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Cancel Wars: How Universities Can Foster Free Speech, Promote Inclusion, and Renew Democracy par Sigal R. Ben-Porath, Chicago: University of Chicago Press, 2023[Notice]

  • Charles-Antoine Bachand

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  • Charles-Antoine Bachand
    Université du Québec en Outaouais

Avec Cancel Wars, la philosophe de l’éducation, Sigal Ben-Porath poursuit le travail qu’elle avait amorcé en 2017 avec son ouvrage, Free Speech on Campus. Elle n’est certes pas la seule à explorer ces thématiques, mais sa contribution à la discussion actuelle sur la liberté d’expression, la liberté universitaire et l’approche des sujets délicats ou sensibles en milieu universitaire est tout à fait éclairante. L’analyse de Ben-Porath dans ce nouvel ouvrage offre des perspectives précieuses pour quiconque s’intéresse aux enjeux de la liberté de recherche et d’enseignement en enseignement supérieur. Avec la finesse et la rigueur qu’exigeait un tel travail, la philosophe dépeint les multiples dimensions de ces enjeux et fournit plusieurs pistes d’intervention. L’analyse de la chercheuse prend pour assise la mission même de l’université. Elle rappelle ainsi que la quête du vrai doit demeurer la principale fonction de l’université et du monde universitaire. À l’instar de Chomsky (1987), elle soutient qu’il est de la responsabilité de l’intellectuel de dire le vrai. Cependant, elle rappelle aussi que l’université a une autre vocation cruciale : contribuer à la vitalité de la démocratie. Pour Ben-Porath, en ce début du XXIe siècle, les missions épistémique et démocratique des établissements universitaires sont résolument entrelacées. Il serait vain, voire périlleux, de chercher à penser l’une sans l’autre. En effet, dans le contexte actuel de polarisation dans les débats politiques et scientifiques, Ben-Porath estime que l’université a un rôle crucial à jouer. La démocratie exige la mise en place et le maintien d’un espace propice à la délibération, à la discussion et à la prise de décisions collectives. Pour la philosophe, c’est aussi dans cette optique qu’il faut analyser et comprendre les enjeux liés à l’exploration des sujets sensibles et à la liberté d’investigation dans les universités. S’inspirant de Dewey (1916/2018), Ben-Porath soutient que l’université doit assurer que la démocratie s’incarne dans son mode de fonctionnement. L’université ne peut ainsi limiter son rôle à celui d’arbitre de la vérité. Elle doit savoir adopter une position proactive face aux débats les plus divers, non pas en proclamant ce qui est vrai, mais en contribuant à façonner cet espace de discussion qui permettra non seulement de créer l’habitude de la délibération, mais aussi d’élaborer des fondements épistémiques communs de même qu’une pratique partagée d’évaluation du savoir. Or, selon l’autrice, il importe aussi d’admettre que la démocratisation de l’accès à l’université de même que la diversité accrue au sein de la population étudiante exigent une renégociation et une clarification du contrat tacite entre le personnel enseignant et les étudiant·e·s au sujet des missions de l’université et de ce qu’implique la recherche du vrai. Les conditions nécessaires à la libre investigation n’ont pas nécessairement de prétentions démocratiques. Il est néanmoins possible de reconnaitre qu’elles ont été identifiées ou élaborées en l’absence d’une part importante de la population. Il est de même possible d’ajouter que l’histoire de la recherche scientifique n’est pas exempte de colonialité ou d’aveuglements épistémiques (voir notamment Castro-Gómez, 2007). La démocratisation de l’enseignement supérieur implique donc que les universités accueillent des étudiant·e·s issu·e·s de groupes historiquement marginalisés qui n’ont pas participé à cette oeuvre épistémique et leur permettent d’exprimer leurs inquiétudes et de délibérer sur la nature du savoir. L’autrice avance par ailleurs l’idée que l’expérience qu’ont pu avoir plusieurs des étudiant·e·s de nos universités de la liberté d’expression diffère sensiblement de celle de leurs ainé·e·s. Au cours des vingt dernières d’années, contrairement à ce qui a pu être le cas dans les années 1960 à 2000, la liberté d’expression semble en effet avoir été invoquée bien plus souvent pour permettre à un polémiste de …

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