Tableau 4).

Figure 4

Pourcentages de répondants utilisant le téléphone selon ses applications

Pourcentages de répondants utilisant le téléphone selon ses applications

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La figure 4 représente les réponses d’un questionnaire à choix multiples. Les participants pouvaient choisir plusieurs utilisations du téléphone lorsqu’ils sont au volant. Dans le cas contraire, ils choisissaient la case « aucune ». Une réponse « autre » était disponible mais n’a pas été choisie.

3.3 Sanctions et risques

On a demandé aux commerciaux combien ils avaient des points restants sur leur permis. Les résultats sont en moyenne de 10,03 (écart-type = 2,54), le minimum étant de 3 et le maximum de 12. Pour les personnes concernées, on a demandé les raisons de la perte de points. La raison principale évoquée concerne les excès de vitesse, la seconde raison concerne l’utilisation du téléphone. Deux personnes ont répondu « autre » pour « stationnement gênant » et « absence de papiers » (Tableau 5). Quatre personnes n’ont cependant pas répondu à cette question, laissant supposer qu’elles n’ont pas perdu de points sur leur permis. Ces quatre personnes ont d’ailleurs répondu avoir leurs 12 points.

Tableau 5

Les raisons de la perte de points (N = 55)

Les raisons de la perte de points (N = 55)

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Les principales justifications aux infractions sont en rapport avec la gestion du temps (être pressé ou gagner du temps), en seconde position vient le manque d’attention (Tableau 6).

Tableau 6

Les justifications aux infractions

Les justifications aux infractions

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37,29 % des participants ont déjà fait un stage de récupération de points. Parmi ceux-ci, 11 personnes (soit 50 %) ont déclaré que cela avait changé leurs habitudes. Les changements déclarés portent sur le rapport à la vitesse (5 personnes), la ceinture de sécurité (1 personne), la concentration (1 personne), les distances de sécurité (1 personne), l’alcool (1 personne), les clignotants (1 personne), le téléphone à la main (1 personne), le fait d’être plus sensibilisé (1 personne) et enfin la conscience du risque du téléphone y compris par bluetooth (1 personne). Pour une personne, c’est à partir du deuxième stage qu’elle a changé ses habitudes.

89,83 % des 59 répondants déclarent connaître les lois et sanctions encourues sur l’usage du téléphone portable en conduisant. Enfin, il a été demandé aux commerciaux d’évaluer les risques au volant. Selon les résultats (Tableau 7), ils considèrent que le plus risqué est d’écrire un SMS et que l’on prend moins de risque si l’on n’utilise pas son téléphone de quelque manière que ce soit.

Tableau 7

Évaluation des risques au volant dans différentes circonstances (1 : pas du tout risqué à 8 : très risqué)

Évaluation des risques au volant dans différentes circonstances (1 : pas du tout risqué à 8 : très risqué)

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3.4 Les aspects différentiels

Des tests exacts de Fisher remplacent les tests du Chi-deux lorsque au moins une des données attendues était inférieure à 5.

3.4.1 Les différences selon le sexe

Parmi les variables sociodémographiques, les hommes (97,30 %) ont plus souvent un téléphone professionnel que les femmes (72,73 %) (test exact de Fisher p = 0,009). On observe des différences significatives dans l’utilisation des infrastructures : les hommes (3,946[4]) ont moins l'habitude de rouler sur les routes départementales que les femmes (4,500) (U de Mann-Whitney = 273,500; p = 0,024) et ils ont moins l’habitude de rouler sur les routes communales (3,730) que les femmes (4,318) (U de Mann-Whitney = 284,000; p = 0,042). Concernant l’utilisation du téléphone en fonction des infrastructures, les hommes (67,6 %) ont plus l'habitude de téléphoner sur les autoroutes que les femmes (36,4 %) (Chi-deux de Pearson = 5,45; ddl=1; p = 0,020). À propos de la fréquence d’utilisation des appels et SMS réceptionnés et passés, les hommes (4,135) répondent plus souvent aux appels que les femmes (3,591) (U de Mann-Whitney = 537,000; p = 0,032). En dehors des fonctions appels/réponses, les hommes (21,6 %) utilisent plus leur téléphone comme agenda au volant que les femmes (0,00 %) (test exact de Fisher p = 0,020) et ils utilisent plus le téléphone pour les réseaux sociaux au volant (35,1 %) que les femmes (4,5 %) (test exact de Fisher p = 0,010). Bien que les résultats ne soient pas significatifs (au seuil de 0,05) 35,1 % des hommes déclarent lire les courriels au volant contre 13,6 % des femmes.

Enfin dans l’estimation des risques, les hommes estiment le risque moins important lorsque l'on discute avec un passager (2,703[5]) comparativement aux femmes (3,545) (U de Mann-Whitney = 275.000; p = 0,034); de même ils perçoivent le risque moins important (4,595) lorsque l’on règle le GPS (femmes = 5,545) (U de Mann-Whitney = 249,500; p = 0,012).

3.4.2 Séparation vie professionnelle et vie privée

Pour rappel, 72,9 % (N = 43) contre 27,1 % (N = 16) ont déclaré qu’ils arrivaient à séparer leur vie professionnelle de leur vie privée. Ceux qui arrivent à faire cette séparation ressentent moins de pression au travail (3,558) que ceux qui n’arrivent pas à faire cette séparation (4,250) (U de Mann-Whitney = 482,500; p = 0,014). Ceux qui n’arrivent pas à faire cette séparation déclarent plus de trajets professionnels quotidiens entre 2 et 3 heures et entre 4 et 5 heures. Les autres déclarent plus de trajets professionnels quotidiens entre 1 et 2 heures et entre 2 et 3 heures (Chi-deux de Pearson = 10,02; ddl = 3; p = 0,018).

Les commerciaux qui déclarent pouvoir faire la séparation vie professionnelle/vie privée mettent moins leur téléphone en mode sonnerie (58,14 % contre 93,75 % pour ceux qui déclarent ne pas pouvoir faire cette séparation) et le mettent plus en mode vibreur (32,6 % contre 6,3 %) (Chi-deux de Pearson = 6,844; ddl = 2; p = 0,033). Une autre différence entre ces deux catégories concerne le fait de répondre aux appels ou SMS. Ceux qui déclarent faire la séparation vie professionnelle/vie privée déclarent moins répondre à un appel d’un membre de la famille (67,4 % contre 100 % de ceux qui ne font pas cette séparation) (test exact de Fisher p = 0,007); ils déclarent aussi moins répondre à un SMS d’un membre de la famille (20,9 % contre 50 %) (test exact de Fisher, p = 0,050). Enfin, cette variable impacte également les échanges avec le supérieur puisque ceux qui font la séparation déclarent moins répondre à un SMS de leur supérieur (39,5 % contre 68,8 %) (Chi-deux = 3,99; ddl = 1; p = 0,046)

3.4.3 Situation familiale

Parmi les commerciaux interrogés, 49 ont un ou des enfants et 10 n’en ont pas. Ceux qui n’en ont pas sont statistiquement plus jeunes (31,40[6] contre 43,02; T de Student = -3,943; p < 0,001) et ont leur permis en moyenne depuis deux fois moins longtemps (12,30 ans contre 23,98; T de Student = -3,869; p < 0,001). Il y a une corrélation positive et significative entre l’âge et le temps de permis (r de Pearson = 0,978) et entre l’âge et le fait d’avoir des enfants (r = 0,463). Pour des raisons de faisabilité (grande diversité des tranches d’âges entre 22 et 60 ans), la variable retenue pour les comparaisons est le fait d’avoir ou pas des enfants.

Ceux qui ont des enfants ont plus l’habitude de prendre l’autoroute (3,265) que ceux qui n’en ont pas (2,300) (U de Mann-Whitney = 130,500; p = 0,017). Ceux qui ont des enfants déclarent plus respecter les règles du Code de la route (4,327 contre 3,800) (U de Mann-Whitney = 133,000; p = 0,012) (42,9 % de ceux ayant des enfants répondent « toujours » contre 0 % de ceux qui n’en ont pas; Chi-deux = 7,85; ddl = 3; p = 0,049). Ceux qui ont des enfants déclarent être plus attentifs au volant (4,306 contre 3,700) (U de Mann-Whitney = 119,500; p = 0,004) et ils déclarent faire moins d’excès de vitesse (2,714 contre 3,400) (U de Mann-Whitney = 350,000; p = 0,026). Ceux qui n’ont pas d’enfants se garent moins sur les stationnements non autorisés (1,367 contre 1,900; U de Mann-Whitney = 349,500; p = 0,012).

Concernant la réception de SMS au volant, ceux qui ont des enfants déclarent en recevoir moins que ceux qui n’en ont pas (3,490 contre 4,200; U de Mann-Whitney = 366,500; p = 0,008). Ceux qui ont des enfants déclarent également moins lire les SMS en conduisant (3,224 contre 4,400; U de Mann-Whitney = 377,500; p = 0,006) et moins répondre aux SMS en conduisant (2,551 contre 3,900; U de Mann-Whitney = 383,000; p = 0,004). Enfin, toujours concernant les SMS, ceux qui ont des enfants déclarent moins envoyer un SMS (en dehors des réponses à un autre SMS[7]) (2,347 contre 3,400; U de Mann-Whitney = 358,000; p = 0,019). Concernant les motivations à répondre en fonction de l’interlocuteur, ceux qui ont des enfants répondent moins à un SMS de la personne qu’ils doivent rencontrer (51 % contre 90 %; test exact de Fisher p = 0,034). Enfin, ceux qui ont des enfants estiment le risque au volant plus important -quand on discute avec un passager (3,184 contre 2,200; U de Mann-Whitney = 145,000; p = 0,039), -quand on n’est pas au téléphone (ils perçoivent les risques au-delà de l’utilisation du téléphone) (1,898 contre 1,100; U de Mann-Whitney = 160,000; p = 0,048) et quand on tient le téléphone à la main (5,816 contre 3,700; U de Mann-Whitney = 102,500; p = 0,004)[8].

4. Discussion

La première cause de mortalité au travail est due aux accidents routiers et plus on roule plus on est exposé aux risques d’accidents (Gaymard, 2017a). On sait également que les individus qui conduisent pour le travail ont tendance à adopter des comportements de conduite plus risqués que les autres conducteurs (Symmons et Haworth, 2005). Cependant, nous avons peu de connaissances sur les circonstances amenant les professionnels à prendre des risques au volant. Cette enquête novatrice conduite auprès d’un groupe de commerciaux rapporte des éléments permettant de clarifier leurs habitudes de conduite, leurs ressentis au travail, l’usage qu’ils font du téléphone au volant ou leur perception des risques et donc de mieux comprendre les risques routiers professionnels.

Même si au début de l’enquête les professionnels déclarent respecter globalement le Code de la route (moyenne de 4,24 sur une échelle allant de 1 (jamais) à 5 (toujours)) et être attentifs au volant (moyenne de 4,20), l’analyse des différentes réponses permet de comprendre qu’il y a en réalité beaucoup de transgressions légitimes (Gaymard, 2007, 2014; Gaymard et Tiplica, 2019) et que cette légitimité s’appuie en premier lieu sur des contraintes professionnelles comme la gestion du temps et les relations entreprise/clientèle. Les commerciaux vont finalement reconnaître qu’ils font des excès de vitesse, qu’ils ressentent de la fatigue et qu’ils utilisent le téléphone au volant y compris pour des utilisations formellement interdites. Des travaux de 1985 (Moget-Monseur et Biecheler Fretel) indiquaient que les conducteurs avaient peu de scrupules à rapporter les infractions commises et cela reste d’actualité quand les conducteurs trouvent « légitime » de ne pas respecter la règle. Les travaux s’appuyant sur la théorie de la conditionnalité (Gaymard, 2014a) démontrent l’importance des transgressions légitimes chez les conducteurs. Ces transgressions, bien que réelles d’un point de vue légal, sont légitimes dans la représentation car la conditionnalité est intégrée dans le système de pensée sociale (Gaymard, 2007, 2009, 2017b; Gaymard et Tiplica, 2014). Ces travaux montrent que la limitation de vitesse est le scénario le plus conditionnel et le port de la ceinture de sécurité à l’avant est le scénario le moins conditionnel. Cela signifie qu’un grand nombre de raisons sont évoquées pour ne pas respecter la limitation de vitesse alors que les conducteurs n’évoquent pas de raison justifiant de ne pas mettre la ceinture de sécurité. Les résultats de cette étude viennent corroborer ces travaux puisque les infractions sont d’abord liées aux excès de vitesse et que les commerciaux déclarent porter la ceinture de sécurité tout le temps. On apprend également des travaux sur la conditionnalité qu’une interdiction formelle ne peut servir de justification (e.g. justifier un excès de vitesse parce qu’on a consommé de l’alcool, Gaymard (2007)). La situation du téléphone au volant favorise la conditionnalité par son cadre autorisant l’usage du téléphone avec le système bluetooth. D’autres travaux comme ceux de Verkuyten, Rood-Pijpers, Elffers et Hessing (1994) défendent l’existence de règles qui serviraient à « casser les règles formelles ».

Dans la présente étude, les commerciaux déclarent ressentir de la pression au travail avec une moyenne de 3,75 (la note de 5 correspond à une énorme pression). Cette population est sensible au stress et à l’épuisement professionnel (Hollet-Haudebert, 2010) et cette problématique n’est pas récente (Moncrief, Babakus, Cravens et Johnston, 1997; Tanner Jr., Dunn et Chonko, 1993). Pour expliquer le stress des commerciaux, les différents auteurs font référence à la pression des délais, des résultats, aux conflits de rôle, à la relation avec la clientèle ou avec la hiérarchie; d’autres études plus rares abordent la question du stress dans les déplacements (Bernard, Bouck et Young, 2000). Dans cette étude il apparaît que les commerciaux se déplacent avant tout sur le réseau secondaire qui, du point de vue statistique, reste plus accidentogène que les autoroutes (ONISR, 2017). Compte tenu du temps moyen quotidien passé dans la voiture (entre 2 et 3 heures), on peut imaginer que leur périmètre de travail est assez concentré, ceci expliquant le choix de ces infrastructures. Cependant, sur ces infrastructures ils sont plus exposés aux risques d’accidents, ce, d’autant plus qu’ils utilisent le téléphone. En France, au premier juillet 2018, les routes bidirectionnelles sans séparateur central sont passées de 90 à 80 km/h dans l’objectif de réduire les accidents sur le réseau secondaire.

Dans notre enquête, la fréquence d’utilisation du téléphone au volant est importante. L’intensité moyenne des appels reçus est de 3,76 (5 correspondant à tout le temps), celle des appels passés est de 3,56, celle des SMS reçus est de 3,76, l’intensité moyenne des SMS lus est de 3,41 et des SMS passés est de 2,56. Une partie de l’échantillon (15 %) a par ailleurs déclaré ne pas avoir de système bluetooth, ce qui signifie qu’elle utilise le téléphone en complète illégalité. L’approfondissement sur les motivations à répondre en fonction des interlocuteurs nous apprend qu’ils sont contraints par leurs clients qu’ils doivent rencontrer et par leur entreprise (hiérarchie, collègue) confirmant la pression ressentie. Cela concerne davantage les appels, respectivement, 93,22 %, 88,14 % et 86,44 %. Nous observons d’ailleurs une différence dans la motivation à répondre entre le client important (86 %) et le client lambda (51 %). Le pourcentage de SMS reçus par le client qu’ils doivent rencontrer est de 57,63 %, le supérieur hiérarchique échange également par SMS (47,46 %), mais une information non négligeable concerne les échanges avec la sphère privée (conjoint/enfants) puisque le taux de SMS est le plus élevé pour le(a) conjoint(e) (59,32 %). Ces résultats viennent relativiser la séparation vie professionnelle/vie privée déclarée par environ 73 % des commerciaux. À noter qu’en dehors des appels et SMS, les commerciaux déclarent utiliser leur téléphone au volant d’abord comme GPS, mais qu’une partie déclare également l’utiliser pour lire les courriels et aller sur les réseaux sociaux. Ces informations nous permettent de comprendre pourquoi ces commerciaux peuvent difficilement être attentifs quand ils conduisent. La partie qui concerne l’expérience des sanctions nous apprend que celles-ci sont consécutives aux excès de vitesse, puis à l’utilisation du téléphone. Les raisons évoquées concernent le fait d’être pressé ou le besoin de gagner du temps ce qui n’est pas étonnant puisque les travaux ont établi que les excès de vitesse résultaient souvent de pressions temporelles (Salminen et Lahdeniemi, 2002). Les autres justifications portent sur l’inattention et l’ennui au volant. La première étude publiée en 2007 sur la conditionnalité de la règle au volant montrait déjà que la distraction était une raison justifiant les transgressions de la plupart des scénarios (feu rouge, stop, sens interdit, limite de vitesse…) alors que c’est entre 2011 et 2016 que la diffusion du smartphone va connaître une brusque ascension en France[9].

Concernant les aspects différentiels, les conducteurs déclarent davantage utiliser le téléphone que les conductrices et ils utilisent davantage la fonction agenda et les réseaux sociaux au volant. Ils ont également une perception moindre des risques au volant quand il y a une discussion avec un passager ou quand il faut régler son GPS. La différence dans le rapport au risque entre les hommes et les femmes a fait l’objet de multiples publications et ces différences qui sont observées assez tôt durant le développement (Hillier et Morrongiello, 1998) se poursuivent sur la route (e.g. Özkan et Lajunen, 2005, 2006); les conducteurs surestiment leurs compétences de conduite par rapport aux conductrices (DeJoy, 1992). Les hommes représentent 75 % des morts sur la route[10] et au niveau mondial, les jeunes hommes de moins de 25 ans ont trois fois plus de risques d’être tués dans un accident de la route que les jeunes femmes (OMS, 2018). Des différences s’observent également dans le rapport aux autres. En situation d’interaction avec les piétons, les conductrices sont moins conditionnelles que les conducteurs et plus empathiques (Gaymard et Tiplica, 2014). L’aspect différentiel lié à la situation familiale et corrélé à l’âge vient là aussi confirmer les statistiques d’accidents et l’implication des plus jeunes[11] qui combinent comme aspects négatifs l’âge, le manque d’expérience et la sur-confiance (surtout les jeunes hommes); les plus jeunes perçoivent d’ailleurs certaines situations comme le fait de téléphoner au volant comme étant moins risquées. On apprend que ce qui différencie davantage les plus jeunes des plus âgés concerne la lecture et l’envoi des SMS. Enfin, un aspect intéressant et peu étudié concerne les différences entre les commerciaux qui déclarent pouvoir faire la séparation entre vie professionnelle et vie privée et ceux qui déclarent ne pas pouvoir la faire. Ainsi on observe que la séparation entre ces deux sphères allège la charge globale puisque les commerciaux concernés déclarent moins subir de pression au travail et passer moins de temps quotidien dans la voiture. Un autre élément important repose sur le comportement en lien avec l’utilisation du téléphone au volant. Ainsi ceux qui font la séparation mettent moins leur téléphone en mode sonnerie et plus en mode vibreur, ils déclarent moins répondre (appels et SMS) aux membres de la famille et moins répondre aux SMS du supérieur hiérarchique. Les commerciaux déclarant faire la séparation entre vie professionnelle et vie privée adoptent donc un comportement plus préventif sur la route; on peut faire l’hypothèse qu’il y a derrière ces aspects des facteurs de personnalité, mais cela reste à approfondir.

À la lecture de ces résultats, force est de constater que les commerciaux sont très exposés aux risques d’accident tout en déclarant qu’ils sont conscients de certains risques comme l’écriture de SMS au volant avec une moyenne de 6,49 (8 correspondant à très risqué). Ils ont un peu moins le sentiment de prendre des risques quand ils ont le téléphone à la main (moyenne de 5,49) et reconnaissent que le fait de régler le GPS en conduisant est risqué (moyenne de 4,95).

Ces professionnels pourraient être mieux protégés sur la route et en même temps ils prendraient moins de risques pour autrui si certaines mesures préventives étaient adoptées. Tout d’abord il faut encourager au niveau organisationnel une culture de sécurité qui se répercutera aux différents niveaux de l’entreprise; un certain nombre de sociétés/entreprises sont engagées dans les bonnes pratiques pour prévenir les risques routiers (Gaymard, 2014b). Pour limiter l’utilisation du téléphone, l’application mode conduite[12] pourrait être proposée. Il faut proscrire la lecture, l’envoi des SMS, l’usage des courriels ou des réseaux sociaux en conduisant car le risque est trop élevé. Sur le réseau secondaire en particulier, un moment d’inattention peut être dramatique. La formation reste importante car il perdure de fausses croyances sur les risques ou une méconnaissance des mécanismes psychosociologiques sous-jacents aux comportements[13]. Il faudrait s’assurer des équipements, planifier les déplacements pour éviter d’avoir à régler le GPS en conduisant, organiser les rdv sur des délais raisonnables qui ne risquent pas de mettre les commerciaux en danger ou d’accentuer la fatigue. Cette politique de sécurité pourrait être défendue auprès de la clientèle en fixant au préalable un rdv qui ne nécessitera pas d’échange sur le trajet; le problème du réseau secondaire c’est qu’il n’y a pas nécessairement d’endroits permettant de s’arrêter pour téléphoner. Limiter l’utilisation du téléphone en conduisant c’est favoriser la diminution du stress professionnel. Il faudrait également sensibiliser sur les risques d’échange par SMS relevant du domaine privé pour que le travailleur puisse se concentrer davantage au volant. Un(e) conjoint(e) peut comprendre qu’il est préférable de ne pas envoyer de SMS sur des temps de trajet.

Enfin, il existe des profils à risque et on sait que la conduite est influencée par des facteurs de personnalité (Gaymard, 2016; Gaymard et Tiplica, 2019) qui peuvent être évalués de façon préventive. Les études ont montré que les individus qui ne peuvent pas faire face au stress éprouvent davantage de colère et d’agressivité en conduisant (Hoggan et Dollard, 2007). À partir de la théorie du « Locus of control » (Rotter, 1966), Hoyt (1973) a montré que les conducteurs « internes » étaient plus préventifs, plus responsables et moins anxieux au volant. À la suite des travaux de Friedman et Rosenman (1959) identifiant deux types de personnalité : A (tendance à l’empressement) et B (calme, patient), les recherches ont montré que la personnalité de type A était plus sensible aux pressions temporelles et au stress (Brooks, 2018). D’autres facteurs liés aux différences individuelles peuvent accroître la prise de risque (Gaymard, op. cit.) comme par exemple le biais d’optimisme (Harris et Middleton, 1994) ou l’illusion de contrôle. Si l’optimisme a un effet positif car il réduit l’anxiété, un de ses effets négatifs est une motivation moindre à s’engager dans les comportements de protection (Weinstein et Nicolish, 1993).

Cette étude originale comporte néanmoins quelques limites. Les commerciaux interrogés proviennent d’une entreprise, donc les résultats ne peuvent être généralisés. Par contre ce type de travail peut apporter un diagnostic pour les dirigeants soucieux de prévenir les risques routiers professionnels. Par ailleurs, avec un échantillon plus important, il serait intéressant d’avoir des informations plus précises de la part des répondants quant aux kilomètres domicile/travail et missions. D’autres informations sur le statut marital, l’âge des enfants, s’ils sont à charge ou pas permettraient de mieux comprendre l’implication des aspects de la vie privée.

La distraction au volant est accentuée par l’usage du téléphone et quelques secondes d’inattention suffisent à se déporter sur la voie opposée, c’est donc la responsabilité de chacun de limiter ces risques. Pour la psychologie du trafic, les accidents sont d’abord liés à une absence de motivation à se comporter sans danger (Gaymard, 2017c), il faut donc travailler sur ces aspects car la sécurité routière constitue un véritable enjeu de santé publique. Du point de vue professionnel, les entreprises qui s’engagent pour une route plus sûre contribuent à la protection de leurs salariés et à sauver des vies.

Annexe

Annexe 1

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